Rock et Folk N°625 – Septembre 2019

(Darren Dugan) #1

074 R&F SEPTEMBRE 2019


Why?
“Aokohio”
JOYFUL NOISE / DIFFER-ANT
“J’avais besoin d’une nouvelle
approche créative,l’ensemble du
processus a duré cinq ans”, raconte
Yoni Wolf, l’américain derrière Why?.
“Je n’avais pas envie de composer un
énième album d’une dizaine de titres.
Pourquoi ne pas faire des mouvements
de 5-6 minutes, et finir chacun avant
de commencer le suivant ?”Ce sixième
album de Why? se présente donc
sous la forme de 19 pistes regroupées
en six mouvements, chacun étant
accompagné d’un court-métrage
— “Un album visuel”, plastronne
Wolf. Voilà pour le storytelling, ces
histoires de mouvementset de disque
cinématographique étant sensés
nous en foutre plein les mirettes.
C’est bien joli, ces balivernes, mais
les morceaux? Par le passé, Why?

en a composé des passionnants
— “These Few Presidents” sur
“Alopecia” (2008), “The Hoofs” et
“Gemini (Birthday Song)” sur “Elephant
Eyelash” (2005)... Malgré son image
de hipster, le gars semblait posséder
tous les dons, à la fois songwriter
émérite et sonorisateur inventif —
Beck accompagné d’Olivia Tremor
Control, Of Montreal réinventant Kanye
West, Neutral Milk Hotel produit par
Danger Mouse... Le risque, pour cet
ambitieux “Aokohio”, c’est que la
forme (conceptuellement éclatée)
prenne le pas sur le fond (des mélodies
sous-développées). On dirait parfois un
assemblage d’interludes, des jingles
que les Flaming Lips auraient ébauché
pour un remake dépressif de “Purple
Rain”, comme si MGMT se piquait
de réassembler “Smile” en le tartinant
de hip-hop. On respire, Wolf n’a pas
oublié de glisser de bons morceaux :
“Reason”, “Bloom Wither Bloom (For
Mom)”, “Stained Glass Slipper”. Mollo
quand même sur les mouvements.
✪✪✪
BENOIT SABATIER

Black Pumas
“Black Pumas”
COLEMINE/ PIAS
De la soul. Pas le trio hip-hop,
ni nécessairement celle que l’on croit.
De la soul texane et latine, précédée
d’une incendiaire réputation scénique.
Autant dire que le premier essai en
studio du sextette d’Austin, dont le
blaze renvoie instantanément aux
Black Panthers, le groupe afro-
américain activiste de la fin des
années 60, était attendu par ceux
qui s’intéressent à la musique
cinématique. “Black Pumas” marque
la rencontre entre Adrian Quesada
et Eric Burton, et tient d’abord
du miracle ordinaire. Le premier,
guitariste et producteur, s’est illustré
avec des formations comme Grupo
Fantasma et Brownout, mais a aussi
croisé la route d’artistes aussi
talentueux que Prince ou Daniel
Johnston. Le chanteur, lui, buskait
dans la rue, c’est-à-dire qu’il faisait la
manche avec sa guitare, développant
ainsi une impressionnante maîtrise
vocale. Il y a du Sam Cooke, mais
aussi du CeeLo Green chez ce type
qui passe sans coup férir d’une octave
à l’autre. Aussi inspiré qu’inespéré,
l’univers authentiquement vibrant de
ce premier album puise son énergie
dans son environnement immédiat,
plus que dans une nostalgie rétro
faisandée. A l’aide d’un son mature
et réaliste, Black Pumas possède la

bonne vibration, en s’appuyant
constamment sur la mélodie, celle
avec la patine Motown. Mais il a aussi
conscience que le rap du Wu-Tang Clan
est passé par-là entretemps. Fluides,
des chansons comme “Black Moon
Rising” ou “OCT 33” rebondissent
sur un groove proprement relaxant,
mais toutes se révèlent aussi addictives
qu’essentielles. De la dope, et de l’âme
donc, celle dont les gens ont besoin.
✪✪✪✪
VINCENT HANON

Disques poprock

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