Le Monde - 07.09.2019

(Barré) #1

de son époque, l’homme retourne s’installer,àla fin des
années 1970, dans la région de San Francisco, et s’inté-
resse alorsàlascène punk.«Mon but,confie-t-il,c’était
de me faire aussi invisible qu’une mouche sur un mur.»
To ujoursàl’arraché, mais avec un œil infaillible et une
tendresse un peu acide qui rappelle l’humanité douce
des photos de son maître GarryWinogrand, indépassable
référence de la photographie de rue en noir et blanc.
To uche-à-tout, il immortalise aussi le quotidien de sa
famille. La série, intituléeThe Jangs,offre un précipité
souvent drolatique, parfois nostalgique, de l’American
way of life,expérimentéeàplein par cette famille asia-
tiquequi semblent embrasser avec entrain les joies du
capitalisme occidental.
Aprèsses études, Jang doit gagner sa vie, et se consacre
doncàlaphotographie commerciale.«J’ai travaillé
pourdes magazines,pourlatélévision, pouruncabinet
d’avocats,explique-t-il.J’ai photographié des mariages,
j’ai réalisé des portraits de famille... J’acceptais tout, du


Page de
gauche,
Madame
Jang et sa
fille dans leur
buanderie,
1973 (série
TheJangs).

Ci-dessus,
lors des
funérailles
de George
Moscone,
mairedeSan
Francisco
assassiné
en 19 78
(sérieSan
Francisco).

moment que ça me permettait de vivre en prenant des pho-
tos.»Il remise ses images de jeunesse dans son garage,
les jetant en vrac dans des cartons. En 2002, quand il
soumet un portfolio au MoMA de San Francisco, il a
depuis longtempsabandonné l’idée d’être un photo-
graphe reconnu. Mais la curatrice SandraS. Phillips
détecte immédiatementdans ses images«lajoieetla
folie de cette époque»,etdécide, ilyaquelques années,
d’en intégrer certainesàlacollection permanente du
musée, aux côtés de clichés signés Diane Arbus ou Lee
Friedlander.Aujourd’huiàlaretraite, Michael Jang
savoure cette reconnaissance qu’il n’attendait plus, sans
pour autant envisager de reprendre du service.«Avec le
temps qu’il me reste,dit-il,je préfère explorer mes archives
et faire connaître mon travail. C’est formidable de pou-
voir ainsi voyager dans le passé.»

«Michael Jang’sCalifornia », McEvoy Foundation for the Arts,
San Francisco. Du 27 septembre au 18 janvier 2020. mcevoyarts.org
Who is Michael Jang ?,deMichael Jang, Atelier éditions.
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