Télérama Magazine N°3632 Du 24 Août 2019

(coco) #1

cinéma


Shanna BeSS

on/Why

not ProductionS

Roubaix, une lumièRe


aRnaud desplechin


Un assassinat, un couple de marginales accusé, un commissaire rayonnant


de sagesse... Et un remarquable changement de registre pour le cinéaste.


Léa Seydoux
et Roschdy Zem.
Elle d’une troublante
opacité, lui d’une
impressionnante
ferveur.

jeunesse (2015) et une partie des Fan-


tômes d’Ismaël (2017). Dans un pro-


logue dense, aux ramifications mul-


tiples, il brosse le tableau émouvant


d’une ville autrefois prospère, gardant


« le sentiment blessé d’avoir compté et de


n’être plus rien ». Les images de Rou-


baix, « classée aux trois quarts en zone


urbaine sensible », installent dans un


écrin de nuit et de cendre les grandes


scènes de garde à vue et de confronta-


tions qui seront le cœur du film.


Une figure inédite chez Desplechin


veille sur cette ville : un commissaire


viril, minéral, inflexible et bienveil-


lant, qui sait d’emblée si un suspect


est coupable ou innocent, et s’abs-


tient cependant de le juger. Il y a qua-


rante ans, Lino Ventura aurait peut-


être joué ce rôle. Qu’il s’agisse


aujourd’hui de Roschdy Zem (excep-


tionnel) est tout sauf anodin : le poli-


cier Daoud, fils d’immigrés maghré-


bins, s’est identifié à la France et à ses


n


Voilà un meurtre que Mar-


guerite Duras aurait pu quali-


fier mystérieusement, en


toute inconséquence, de « sublime ».


Une histoire où se mêlent l’amour et


l’ignominie, la trahison et la folie. Une


vieille dame esseulée a été cambriolée


et assassinée dans son lit pendant les


fêtes de fin d’année. Les suspectes sont


deux voisines, encore jeunes, sans re-


venu, alcooliques et en couple. Le fait


divers, authentique, restitué naguère


dans un documentaire (lire ci-contre),


a impressionné Arnaud Desplechin au


point que le cinéaste a délaissé les in-


tellectuels en crise, héros coutumiers


de ses autofictions présumées. Chan-


gement de registre, donc.


Desplechin est pourtant chez lui :


comme annoncé dans le titre, le lieu


du crime (et de la totalité de l’action)


se situe à Roubaix, où le réalisateur est


né, a grandi et a déjà tourné Un conte


de Noël (2008), Trois Souvenirs de ma


Télérama 3632 21 / 08 / 19
Free download pdf