Courrier International - 10.10.2019

(Brent) #1
On les craint comme la peste
et pourtant il ne faut pas
grand-chose pour qu’ils
deviennent sympathiques.
Tour d’horizon de quelques
mascottes.

RÉMY LE CHEF CUISTOT
C’est peut-être l’un des rats les
plus célèbres de ce début de

siècle, et il règne
sur un lieu où il
devrait être hors la
loi : une cuisine. Le
dégoût est pourtant
impossible devant
“Rémy, ce rat
animé d’un
ardent désir de
cuisiner”,
écrivait la BBC
en 2007. Dirigeant
l’ingénu Linguini pour
préparer des plats

gastronomiques,
le héros du fi lm
d’animation Ratatouille
sauve un restaurant du déclin,
sous l’œil de l’austère critique
gastronomique Anton Ego.

PIZZA RAT,
LE FIN GOURMET
Héritier bien réel de Rémy, ce
rongeur new-yorkais a fait la joie
des réseaux sociaux en 2015.
Et ce grâce à une vidéo où on
le voyait tenter de déplacer une

part de pizza plus grande que lui.
Depuis il a fait des émules, et les
habitants de la Grosse Pomme
se trouvent de nombreuses
mascottes dans cette lignée,
listées par le New York Post :
Pretzel Rat et son bretzel,
Chinese Takeout Rat, nourri
par un usager du métro, et Pole
Dancing Rat, aux activités plus
troubles.

Des héros


au poil



  1. 360 o Courrier international — n 1510 du 10 au 16 octobre 2019


Gare à la ratpocalypse


Aucune métropole n’a jamais réussi à se débarrasser de ses rats.
Sans doute parce que c’est mission impossible. Ces derniers
sont des éléments indissociables de l’écosystème urbain.

L


es rats sont des ombres de nous-mêmes.
Nous vivons à la surface de la ville,
eux, généralement, en dessous. Nous
travaillons le plus souvent de jour, eux, de nuit.
Mais partout où nous vivons ou presque, des
rats vivent aussi .” Dans toutes les métro-
poles du monde, les rats pullulent et pro-
lifèrent, suscitant souvent de la répulsion,
constate National Geographic. Mais pour-
quoi tant de haine? “Leur saleté est en fait la
nôtre : les rats se nourrissent de nos ordures
et des restes que nous jetons n’importe où”,
écrit le magazine américain.
Impossible d’évaluer avec précision leur
population. À Paris, on estime qu’ils sont
près de 4 millions, soit aux alentours de
1,6 à 1,7 par habitant. À Buenos Aires, ils
seraient “quelque 7 à 9 rats par habitant, soit
21 millions, écrit Diario Z. Leur nombre a
augmenté de plus de 50 % sur le premier tri-
mestre de l’année car la municipalité manqu
[ait] de produits de dératisation”, assure le
journal argentin. Produits de dératisation
ou pas, c’est néanmoins une constante :
“De Seattle à Buenos Aires, les populations
urbaines de rats sont en hausse – d’envi-
ron 15 % à 20 % sur la dernière décennie”,
avance National Geographic. Un indice
en serait l’accroissement du nombre
d’appels aux services de dératisation,
partout dans le monde.
Il faut dire que l’ur-
banisation galopante à
laquelle se livre l’huma-
nité depuis quelques décennies
offre aux rongeurs un habitat
accueillant où ils peuvent dormir,
boire et manger. La crise climatique

De l’autre côté de l’océan Pacifi que, en
Californie, c’est la peur de la peste noire
qui resurgit. La bactérie Yersinia pestis se
transmet entre autres par les puces de ron-
geurs, et la maladie est endémique parmi
les populations d’écureuils de l’État. De
l’écureuil au rat, du rat à l’homme, la peste
semble à portée de bond. “Les paquebots
ont causé la dernière épidémie mondiale de
peste bubonique, le changement climatique
pourrait déclencher la prochaine”, écrivait en
mai, dans le Los Angeles Times, le jour-
naliste David K. Randall, auteur d’un livre
sur l’histoire de la peste noire aux États-
Unis. Dans un article alarmiste, il souli-
gnait que la population de sans-logis de
Los Angeles, très exposée aux contacts
avec les rats, était selon lui particulière-
ment vulnérable.
La peur et le dégoût que les rats sus-
citent justifi ent qu’on emploie contre eux
des moyens extrêmes, relève National

leur serait également favorable. “Le réchauf-
fement de la planète va-t-il nous mener à la
ratpocalypse ?” interroge Grist, un site d’in-
formation environnementale de Seattle.
La clémence des hivers et l’allongement
de la saison chaude étireraient dans le
temps la période de gestation des rongeurs.
Ceux-ci pourraient également profi ter du
chaos provoqué par les inondations et les
cyclones à répétition – et par exemple de
la faillite plus ou moins prolongée des sys-
tèmes de gestion des déchets, souligne
une experte citée par le site.

