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SAMEDI 31 AOÛT 2019 culture| 21
Michel Aumont, serviteur du
théâtre et du cinéma populaire
Le comédien est mort, mercredi 28 août, à l’âge de 82 ans
DISPARITION
L
e comédien Michel
Aumont est mort, le mer
credi 28 août, à 82 ans,
emportant dans la tombe
quelquesuns des secrets d’Harpa
gon, personnage moliéresque
dont il est venu plaider la cause à
la ComédieFrançaise, soir après
soir, pendant vingt ans. De 1969 à
1989, et plus de deux cents fois, il a
interprété le rôle de l’Avare, tra
quant, sous la noirceur d’un per
sonnage honni de tous, ce qu’il
restait d’humanité. Une quête à
laquelle il s’est voué sans répit et
sans lassitude. Interprète magis
tral, aux airs tranquilles de chat
repu, mais dont la voix, lorsqu’elle
tonnait, donnait la mesure d’une
colère capable de dévaster le son
feutré des salles obscures, cet ac
teur appartenait avant tout au
théâtre. Il y était venu très jeune,
se pliant au destin familial.
Il est né le 15 octobre 1936 à Paris,
d’un père régisseur du Théâtre
Français et d’une mère comé
dienne, Hélène Gerber, qui l’en
traînait avec elle à Avignon ou
dans les coulisses du TNP de Jean
Vilar. En 1956, alors qu’il a tout
juste 20 ans, le jeune Michel, Prix
d’interprétation du Conservatoire
de Paris, entre à la ComédieFran
çaise. Nommé sociétaire en 1965,
il ne quittera la vénérable maison
qu’en 1993, soit trentesept ans
plus tard et une soixantaine de
pièces à son actif. Une somme qui
fait de lui l’exemplaire serviteur
d’une mise en scène à la française.
S’il répond aux désirs des grands
noms du XXe siècle (Antoine Bour
seiller, JeanMarie Serreau, Roger
Blin ou Antoine Vitez), Michel
Aumont est surtout la recrue préfé
rée de JeanPaul Roussillon, qui, di
saitil, avait « la faiblesse ou la gen
tillesse » de le distribuer souvent.
Quatre Molières
Avec lui, il explore Sophocle, Fey
deau, JeanClaude Grumberg, Mo
lière de fond en comble, quand,
avec les autres, il s’aventure chez
Shakespeare, Labiche, Pirandello,
Rostand, Claudel, Beckett, Io
nesco, Harold Pinter ou Robert
Pinget. A sillonner ainsi les lan
gues et les univers, il acquiert
l’épaisseur, le savoir et la maturité
des maîtres. Du classique au con
temporain, il peut tout jouer. Sauf
les aventures trop expérimenta
les, qui ne l’intéressent pas. « Je ne
suis pas vraiment un moderne,
confiaitil à la radio en 2009. Jouer
Andromaque dans un camp pales
tinien avec un hélicoptère qui ar
rive en scène, je n’y crois pas. Je suis
au milieu. Ni trop ni trop peu. »
Entre le trop et le trop peu, le
fauve s’est tapi. Quittant la Comé
dieFrançaise, Michel Aumont
sort les griffes. Il enchaîne les pro
jets. Accumule les récompenses
(trois Molières décernés entre
1999 et 2007 et qui s’ajoutent à un
premier, obtenu en 1993, pour
Macbeth). Il devient un fidèle du
Théâtre national de la colline, où
Jorge Lavelli le mène vers des
sommets de perversité dans Dé
cadence, fiction retorse de Steven
Berkoff (1995). Il arpente les dra
maturgies contemporaines (Yas
mina Reza, Serge Kribus, Yves Ra
vey, Jon Fosse), se produit dans le
théâtre privé et met, en 2015, le
point final à sa carrière avec un
rôle monstre qui n’attendait que
lui, sa belle gueule, sa crinière
blanche et son nœud papillon : Le
Roi Lear, de Shakespeare. Comé
dien de premier plan au théâtre,
Michel Aumont a été, au cinéma,
l’acteur des seconds rôles. Il n’en a
jamais nourri d’amertume, sa
modestie l’en empêchant autant
que le plaisir qu’il avait eu à incar
ner des personnages de joyeux
drilles, de bons gars ou de salauds.
