Rock et Folk N°625 – Septembre 2019

(Darren Dugan) #1
SEPTEMBRE 2019 R&F 017

L’ULTIME CHANSON du premier
album de The Murder Capital,
produit par Flood, débute par
une guitare-alarme. Comme un
avertissement. Les cinq membres
de The Murder Capital viennent
de Dublin. Moyenne d’âge, 21 ans.
“When I Have Fears” est un disque
violent et immersif, aux explosions
imprévisibles, c’est une plongée
au cœur des émotions les plus
contradictoires, celles qui relient
l’âme à la chair. James McGovern,
chanteur, et Damien Tuit, guitariste,
en promo parisienne un jour de
canicule, quand ils ne parlent pas de
leurs chansons, évoquent aussi bien
Stendhal que Jimi Hendrix, Led
Zeppelin, Black Sabbath, Sigur Rós,
M83, quelques unes des formations
qui leur ont donné envie de s’y
mettre. Au moment de décrire
The Murder Capital, des mots
comme post-punk, cold wave, Nick
Cave, Joy Division envahissent les
pages spécialisées. Trop facile. The
Murder Capital doit beaucoup moins
à la nostalgie qu’à une furieuse
envie de vivre, ici, tout de suite.

Flirter avec le vide
Rock&Folk : D’où vient The Murder
Capital? Pourquoi avoir formé le groupe?
James McGovern :On voulait exprimer ce
qu’on ressentait, cela n’a rien de très original.
C’est surtout grâce aux concerts qu’on est parvenu
à définir notre son. Et définir notre son, c’était
une quête pour nous, la chose la plus importante...
Damien Tuit :A chaque nouveau concert, on jouait
un ou deux nouveaux titres et on en profitait pour
jeter aux oubliettes un ou deux titres plus anciens.

Il nous est même arrivé de jeter trois chansons
vraiment valables parce qu’elles ne correspon-
daient pas au son qu’on voulait obtenir, de
privilégier des chansons au départ plus faibles
mais capables d’épouser notre son...
James McGovern :En même temps, on va
donner l’impression qu’on cherchait un son précis
alors qu’en fait, non. Notre alchimie s’est cons-
truite presque par accident. C’est en cherchant
qu’on trouve. On n’est pas du genre à annoncer
que notre album va sonner comme ci ou comme
ça, non... Le truc primordial, c’est de pousser
l’expérimentation toujours plus loin, de voir
comment on réagit quand on décide de sortir
de sa zone de confort...

R&F : Les concerts sont votre ADN, et la
légende raconte même que c’est grâce à
une répétition filmée que votre réputation
live est devenue virale.
James McGovern :Laissons la légende raconter
ce qu’elle veut... Il nous est arrivé beaucoup de
choses cette année. Avec le groupe et personnel-
lement. Ça nous a poussé à grandir plus rapi-
dement que prévu. A écrire quotidiennement
pour affronter la réalité d’une certaine manière.

R&F : Un premier album est un bébé, une
nouvelle vie et ce premier album chante
également la mort, le suicide d’un ami, la
perte d’une mère. La tension et la force de
vos chansons viennent-elles de là?
James McGovern :Oui! Et toutes les étapes
pour concevoir ce disque ont été comme un voyage
pour nous, pour tenter de comprendre ce mélange
d’amour et de peur, de lumière et de ténèbres.
On ne voulait pas tricher avec nos sentiments.
Ce qu’on a vécu ces derniers mois, on ne pouvait
pas le galvauder. Il s’agissait d’être authentique,
quitte à parfois flirter avec le vide.

Un compliment
ou une saloperie
R&F : On devine que vos émotions futures
pourront vous amener à créer des chansons
différentes, loin de celles d’aujourd’hui?
James McGovern :Bien sûr. La musique se
moque bien des étiquettes. C’est la vie qui nous
indiquera la direction à suivre. Et l’avantage d’avoir
créé notre propre label, Human Season, c’est qu’on
est vraiment libre de sortir ce qu’on veut.

R&F : Vous êtes la nouvelle sensation.
La presse britannique vous promet la
gloire éternelle. Vous en pensez quoi?
James McGovern :Pour une fois, elle ne se
trompe pas (rires). Tout ça ne veut rien dire.
Regarde le nombre de groupes encensés qui ont
disparu. On écrira toujours des chansons, avec
ou sans louanges. Et puis, pour moi, un com-
pliment ou une saloperie, c’est la même chose.
Un bruit parasite qui n’a pas le pouvoir de freiner
notre course.
Damien Tuit :Notre musique déborde d’espoir.
C’est la dualité : amour et peur. Et là où il y a
de l’amour, il y a de l’espoir, non? ★

RECUEILLI PAR JEROME REIJASSE
Album“When I Have Fears”(Human Season/ Warner)

Tête d’affiche


Dans le sillage de Fontaines DC, ces Dublinois mettent leur âme
et leur cœur dans un rock aussi anguleux qu’exalté.

THE MURDER CAPITAL


Faste Flood
Sous ce pseudonyme curieux (inondation),
Flood est un homme de studio discrètement
omniprésent. C’est avec des artistes du
label Mute qu’Alan Ellis commence
à percer. Comme producteur, mixeur
ou ingénieur du son, l’Anglais, spécialiste
des ambiances sonores s’est depuis
constitué un tableau de chasse
impressionnant, souvent en compagnie
d’Alan Moulder : sept albums de Nick
Cave, six de U2, quatre de Depeche Mode,
six de PJ Harvey. Ne pas oublier non plus
Nine Inch Nails, New Order, Erasure,
Smashing Pumpkins, Killers...

Aussi bien Stendhal que Jimi Hendrix


Photo Neelam Khan Vela-DR

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