18 |économie & entreprise MERCREDI 18 SEPTEMBRE 2019
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Alliance de raison entre Canal+
et l’américain Netflix
Dès le 15 octobre, les abonnés de la chaîne cryptée pourront souscrire
à une nouvelle offre intégrant les contenus de la plateforme à succès
E
nnemis hier, ils sont de
venus des alliés objectifs.
Canal+ et Netflix ont an
noncé, lundi 16 septem
bre, un partenariat de distribu
tion inédit. A partir du 15 octobre,
les clients de Canal+ pourront, par
le biais d’un abonnement com
plémentaire, accéder au catalo
gue de Netflix.
La navigation se veut fluide et
transparente : dans MyCanal ou à
travers la box Canal+, le client de
cette nouvelle offre se verra propo
ser dans la même interface les con
tenus de Canal+, comme Le Bureau
des légendes, et ceux de Netflix, de
Mindhunter à La Casa de Papel en
passant par Stranger Things.
« La première raison de ce parte
nariat, c’est le consommateur. Ce
dernier veut les meilleurs contenus
d’où qu’ils viennent », a commenté
Maxime Saada, président du di
rectoire du groupe Canal+. « Nous
sommes heureux de travailler en
semble après avoir travaillé l’un
autour de l’autre », s’est félicité
dans la foulée Reed Hastings, le pa
tron de Netflix, qui avait fait le dé
placement à Paris pour l’occasion.
L’offre se veut « compétitive »
pour le consommateur. Com
prendre à prix cassés. Le client Ca
nal+ devra opter pour le pack Ciné
Séries, qui comprend à ce jour des
chaînes cinéma de Canal+, le bou
quet OCS d’Orange et Disney Ci
nema, soit vingt et une chaînes
au total. Dans cette offre, viendra
s’ajouter Netflix. Le prix du pack
passera de 20 euros à 30 euros par
mois. Mais il sera commercialisé
jusqu’à Noël aux alentours de
15 euros.
Tarifs au rabais
Au bout du compte, le client Ca
nal+ devra débourser 35 euros par
mois tant que l’offre sera en pro
motion, et 50 euros ensuite. « Si le
consommateur prend tout séparé
ment, cela lui coûte 70 euros », ar
gumente M. Saada.
Canal+ versetil un minimum
garanti à Netflix? Combien cha
cun touchetil sur les nouveaux
abonnements? Combien de nou
veaux clients les deux entreprises
comptentelles gagner? Silence
radio sur les détails financiers du
partenariat. Tout juste saiton que
Canal+ estime à un million le
nombre de ses abonnés ayant
déjà souscrit à Netflix.
Pour la filiale de Vivendi, ces
derniers ont tout intérêt à opter
pour la nouvelle offre, afin d’avoir
plus de contenus au même prix.
Par ailleurs, deux millions de
clients ont déjà souscrit au pack
Ciné Séries ; ils devront donc con
tracter un nouvel abonnement
pour accéder à Netflix en plus.
Avec ces tarifs au rabais – à lui
seul, Netflix coûte entre 8 euros et
12 euros par mois –, l’américain et
le français sont prêts à se priver
chacun d’une part importante de
chiffre d’affaires. « L’accord sera
gagnant, grâce aux volumes. C’est
ce que nous avons fait avec Sky
au RoyaumeUni il y a dix mois, et
avec Comcast aux EtatsUnis », af
firme Reed Hastings. Et si la pro
duction ne fait pas directement
partie de l’accord, le rabibochage
des deux groupes devrait favori
ser à l’avenir les coproductions.
Ce mariage de raison s’explique
par la concurrence qui s’intensifie
dans le monde de la vidéo. Alors
qu’Amazon Prime Video vient
d’annoncer un accord de distribu
tion avec Altice aux EtatsUnis et
coûte en France seulement
49 euros par an, Apple lancera son
service Apple TV+ en novembre
au prix de 4,99 euros par mois.
Disney+, qui verra le jour aux
EtatsUnis le même mois, pour
rait être disponible en France
en 2020. Canal+ ferraille aussi dur
dans les compétitions sportives
contre BeIN Sports et RMC Sport.
Là aussi, il s’est résolu à conclure
des accords de distribution.
En France, Netflix continue de
croître à toute allure : de cinq mil
lions de clients en février, la plate
forme de vidéos dépasse désor
mais les six millions d’abonnés.
Chacun paie en moyenne
10 euros par mois et le groupe réa
lise un revenu annuel autour de
500 millions d’euros, selon nos
estimations. Mais au niveau
mondial, la croissance du service
de vidéo à la demande s’essouffle.
