Télérama Magazine N°3632 Du 24 Août 2019

(coco) #1

arts


46 t On aime un peu... y ... beaucoup u ... passionnément r ... pas du tout

Muse

O dell’OpificiO

delle

pietre

dure di

firenze

Cabinets de Curiosités


Curiosités


Vénus en kit, corne de licorne... A Landerneau, collectionneurs et galeristes se


sont prêtés au jeu de choisir des pièces étranges parmi leur fonds. Surréaliste!


y


Tout commence à la fin de la Renais-


sance avec la soif de savoir et de com-


prendre les mystères du monde. Dans


le tableau de Domenico Remps (Flo-


rence, fin xviie) qui ouvre l’exposition,


l’artiste concentre, dans une vitrine


peinte en trompe l’œil, l’esprit même


du cabinet de curiosités. Sur les éta-


gères en faux bois, on trouve du corail


naissanCe du paysage français


Peinture


L’ éCoLe du fay


y


Et si les premiers « plein-airistes » qui


posèrent leur chevalet à Barbizon et


annoncèrent l’impressionnisme


avaient été devancés, dans l’Indre,


par Jules Dupré (1811-1889), Louis


Cabat (1893-1912) et leurs amis? C’est


ce que nous apprend une sensible et


délicate exposition du château de


Gargilesse... Tout commence avec le


choléra et la terrible insurrection


républicaine qui sévissent à Paris


en 1832. Dupré et Cabat décident de


fuir. Leur diligence les arrête dans


une auberge de Tendu, près de Châ-


teauroux. Emus par la mélancolie et


l’humble beauté de la campagne ber-


richonne, ils y res tent pour peindre


sur le motif les fermes, champs et


forêts qu’ils décou vrent. En 1834, ils


s’installent dans un hameau à 25 ki-


lomètres, Le Fay, où les rejoignent


Constant Troyon, Victor Dupré, Just


Veillat, Victor Le Gentile. Autant d’ar-


tistes cherchant avec eux à « fouiller


le visible », comme y incite Théodore


Rousseau (1812-1867), arrivé en 1842.


Le premier « groupe » d’artis tes?


Soixante de leurs œuvres révèlent


qu’ils se fondaient à merveille dans


les horizons qu’ils peignaient et leur


donnaient une âme. Réinventant le


paysage alors que flamboie le roman-


tisme. — Fabienne Pascaud


| Jusqu’au 22 septembre, château


de Gargilesse (36), tél. : 02 54 47 76 16.


aux formes bizarroïdes, un crâne hu-


main, un miroir de sorcière, un œuf


d’autruche ou des coquillages. Leur


point commun? Piquer la curiosité du


collectionneur, ouvrir l’esprit, faire mé-


diter sur les mystères et la fragilité de la


vie, symbolisée par une vitre cassée.


Longtemps, le cabinet de curiosités,


vénérable ancêtre de l’inventaire à la


Prévert, s’est limité aux intérieurs des


érudits et curieux invétérés. Il prenait la


forme de fascinants capharnaüms cou-


vrant murs et plafonds, débordant de


tiroirs et de coffres marquetés. Ces col-


lections originales, à la croisée du plai-


sir esthétique, de l’art et de la science,


constituaient une sorte d’échantillon-


nage du monde réel. Le siècle des


Lumières renvoie aux oubliettes cette


marotte empirique d’intellectuels


touche-à-tout. Il faudra attendre le xxe


pour que les surréalistes et autres


artistes hors des clous dépoussièrent


le genre. L’exposition du Fonds Hélène


et Edouard Leclerc, à Landerneau, plu-


tôt que de reconstituer un cabinet d’au-


trefois a pris le parti de demander à des


collectionneurs, galeristes, musées, de


sélectionner des pièces « curieuses »


dans leurs collections. Chacun igno-


rant ce que ferait le voisin, et d’ailleurs


qui il serait. Comme un jeu de l’oie


géant — mais très surréaliste — dans le-


quel on peut naviguer en toute liberté


entre seize espaces-cases et faire son


miel d’une vénus anatomique démon-


table, d’une corne de licorne (en fait


un rostre de narval), de monstres à


tête de brique (Miquel Barceló), d’un


verre avec anse en queue d’écureuil


(L’Ecureuil, 1960). Et même d’une in-


croyable tête de poupée cassée coloni-


sée par des guêpes. Autant de cases où


butiner pour polliniser l’esprit.


— Sophie Cachon


| Jusqu’au 3 novembre, Fonds Hélène


et edouard Leclerc pour la culture,


Landerneau (29). Catalogue,


éd. Fonds Leclerc, 360 p., 37 €.


http://www.fonds-culturel-leclerc.fr


Domenico Remps,
Cabinet de
curiosités, fin xvIIe.

Télérama 3632 21 / 08 / 19
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