Les Echos - 02.10.2019

(Brent) #1
entre 2017 et 2019, SoftBank Group
ou son Vision Fund ont investi plus
de 9 milliards de dollars dans la
société de location de bureaux, à
un prix la valorisant jusqu’à...
47 milliards de dollars.
Depuis les révélations sur la
gouvernance douteuse d’Adam
Neumann – il a été poussé dehors –
et les pertes gigantesques de la
société, la valorisation de WeWork
n’est plus estimée qu’à une dizaine
de milliards de dollars. Ce qui pour-
rait représenter, selon les calculs de
Bernstein Research, une déprécia-
tion d’actifs de plus de 2 milliards de
dollars pour le conglomérat japo-
nais. « WeWork est un gros pro-

blème, mais il y a aussi les déprécia-
tions d’Uber et de Slack », insiste Atul
Goyal, de Jefferies, en référence aux
autres investissements délicats
poussés par Masayoshi Son.

Suspicion des investisseurs
Parmi les six sociétés de la galaxie
SoftBank-Vision Fund déjà intro-
duites en Bourse, seules deux (Guar-
dant Health et 10x Genomics) évo-
luent au-dessus de leur niveau
d’introduction. Les autres ont bu la
tasse. Uber, dans lequel Masayoshi
Son a misé plus de 7 milliards de
dollars, a perdu 30 % de sa valeur
depuis son introduction et Slack,
une plate-forme de messagerie

pour entreprises, a reculé de 40 %.
Autant de contre-performances qui
pèsent sur les autres start-up épau-
lées par SoftBank, à des prix qui ont
souvent fait grincer les dents de la
Silicon Valley et alimenté les crain-
tes d’une nouvelle bulle. « La démis-
sion du PDG de WeWork a mis en
lumière les risques de gouvernance
pour les entreprises du portefeuille
du SoftBank Vision Fund car elles
sont encore privées et ne sont pas
aussi surveillées que les sociétés lis-
tées », résume Motoki Yanase, de
l’agence Moody’s à Tokyo.
Si ces incidents ne pèsent pas,
pour l’instant, sur la santé finan-
cière globale de SoftBank Group,

qui a accumulé plus de 250 mil-
liards de dollars d’actifs, ils risquent
d’accentuer la suspicion sur la
valeur réelle des autres groupes de
sa galaxie et vont compliquer le
montage d’un second Vision Fund.
Depuis cet été, Masayoshi Son fait
le tour des grands investisseurs ins-
titutionnels pour réunir de nouveau
100 milliards de dollars à investir
dans les nouvelles technologies,
mais il a déjà essuyé plusieurs refus
fermes. Le Fonds d’investissement
public d’Arabie saoudite et Muba-
dala Investment, le fonds d’Etat
d’Abu Dhabi, ont ainsi déjà laissé
entendre qu’ils ne seraient pas aussi
généreux que la première fois.n

Yann Rousseau
@yannsan
— Correspondant à Tokyo


Masayoshi Son ne veut rien enten-
dre. Sa vision du monde à 300 ans est
la bonne et rien ne l’empêchera de
miser des sommes gigantesques sur
les technologies du futur avec son
groupe SoftBank ou son Vision Fund
de 97 milliards de dollars, financé
largement par l’Arabie saoudite et
Abu Dhabi. Mardi, quelques heures
après avoir entendu WeWork – dont
SoftBank Group est le premier
actionnaire – annoncer qu’il aban-
donnait son projet d’introduction en
Bourse, le conglomérat japonais a
dévoilé un nouvel investissement de
plusieurs dizaines de millions de
dollars dans MDI, une plate-forme
nippone de location d’appartements
qui ne génère aucun profit.
Si « Masa », comme l’appellent
ses collègues, refuse de voir dans les
récents déboires de WeWork une
remise en cause de sa stratégie
d’investissement, de plus en plus
d’analystes osent pointer les limites
de sa p olitique des « coups de
cœur ». Certes, l’homme d’affaires a
prouvé qu’il avait du nez après avoir
été l’un des premiers investisseurs
dans le chinois Alibaba, l’américain
Yahoo! ou l’asiatique Grab, mais il a
depuis misé massivement sur plus
de 80 sociétés. Sans pouvoir reven-
diquer la même réussite.