Au deuxième trimestre, Netflix,
qui compte 151 millions d’aficio
nados dans le monde, a déçu les
investisseurs : alors qu’il avait pro
mis de gagner cinq millions de
nouveaux clients, il n’a réussi à en
attirer que 2,7 millions. Aux Etats
Unis, il en a même perdu 126 000.
C’est dans ce contexte qu’il a
franchi le cap d’un partenariat
aussi fort avec Canal+ : « Nous
étions jusqu’ici très hésitants à in
tégrer nos contenus [à d’autres
platesformes]. Quand vous êtes
petits, on peut vous oublier. Mais
quand vous grandissez, vous ga
gnez en confiance dans votre mar
que », s’est justifié le PDG.
De son côté, Canal+ peine aussi.
Au deuxième trimestre 228 000
abonnés ont quitté ses chaînes
premium, tombant à 4,6 millions
de clients. Ces dernières perdent
d’ailleurs toujours de l’argent. Il a
aussi annoncé en juillet un plan de
réduction d’effectifs portant sur
18 % de ses salariés, soit 500 sup
pressions de postes. Le groupe dé
pense chaque année 3,2 milliards
d’euros dans les contenus (fictions
et sports), dont 1,3 milliard en
France. Des sommes importantes,
mais qui restent faibles par rap
port aux 10 milliards de dollars
(9 milliards d’euros) de Netflix.
Au point que certains se deman
dent si la filiale de Vivendi a tou
jours intérêt à conserver Canal+
Premium, ou si elle ne ferait pas
mieux de se concentrer sur le mé
tier de distributeur. « C’est d’abord
pour nos chaînes que les gens
s’abonnent », a défendu Maxime
Saada.
sandrine cassini
Ce mariage
s’explique par
la concurrence
qui s’intensifie
dans le monde
de la vidéo
0,8 %
C’est la nouvelle prévision de croissance établie pour la Suisse
en 2019, publiée mardi 17 septembre par le secrétariat à l’économie
de la Confédération. Jusqu’ici, il tablait sur 1,2 %. Fortement
dépendante des exportations, notamment de machines, de chimie
et de pharmacie, la Suisse est affectée par le ralentissement
de l’Allemagne, son premier partenaire commercial.
En outre, la moitié de ses échanges se font avec l’Union européenne.
S’ajoute à cela la pression du franc suisse, dont la valeur s’est nette-
ment appréciée ces derniers mois face à l’euro, pesant sur la compéti-
tivité des exports. Le pays table néanmoins toujours sur une crois-
sance de 1,7 % en 2020.
I N F O R M AT I Q U E
Aiman Ezzat va
succéder à Paul
Hermelin chez
Capgemini
Le conseil d’administration
de Capgemini a nommé,
lundi 16 septembre, un nou
veau directeur général,
Aiman Ezzat. Il remplacera
Paul Hermelin en mai 2020.
Celuici restera président
du groupe de services infor
matiques qui vient de rache
ter Altran. Agé de 58 ans,
Aiman Ezzat est présent
dans l’entreprise depuis plus
de vingt ans.
C O M M E R C E
Vers un accord entre les
Etats-Unis et le Japon
Washington et Tokyo se sont
entendus sur les contours
d’accords commerciaux con
cernant les barrières doua
nières sur les produits agrico
les et industriels (hors
secteur stratégique de l’auto
mobile), ainsi que le com
merce numérique, a affirmé
Donald Trump, lundi 16 sep
tembre, dans une lettre
adressée au Congrès.
Le président américain
doit les signer « dans les
semaines à venir », sans
être obligé de passer par
le Sénat et la Chambre des
représentants.
C I N É M A
Ymagis cède ses
activités de restauration
Le groupe Ymagis, spécialiste
européen des technologies
numériques pour l’industrie
du cinéma, a engagé, lundi
16 septembre, la cession
de sa filiale de restauration
de films, Eclair Cinéma
actuellement en redresse
ment judiciaire à L’Image
Retrouvée.
LES CHIFFRES
35 EUROS
C’est le tarif que devra payer
l’abonné Canal+ pour accéder
aux chaînes premium de la filiale
de Vivendi, ainsi qu’au pack Ciné
Séries, qui comprendra, le 15 oc-
tobre, les chaînes cinéma de Ca-
nal+, OCS, Disney, et Netflix.
6 MILLIONS
C’est le nombre d’abonnés
à Netflix en France. Une forte
augmentation par rapport
à février, quand la plate-forme
revendiquait 5 millions de
clients. Dans le monde, Netflix
en compte 151 millions.