La peur de la peste. Fléau urbain, les
rats attirent dans leur sillage la peur des
maladies et la hantise des grandes épidé-
mies. Cette année, trois cas d’hépatite E
du rat ont été recensés à Hong Kong. C’est
dans la métropole de l’Est asiatique que le
premier cas d’infection humaine par cette
variante de la maladie avait été constaté en


  1. “Six cas de transmission à l’homme sont
    à ce jour recensés dans le monde, dont cinq
    à Hong Kong”, s’alarme Ming Pao. Selon
    He Bailiang, le responsable du centre des
    maladies infectieuses de l’université de
    Hong Kong que cite le journal local,
    la situation serait “préoccupante” car
    les personnes infectées sont de
    plus en plus dispersées dans
    la ville. “Les cas dia-
    gnostiqués ne sont
    probablement que
    la partie visible
    de l’iceberg”,
    redoute-t-il.


Geographic. “Beaucoup de villes essaient de
s’en débarrasser avec du poison. Mais malheu-
reusement pour les rats, les poisons rapides
ne sont pas effi caces ; les rats qui se sentent
mal après avoir ingéré un appât ou deux ne
se laissent plus tenter. Le secteur de l’extermi-
nation utilise notamment des anticoagulants
qui ne produisent d’eff et sur les rats qu’après
plusieurs heures et qui ne les tuent pas avant
plusieurs jours. Les rats meurent lentement
d’hémorragie interne. Bobby Corrigan [un
spécialiste new-yorkais de la lutte contre les
rats, cité en référence par de nombreux jour-
naux sur le sujet] déteste l’idée de leur infl i-
ger une telle mort, mais il redoute l’irruption
de maladies. Aussi continue-t-il à mettre son
savoir-faire au service de ses clients.” Sans
qu’aucune ville ne réussisse d’ailleurs à
juguler le fl éau.

PROD DB

On les craint comme la peste
et pourtant il ne faut pas
grand-chose pour qu’ils
deviennent sympathiques.
Tour d’horizon de quelques

RÉMY LE CHEF CUISTOT
C’est peut-être l’un des rats les
plus célèbres de ce début de

siècle, et il règne
sur un lieu où il
devrait être hors la
loi : une cuisine. Le
dégoût est pourtant
impossible devant
“Rémy, ce rat
animé d’un
ardent désir de
cuisiner”,
écrivait la BBC
en 2007. Dirigeant
l’ingénu Linguini pour
préparer des plats

Des héros


au poil


% sur la dernière décennie”,
National Geographic. Un indice
en serait l’accroissement du nombre
d’appels aux services de dératisation,
partout dans le monde.
Il faut dire que l’ur-
banisation galopante à
laquelle se livre l’huma-
nité depuis quelques décennies
offre aux rongeurs un habitat
accueillant où ils peuvent dormir,
boire et manger. La crise climatique

peste bubonique, le changement climatique
pourrait déclencher la prochaine”,
mai, dans le
naliste David K. Randall, auteur d’un livre
sur l’histoire de la peste noire aux États-
Unis. Dans un article alarmiste, il souli-
gnait que la population de sans-logis de
Los Angeles, très exposée aux contacts
avec les rats, était selon lui particulière-
ment vulnérable.
La peur et le dégoût que les rats sus-
citent justifi ent qu’on emploie contre eux
des moyens extrêmes, relève

He Bailiang, le responsable du centre des
maladies infectieuses de l’université de
Hong Kong que cite le journal local,
la situation serait “préoccupante”“préoccupante”“préoccupante” car car
les personnes infectées sont de
plus en plus dispersées dans
la ville. “Les cas dia-
gnostiqués ne sont
probablement que
la partie visible
de l’iceberg”,
redoute-t-il.

PROD DB
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