Des pertes gigantesques
Le patron de SoftBank aime à racon-
ter qu’il a décidé d’investir dans
WeWork après avoir discuté seule-
ment quelques minutes dans une
voiture à New York avec son fonda-
teur, Adam Neumann. Tout s’était
fait à l’instinct. Dans la foulée,


TECHNOLOGIE


De plus en plus de voix
remettent en cause la
stratégie d’investisse-
ment de l’homme
d’affaires japonais.


Les déboires de
We Work s’ajoutent
aux mauvaises
performances
d’autres sociétés dans
lesquelles SoftBank
a investi massivement.


Le fiasco WeWork brouille


les visions du patron de SoftBank


Dentsu Aegis


revoit


son modèle


reculer de 14 %, à 25,9 millions
d’euros. Ce que le directeur finan-
cier, Guillaume Izabel, explique
par un « effet de saisonnalité » lié à
l’activité de distribution.
Le chiffre d’affaires, lui, est en
hausse d e 30 % à périmètre
constant, à 189 millions, due à un
accroissement du volume de
production. Compte tenu de
ses développements en cours,
Mediawan confirme ses objectifs
annuels de croissance organique
supérieure à 10 % et d’une pro-
gression de l’Ebitda en 2019.
Après avoir réalisé une dizaine
d’emplettes depuis 2017, le produc-
teur des « Bracelets rouges » et de
« Dix pour cent », qui s’est récem-
ment offert la société de production
de la série « H », dit vouloir poursui-
vre les acquisitions et affirme d ispo-
ser de 100 millions d’euros pour ce
faire. « Nous pouvons faire des acqui-
sitions significatives via des opéra-
tions financières. Mais la taille n’est

pas un objectif en soi. Nous voulons
d’abord être l’acteur qui a le plus de
marques premium en Europe »,
explique Pierre-Antoine Capton,
président du directoire.

L’ Europe du Sud
en ligne de mire
Mediawan vise désormais plus
particulièrement l’Europe du Sud.
Après Palomar en Italie ( « Commis-
saire Montalbano »), c’est l’Espagne
qui est dans la ligne de mire, où
Pierre-Antoine Capton assure que
l’entreprise sera « un acteur impor-
tant l’an prochain ».
A vrai dire, Mediawan n’a pas le
choix, l’e ntreprise ayant encore du
mal à convaincre les investisseurs.
« Il faudra encore des acquisitions
pour redonner confiance au mar-
ché », souligne ainsi un analyste.
En berne, le cours de Bourse a
chuté de plus de 30 % depuis mi-
2018, passant au-dessous de son
prix d’introduction. « Il y a peut-être

eu une déception sur l’implication de
Xavier Niel et Matthieu Pigasse »,
grince un observateur. Les dissen-
sions entre les deux hommes au
sujet du « Monde », notamment,
ont pesé. « C’est une vision très
médiatique des choses. Nous sommes
tous trois alignés sur une même
vision stratégique », répond Pierre-
Antoine Capton.
Pour certains analystes, la chute
serait aussi liée à une sanction plus
générale des « midcaps ». « Nous
avons connu u ne forte hausse
[+50 % entre l’introduction et
juin 2018, NDLR] qui a peut-être
été trop rapide. Mais nous faisons
mieux que les autres médias en
Bourse. La valeur des contenus va
exploser et nous allons en béné-
ficier », reprend le président
du directoire.
Il n’empêche, à ce stade, comme le
note Société Générale, « Mediawan
est moins bien valorisé que les autres
producteurs », sa vraie famille.n

Marina Alcaraz
@marina_alcaraz


Malgré des résultats contrastés sur
le premier semestre, Mediawan
reste confiant pour l’ensemble de
l’année. La plus importante société
de production de fiction française,
créée par Xavier Niel et Matthieu
Pigasse, a vu son Ebitda semestriel


AUDIOVISUEL


La société de Xavier
Niel et Matthieu
Pigasse a publié
un Ebitda en baisse
et un chiffre d’affaires
semestriel en hausse.


