88 La Revue nationale de la chasse - No 864 septembre 2019
pour ce cerf ne fait que grandir
et il devient l’objectif prioritaire.
Le lendemain la stratégie est de re-
tourner sur le mirador de la veille.
La clairière est plongée dans un
brouillard intense, presque inex-
tricable. Enfin, le jour se lève dans
cette ambiance figée et le soleil n’est
qu’une pâle lueur blanchâtre filtrée
par le brouillard matinal. Soudain,
le brame inimitable semble jaillir
du brouillard. Le cerf invisible est
là dans cette clairière devant les
chasseurs démunis. Les raires s’en-
chaînent, permettant de suivre ses
déplacements sans jamais l’aperce-
voir. Le cerf va et vient et finalement
semble se diriger vers la forêt.
Le guide explique à Louis qu’il
existe un sentier qui longe la bor-
dure de la clairière, environ 60 m à
l’intérieur du bois. Il espère gagner
ce mirador pour le surprendre dans
ses déplacements. En chemin, le
brame retentit de nouveau et semble
indiquer que l’animal se rapproche.
La tension monte...
Les nerfs à vif...
Les chasseurs ont tous leurs sens
aux aguets pour tenter de déceler
le moindre mouvement ou bruit.
L’animal joue avec les nerfs des
chasseurs. Le silence redevient total.
Le cerf ne brame plus. Le guide veut
regagner rapidement le mirador et
ils font demi-tour. Arrivé dans le
secteur où ils ont entendu le dernier
raire, Louis fait une petite pause
pour jumeler intensément la zone
boisée. Rien ne bouge. Aucun bruit
suspect n’est perceptible. Son guide
a avancé de quelques dizaines de
mètres, lorsqu’un mouvement à tra-
vers les jumelles retient l’attention
de Louis. Après un nouveau jume-
lage, plus de doute, il s’agit de deux
merrains qui se balancent douce-
ment dans l’air. Le cerf est là, à 80 m,
couché dans ce dense sous-bois au
milieu des ronces. Louis fait déses-
pérément signe à son guide qui met
quelques instants à comprendre ce
qu'il veut lui indiquer. Il revient vers
Louis et observe à son tour l’animal.
Plusieurs minutes passent, et mal-
gré son expérience notre ami a le
plus grand mal à contenir ses émo-
tions. L’animal est couché. Tout tir
est impossible. Au bout de 15 inter-
minables minutes, il se lève ayant
probablement perçu la proximité
d’un danger potentiel. Il est main-
tenant de face lorsque le guide va-
lide la décision de tir. L’ogive de
300 Wheatherby Magnum vient
frapper le cerf devant l’épaule. L’ef-
fet est imparable, il s’effondre et
rend son dernier souffle. L’émo-
tion saisit le guide et son chasseur,
au cœur de cette forêt croate où ce
vieux cerf a fini sa longue vie. ◆
Un comportement différent?
Ce qui semble
justifier, en premier
lieu, le ressenti négatif
sur cette chasse est
que le cerf perdrait
toute vigilance et
prudence durant la
période des amours.
Nos spécialistes ne
nient nullement des
changements de
comportement à cette
période. Pour Louis :
« Il est certain que
la période du brame
permet de voir et
surtout d’entendre de
nombreux animaux.
Mais je ne dirai pas que
c’est plus facile. C’est
juste rendu possible par
la période et l’activité
reproductive. On peut
observer les cerfs au
moment où nous avons
la possibilité de les
voir et les identifier
en vue de sélectionner
un animal précis. »
Michel va dans la
même direction : « Il est
indéniable que cette
période est la plus
favorable pour tirer
les cerfs, ces derniers
sont téméraires.
Parfois même avec
une certaine dose
d’inconscience. Quand
les conditions sont
réunies par exemple, ils
peuvent venir très bien
à l’appeau notamment
les cerfs dominants.
J’ai souvenir d’avoir
réussi à faire lever et
approcher un cerf à
très courte distance
en l’appelant tout
en agitant un jeune
sapin. »
Photos Simon Régin
S. Levoye
Chasse Point de vue
“
Il a fallu
trois impacts de
9,3x62 pourtant
bien placés
pour arrêter
définitivement
un cerf C2 dans
sa course !
Michel Constant”
Un cerf atypique
qui a mis à rude
épreuve les nerfs
de nos chasseurs.
Simon Régin
...