A l’ombre de ceux qui tenaient la
vedette, il s’est fait connaître, à
raison d’un et parfois de plusieurs
films par an, auprès du grand pu
blic. « Je ne suis pas Delon, avaitil
dit en 2015 dans l’émission « En
trée libre » sur France 5. Je ne suis
pas surexposé, mais je ne suis pas
sousexposé. J’ai ma petite place.
Ça va bien, quoi. » Une petite place
qu’il était parvenu à se construire
depuis le premier film dans lequel
il a tourné, La Femme en bleu, de
Michel Deville, en 1973, jusqu’aux
derniers, Vive la crise !, de Jean
François Davy (2017), et Moi et le
Che, de Patrice Gautier (2018).
Toucheàtout, Michel Aumont af
firmait n’exercer que son métier.
Acteur, ni plus, ni moins.
Au cinéma, il aimait exercer « le
naturel » que n’autorisait pas tou
jours, selon lui, le théâtre. Le co
médien, à qui ne plaisait guère de
parler de lui et de sa vie privée,
dévoilait son ironie, sa fantaisie
et sa gravité dans l’éventail des
personnages qu’il s’est plu à
incarner. Comique ahuri derrière
sa dégaine imposante chez
Claude Zidi (La Course à l’échalote
ou Ripoux contre Ripoux), chez
Francis Veber (Le Jouet, Les Com
pères, Le Placard, La Doublure),
chez Yves Robert (Courage
fuyons) ou Valérie Lermercier
(Palais royal !). Grave et sombre
dans des registres plus dramati
ques (Monsieur Klein, de Joseph
Losey, Mado, de Claude Sautet,
Mort d’un pourri, de Georges Lau
tner, Un Dimanche à la campa
gne, de Bertrand Tavernier, L’Om
bre d’un doute, d’Aline Isserman,
Un balcon sur la mer, de Nicole
Garcia...).
Michel Aumont se baladait et
s’amusait, se vouant à Shakes
peare et à Molière, s’offrant au ci
néma populaire comme à la télé
vision, qui lui a donné plus de
soixante rôles. Sur le petit écran,
il a fait la jonction, jouant dès ses
débuts dans la fameuse case « Au
théâtre ce soir » (Le commissaire
est bon enfant, de Georges Cour
teline, en 1968), puis dans des piè
ces retransmises ou adaptées en
fiction ainsi que dans des télé
films sous la direction de Marcel
Bluwal (Mozart, en 1982 ; Thérèse
Humbert, en 1983 ; A droite toute,
en 2008...), de Marcel Camus (Mo
lière pour rire et pour pleurer,
en 1973), de Nina Companeez (Les
Dames de la côte, en 1979), de De
nis Malleval (Petits arrangements
avec ma mère, en 2012).
Durant plus de soixante ans, Mi
chel Aumont, qui disait « n’être
rien d’autre que ses rôles », s’est ra
conté avec la même élégance, de
la scène au cinéma, de la comédie
au tragique, du classique au
contemporain. Le regard qui ne
s’en laissait pas conter. Le sourire
jamais loin.
véronique cauhapé
et joëlle gayot
En avril 2003. EMMANUEL ROBERT-ESPALIEU/STARFACE
Au cinéma,
il aimait exercer
« le naturel » que
n’autorisait pas
toujours, selon
lui, le théâtre
LES DATES
15 OCTOBRE 1936
Naissance à Paris
1956
Entre à la Comédie-Française
1962
Joue L’Avare, de Molière
1972
Joue Richard III, de Shakespeare,
au Festival d’Avignon
1973
La Femme en bleu, de Michel
Deville
2015
Un balcon sur la mer, de Nicole
Garcia
28 AOÛT 2019
Mort
L’ÉCRITUREPREND VIE
Piano
Jacobins
La Fondation BNPPARIBAS présente
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e
Festival à
To ulouse 5 › 30 septembre 2019
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