En berne, son cours
de Bourse est repassé
en dessous de son prix
d’introduction.


Malgré des résultats contrastés,


Mediawan reste confiant pour l’année


Véronique Richebois
@VRichebois

« Quelle est la meilleure stratégie
actuelle pour une marque de
luxe : concevoir un grand spot ins-
titutionnel? Ou ouvrir un musée
qui figurera, du coup, comme un
véritable “média de marque ?” »
s’interroge Olivier Sebag, direc-
teur général de Dentsu Aegis
Network (DAN), filiale du cin-
quième groupe de communica-
tion, qui vient de rafler le budget
mondial média de Vodafone
(500 millions de dollars). Il y a
encore quelques mois, ce type
de question n’aurait même pas
franchi ses lèvres. Mais, comme
il l’assure, « confronté à la néces-
sité d’accompagner nos clients
dans la transformation de leur
modèle vers l’e-commerce, le
CRM, l’évolution de l’écosystème
dans lequel ils évoluent », le
groupe d’origine japonaise a
remis à plat son propre modèle
pour l’ensemble du monde.
Au-delà de la simplification
de l’organisation et de la ratio-
nalisation de son offre (le
groupe a effectué 200 acquisi-
tions en l’espace de six ans), le
groupe veut accélérer son déve-
loppement au-delà des frontiè-
res de la zone Asie-Pacifique, où
Dentsu Aegis Network, proprié-
taire de la première agence
japonaise, réalise encore 20 %
de ses revenus mais où il enre-
gistre une croissance organique
négative, en baisse de 8,1 %.

Surtout, Dentsu veut dévelop-
per son activité d’« entertain-
ment » pour cesser d’être exclu-
sivement une agence média,
tributaire des aléas des marchés
publicitaires. Car c’est son lot
depuis le rachat en 2013, pour
3,72 milliards d’euros, du britan-
nique Aegis, maison mère de
Carat, l’un des réseaux euro-
péens leaders dans l’achat et
le conseil média. En France,
Dentsu Aegis « rassemble
1.200 personnes, réalise encore
70 % de son chiffre d’affaires via
les médias et 30 % avec la c réation
publicitaire », indique Olivier
Sebag. « L’objectif est de parvenir
à un 50/50 avec tout type de
contenus liés à l’édition, à l’expé-
rience de marque, au CRM... ».
Pour cela, il a mis en place la
Maison Dentsu, rue de Rivoli à
Paris, destinée à « figurer comme
un lieu de culture et d’influence »
en étant, notamment, partie
prenante de la Paris Design
Week ou encore de la FIAC.
Maison Dentsu collabore éga-
lement avec Perrier-Jouët sur
la création d’un média culturel
et d’influence (sous un format
classique de magazine, mais
aussi digital et événementiel) et
sur le lancement d’une marque
de spiritueux en installant son
positionnement par le biais d’un
documentaire culturel.
Soit, à l’arrivée, une démar-
che globale d’« entertain-
ment », destinée à inscrire
produits et marques dans un
« écosystème » pointu et haut
de gamme. Prochaine étape, le
changement de nom de Dentsu
Aegis en Dentsu.n

PUBLICITÉ


Le cinquième
groupe de commu-
nication mondial
s’oriente vers
l’« entertainment ».

Dentsu veut cesser
d’être tributaire des
aléas des marchés
publicitaires.

La valorisation de We Work n’est plus estimée qu’à une dizaine de milliards de dollars. Photo Shutterstock

« Nous pouvons
faire des
acquisitions
significatives
via des opérations
financières. Mais
la taille n’est pas
un objectif en soi.
Nous voulons
d’abord être l’acteur
qui a le plus de
marques premium
en Europe. »
PIERRE-ANTOINE CAPTON
Président du directoire
de Mediawan

HIGH-TECH & MEDIAS


Les EchosMercredi 2 octobre 2019

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