16 MILLIARDS
C’est, en dollars (soit 14,5 mil-
liards d’euros), le chiffre d’affai-
res annuel enregistré par Netflix
en 2018 (+ 35 %). Le bénéfice
opérationnel a, lui, doublé
à 1,6 milliard de dollars.
5,2 MILLIARDS
C’est, en euros, le chiffre d’affai-
res annuel du groupe Canal+
en 2018 (– 0,6 %), dont 3,1 mil-
liards réalisés en France (– 3,4 %).
Hongkong : des internautes proChinois
appellent au boycottage de BNP Paribas
Un cadre de la banque avait insulté les militants favorables à Pékin sur sa page Facebook
hongkong correspondance
L
e Global Times, le journal de
la propagande chinoise en
langue anglaise, a relayé
dans la soirée du lundi 16 septem
bre un appel des internautes chi
nois au boycott de BNP Paribas.
Ceuxci reprochent à la banque de
« tolérer des employés sécession
nistes » et réclament qu’elle licen
cie l’un de ses salariés sympathi
sants du mouvement de contes
tation en cours à Hongkong.
« Cela ne suffit pas d’effacer tous
les messages sécessionnistes. Li
cenciezle immédiatement et fai
tesen autant avec tous les em
ployés qui soutiennent l’indépen
dance. Sinon, vous exposez dange
reusement vos affaires en Chine »,
affirme un internaute cité par le
Global Times.
L’incident remonte au 12 sep
tembre quand un faceàface sur
réaliste eut lieu pendant la pause
de midi dans la galerie mar
chande de l’IFC, l’un des centres
commerciaux les plus chics de
Hongkong, où les milliers de ban
quiers ou employés des tours
avoisinantes descendent acheter
leur déjeuner. BNP Paribas, l’une
des banques internationales les
plus enracinées dans la ville, loue
d’ailleurs plusieurs étages de
l’IFC, immeuble emblématique
de la place financière hongkon
gaise. Soudain, des centaines,
peutêtre plus de mille, hommes
et femmes proChinois déroulent
de grands drapeaux chinois, des
différents balcons surplombant
l’un des atriums du centre com
mercial. Ils entonnent alors
l’hymne national chinois et
crient des slogans tels que « Hon
gkong, c’est la Chine! » et « Soute
nons la police de Hongkong! »,
dans un geste de défiance visà
vis des manifestants antigouver
nementaux.
Mais en peu de temps, ces der
niers mobilisent à leur tour leurs
propres troupes de sympathi
sants, qui ont vite surpassé en
nombre et en décibels les proChi
nois. Après environ une heure de
cacophonie – à qui criera le plus
fort son slogan – et l’intervention
de la police, les deux camps finis
sent par se disperser, non sans
quelques coups de sacs, de para
pluies et de poings, et autres em
poignements de tignasse...
Après cet incident, très large
ment commenté à Hongkong, Ja
son Ng, le chef de l’un des dépar
tements juridiques de la BNP Pari
bas, avait qualifié de « singes » les
manifestants proChinois, sur sa
page Facebook. Effacé depuis, le
post a néanmoins été largement
copié sur de nombreux comptes
Weibo, le Twitter chinois. Jason
Ng est par ailleurs un avocat mili
tant connu et respecté à Hon
gkong pour ses éditoriaux et son
engagement prodémocratie.
Un enjeu énorme
La banque avait réagi en mettant
en ligne dès vendredi un com
muniqué en chinois et en anglais
s’excusant du post de leur salarié
et affirmant lui avoir « parlé » et
avoir « réagi immédiatement »,
sans toutefois dire comment. Se
lon le Global Times, BNP Paribas
s’est dite « extrêmement déso
lée », des excuses qualifiées de
« pure formalité », « manquant de
sincérité », selon les internautes
chinois.
Cette affaire représente un en
jeu énorme pour BNP Paribas, qui
est à l’avantgarde des grandes
banques européennes sur le mar
ché chinois. « Il faut espérer que les
clients chinois de la banque conti
nueront de travailler avec nous
[BNP Paribas] pour les raisons qui
font la réputation de la banque et
non pour l’avis personnel d’un em
ployé » , nous indique un banquier
qui, comme la plupart des per
sonnes contactées, n’a pas voulu
être cité. Il rappelle qu’il s’agit de
commentaires « faits à titre privé,
complètement en dehors de ses ac
tivités pour la banque, par un indi
vidu dont la position politique est
par ailleurs connue de tous ».
