Le Monde - 07.09.2019

(Barré) #1
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nchaud soleildarde ses
derniers rayonssur le
Grand Palais. Sur le per-
ron du monument pari-
sien, autour duquel la
garde républicaine, pos-
tée de part et d’autre du
grand escalier,forme une
haie d’honneur,Francis
Bacon attend patiem-
ment. Ce mardi 26 octobre 1971, le peintre anglais, bientôt
62 ans, est tiréàquatre épingles. Seule la cravate est légère-
ment lâche. Il exulte. Dans ce Grand Palais où s’inaugure son
exposition, seul un autre artiste vivantadéjà été exposé,
Picasso, son idole. Une foule d’invités de renom vient
contempler ses toiles:les peintres Joan Miró et André
Masson,ces vieux routiers du surréalisme dont il s’est réclamé
àses débuts;l’écrivain Michel Leiris, quiasigné la préface
du catalogue, ainsi que l’essayiste Gaëtan Picon, proche
d’André Malraux. Même son jeune rival de 34 ans, David
Hockney,afait le voyage depuis Londres. Bacon ne lui prête
qu’une vague attention, agacé par la notoriété croissante de
son compatriote, homosexuel comme lui, peintre lui aussi


  • «maisunepeinture tellement lisse!»,se moque-t-il souvent.
    Ses yeux ronds de hibou offrent le regard vitreux de celui qui
    adéjà trop bu.Mais l’artiste,souvent qualifié de«hors-la-loi»
    par ses exégètes, porté sur les mauvais garçons, le jeu et les
    excès en tout genre, donne le change. Il garde son flegme,
    même devant un triptyque où les initiés reconnaissent George
    Dyer,son amant, assis sur la cuvette des toilettes. Une image
    dramatiquement prémonitoire. Deux jours plus tôt, le


Francis Bacon, triomphe


tragique au Grand Palais.


En octobre 1971, la République française offre au peintre


britanniqueàlaréputation sulfureuse une rétrospective de grande ampleur


au Grand Palais, où seul Picasso avant lui avait été exposé de son vivant.


Bacon s’active pendant des mois pour préparer au mieux l’événement


qui va attirer leTout-Paris. Deux jours avant le vernissage, son compagnon


George Dyer se suicide dans leur chambre d’hôtel. Un drame qui bouleversera celui


auquel le Centre Pompidou consacre une expositionàpartir du 11 septembre.


parRoxana azimi

Andr


éMorain ×2

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