Saveurs - 04.2019

(Joyce) #1

GOURMET


SAVEURS No^254 - 55


P


âtés et petits feuilletés, vol-au-vent et œufs en gelée,
galantine et terrines... Un menu gargantuesque?
Non, simplement l’ordinaire de tout traiteur qui se
respecte. Dans sa vitrine extraordinairement bien
pourvue, chaque gourmet trouve son bonheur. De la dame
âgée, qui vient chaque semaine acheter sa barquette de carottes
râpées ou de céleri rémoulade, à la fine bouche amatrice de plats
d’exception comme l’oreiller de la Belle Aurore, merveille char-
cutière. C’est aussi au traiteur que l’on confiera les événements
nécessitant de mettre les petits plats dans les (très) grands. La
profession reste pourtant mésestimée. « On est souvent consi-
dérés comme des sous-cuisiniers ou des sous-artisans », déplore
David Davaine, traiteur passionné à Douai, qui se réjouit de ser-
vir une clientèle fidèle adepte du fait-maison. « Il arrive même
que des clients apportent leur casserole », s’amuse-t-il. Pour ce
boucher de formation, le métier est un terrain d’expression sans
limite mêlant tous les savoir-faire des métiers de bouche, du
charcutier au boulanger, en passant par le cuisinier, même s’il
n’est pas enseigné en tant que tel dans les écoles hôtelières, où
il ne fait l’objet que d’une mention complémentaire.

Festin sur mesure


Pourtant la profession est très ancienne. Le terme traiteur est
attribué dès le Moyen Âge à un « marchand qui fait la traite »,
puis au xviie siècle à celui « qui apprête, qui donne à manger
pour de l’argent ». Sous l’Ancien Régime, il n’existe pas encore
de restaurants et, les cuisines étant mal équipées, on a recours

à divers métiers de bouche : les rôtisseurs pour la viande, les
vinaigriers pour les sauces, les pâtissiers pour les pâtés et les
tourtes salées. Les traiteurs sont, à l’origine, spécialisés dans
les noces et banquets, avant de commencer à préparer des
repas pour les clients fidèles. Henri IV réunit tous ces corps
de métiers sous le titre de « cuisinier porte-chape ». Ce nom
vient du chapeau en fer-blanc dont on couvre alors les plats
pour les transporter dans la ville. À la Révolution, privés de
la clientèle de la noblesse, ils sont évincés par les « restaura-
teurs », qui ouvrent des maisons où l’on mange. Certains pour-
tant continuent à attirer la bonne société de la capitale. À la fin
du xviiie siècle, la famille Chevet ouvre ainsi une boutique au
Palais-Royal, à Paris, où l’on peut consommer sur place, mais
également se faire livrer venaison, foie gras, poissons et petits
pâtés. Le célèbre Auguste Escoffier y fait ses premières armes.
L’entreprise est finalement rachetée par un grand nom du trai-
teur toujours actif aujourd’hui : Potel et Chabot (lire encadré
page 60). Progressivement, la profession s’est démocratisée.
Mais elle a toujours gardé une double mission : artisan des plats
du quotidien et maître d’œuvre de l’exceptionnel.

Artisan de l’éphémère


Guy Krenzer, directeur de la création chez Lenôtre depuis qua-
torze ans, maîtrise toutes les cordes du métier, allant jusqu’à
entreprendre, il y a peu, une formation de barrista torréfac-
teur! « Quand j’étais enfant, mon frère m’a offert une ency-
clopédie des métiers. J’ai commencé à la lettre A comme

Il allie le savoir-faire de tous les métiers de bouche,


pour les petites ou grandes occasions. Et si on


redécouvrait ce métier ancestral et ses spécialités?


Texte Marie-Laure Fréchet. Recettes et stylisme Delphine Brunet. Photos Éric Fénot.

PROFESSION


TRAITEUR


Du quotidien à l ’exceptionnel


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