« Si la pression sur la liberté d’ex
pression augmente, un certain
nombre de sociétés vont devoir se
poser la question de délocaliser
une partie de leurs talents, et c’est
Hongkong qui va y perdre » , ob
serve Alicia GarciaHerrero, chef
économiste AsiePacifique de la
banque Natixis. Au moins aussi
inquiets que les banques, les
grands groupes de luxe ont la
hantise absolue d’être montrés
du doigt par ces blogueurs chi
nois dont tous redoutent la « ca
pacité de nuisance incontrôlable ».
Mais comme le rappelle un autre
banquier, « la Chine doit, elle
aussi, manier cette terreur avec
modération, car ce n’est pas dans
son intérêt non plus de faire fuir
toutes les grandes banques inter
nationales ».
florence de changy
Egalité salariale :
« Il y a un travail énorme
à accomplir »
Peu d’entreprises de plus de 250 salariés assurent
une égalité réelle entre hommes et femmes
U
n déclic s’est produit dans
les entreprises pour ré
duire les écarts de rému
nération entre les hommes et les
femmes, mais il leur reste encore
beaucoup de chemin à parcourir.
C’est, en substance, le message dé
livré par Muriel Pénicaud, la mi
nistre du travail, qui devait faire le
point, mardi 17 septembre, sur la
mise en application de l’index de
l’égalité professionnelle.
Instauré par la loi « avenir profes
sionnel » du 5 septembre 2018, ce
dispositif permet de comparer, au
sein d’une même société, les situa
tions en fonction du sexe des sala
riés. Il se présente sous la forme
d’une note sur 100, établie à partir
de cinq critères (écarts de rémuné
ration, répartition des augmenta
tions individuelles, etc.).
Premier enseignement : « la part
des entreprises de plus de 250 per
sonnes qui assurent une égalité
réelle, attestée par une note de 99
ou de 100 sur 100, est faible, déclare
Mme Pénicaud au Monde. On en dé
nombre 167 sur les 4 772 qui ont pu
blié leurs résultats. » Soit à peine
3,5 %. Parmi les sociétés cotées au
CAC 40 et au SBF 120, aucune n’a
obtenu les notes maximales « sur
l’ensemble de leur périmètre ». « Il y
a un travail énorme à accomplir »,
souligne Mme Pénicaud.
Les entreprises en « alerte
rouge » (c’estàdire dont la note
est inférieure à 75 sur 100) sont mi
noritaires : 18 % chez celles qui em
ploient plus de 1 000 personnes et
16 % pour celles qui ont entre 251 et
1 000 salariés. Elles doivent enga
ger des « mesures correctrices »
pour atteindre au moins la barre
de 75 d’ici trois ans au maximum,
faute de quoi des pénalités finan
cières leur seront infligées.
L’un des principaux manque
ments relevés porte sur le rattra
page salarial dont les femmes doi
vent bénéficier à leur retour de
congé maternité si leurs collègues
ont été augmentés durant leur ab
sence. Une loi de 2006 prévoit, en
la matière, des obligations extrê
mement précises, mais « un tiers
des entreprises de plus de
1 000 personnes ne les respectent
pas », rapporte la ministre (un cin
quième dans la catégorie des
2511 000 salariés). Autre gros
point noir : « le plafond de verre,
qui empêche les femmes d’accéder
aux postes de direction », déplore
Mme Pénicaud. La part de grands
groupes où il y a au moins deux
femmes parmi les dix collabora
teurs les mieux rémunérés n’est
que de 50 %. Les performances
sont un peu meilleures dans les
entreprises de 251 à un millier de
salariés : chez 60 % d’entre elles, au
moins deux femmes sont dans le
Top 10 des plus gros salaires.
Des retardataires
Aux yeux de la ministre du travail,
la création de l’index de l’égalité
professionnelle a déclenché une
« dynamique ». « Beaucoup de
chefs d’entreprise me disent – de
bonne foi, la plupart du temps –
qu’ils n’avaient pas pris la mesure
de la situation et qu’ils sont désor
mais résolus à agir. Ils savent que
c’est important, pour leur réputa
tion et leur capacité à attirer des ta
lents », confie Mme Pénicaud.
La quasitotalité des sociétés de
plus de 1 000 personnes ont pu
blié leur index – ce qu’elles étaient
tenues de faire depuis le 1er mars. Il
subsiste des retardataires : dix
huit ont été mises en demeure de
communiquer leurs résultats –
avec, dans un cas, « une procédure
de pénalité engagée » qui a porté
ses fruits, puisque le patron con
cerné a finalement livré les don
nées en question. Quant aux so
ciétés de 251 à 1 000 personnes, el
les avaient jusqu’à 1er septembre
pour calculer et diffuser leur in
dex : 68 % d’entre elles sont dans
les clous, les autres s’exposant à
des relances de l’administration.
bertrand bissuel