télé.«Elle parlaitàlamaquilleuse comme
au patron de la chaîne »,se souvient-il. Au
départ, cela l’avait séduit mais il nous dit être
sorti«essoré »de trois ans d’une relation
maboule, l’une mordant (vraiment), se don-
nant en spectacle, l’autre harcelantàcoups de
SMS en rafale(« Tute prenais pour Benoîte
Groult, tu es Zahia »).
À47ans, GaëlTchakaloffest fatiguée de pas-
ser pour l’allumée de service. Ce registre de
«dépravée des arènes du pouvoir »–dixit sa
fille aînée de 20 ans–nepouvait durer qu’un
temps, l’éditeur Jean-Paul Enthoven (qui a
cherchéàladébaucher de chez Flammarion)
et bien d’autres l’avaient mise en garde. Elle
assure d’ailleurs en avoirfait le tour et aspirer
àplus d’intériorité.Tchakaloffadonc trouvé
le moyen de réaliser sa mue pour faire son
trou dans le milieu littéraire parisien
L
ongtemps, gaël
tchakaloffapasséses
journéescolléeaux
politiques.Elle portait
des manteaux brodés,
des minijupes, des
talons hauts. La nuit,
elle enfilait sa tenue
de travail–une combinaison de lapin rose à
capuche en matière synthétique qui la faisait
affreusement transpirer –, s’asseyaitàson
bureau et rédigeait ses chroniques du pouvoir.
Sans aucun recul–cequ’elle revendique –,
elle chavirait avec ses héros,affichant une atti-
tude parfaitement déplacée, incongrue, ado-
lescente. Une manière de se mettre en scène
totalement assumée par cette non-journaliste,
quiacomme rarement su pénétrer l’intimité
du pouvoir.DansLapins et merveilles
(Flammarion, 2016), qui racontait comment
Alain Juppé se lançait dans la campagne pré-
sidentielle, elle glissait sa main dans celledu
maire de Bordeaux, collait son corps contre le
sien, l’amadouant avant sa défaiteàlapri-
maire de la droite et du centre. Ce qui lui a
valu le prix Bernard-Mazières du livrepoli-
tique, certains criant au génie, d’autresàla
compromission.L’ annéesuivante, dans
Divine comédie(Flammarion), sur la cam-
pagne présidentielle de 2017, Marine Le Pen
aeuraison de sa résistance au bout d’un verre,
elleaminaudé avec Jean-Luc Mélenchon, est
restée froide devant Benoît Hamon, n’estarri-
véeàrien avec Nicolas Sarkozy.C’est que le
jeudelaséduction ne prend pas avec tout le
monde. Parlez donc deTchakaloffàÉdouard
Philippe... Il lèvera les yeux au ciel et piano-
tera sur son téléphone pour changer de sujet.
Il faut dire queTchakaloffledépeint en
«girouette »qui laisse un goût de«double
fond ».Lemeilleur ami du premier ministre,
qui fut aussi son conseilleràMatignon, le
député européen Gilles Boyer,«ladéteste »
lui aussi. Ilatrès mal vécu d’être transformé
en objet littéraire, d’autant qu’elle laisse
entendre qu’ils ont eu une aventure. Ce que
l’intéressédément. Reste que beaucoup
d’autres sont tombés sous le charme de cette
grande fille désarmante. Les Macron, par
exemple, lui passent tout:saouléeàlavodka,
Tchakaloffappelle son amie Brigitte sur
FaceTimeà2heures du matin, et la première
dame décroche.
Dans le Paris des happy few,cette bohé-
mienne des beaux quartiers est partout, en
paillettes dans les cocktails d’éditeurs, pieds
nus,àl’aube, dans la cuisine d’un avocat
médiatique,etmême sur le plateaudes
«Grosses têtes».Blonde,volubile, riant fort,
elle aura été un cas parfait d’histrionisme.
Jusqu’à sa récente rupture avec son dernier
grand amour,l’animateur de France Inter
AlexVizorek, 34 ans, rencontré sur un plateau
et intégrer une nouvelle coterie. Dans son
premier roman,Va carme(Flammarion), elle
met en scène sa dualité sous la forme d’un
journal de guerre, dans lequel la raisonnable
Lucile Buffet (son vrai nom) traque son
double, l’avatar foutraque quiamagnifié et
détourné sa vie–GaëlTchakaloff, donc–son
«Horla»àelle. Fini les cœurs tracés sur la
vitre embuée du TGV d’Emmanuel Macron,
les SMS«Jevous aime »envoyés au direc-
teur de campagne d’un candidat, les intru-
sions bizarres dans leurs vies privées. Elle
change de sujet en abandonnant la politique.
Sans toutefois vraiment changer de registre :
GaëlTchakaloffrestedans la mise en scène
de soi. C’estHenri Nijdam, son compagnon
rencontréilyadix-huitans,propriétairedu
Nouvel Économiste,quiaeul’idée de ce
pseudonyme,en2001, afin qu’elle puisse
signer incognito des portraits d’hommes et de
femmes de pouvoir dans son journal, alors
qu’elle s’occupait des programmes de
Festival, une petite chaîne du groupe France
Télévisions:«Gaël », son second prénom,
délibérément masculin, et«Tchakaloff»,
patronyme de sa mère adorée, professeur de
droit d’origine bulgare, morte ilyaquatre
ans. En 2007,quelques mois durant, elle a
été, sous ce nom d’emprunt, conseillère en
communication au cabinet de la ministre de
la justice Rachida Dati. De l’avis général:un
carnage. Selon certains membres du cabinet,
elle n’aurait rien produit d’autre que des
«notes ineptes ».Quantàelle, elle n’est tou-
jours pas remise«dupeu de sens de l’État que
manifestaient les hauts fonctionnaires »qui
l’entouraient.
De vingt ans son aîné, Henri Nijdam s’in-
quiète aujourd’hui qu’elle mise tant sur une
consécration germanopratine. Bien qu’ils
soient séparés depuis quatre ans, il la présente
toujours comme«[sa]femme»–une coquet-
terieàeux, ils n’ont jamais été mariés. Elle vit
toujours dans l’appartement familial de l’ave-
nue de Suffren,àParis, avec leur fille de
10 ans. Luiaemménagé trois paliers plus bas,
dans un logement plus petit.«Henri, c’est un
dandy duxixesiècle. Ilafait fortune mais ne
possède rien. Il loue ses appartements, sa
maisondecampagne »,raconte une amie.
«Tchaki », elle, mène grand train :«Elle reçoit
beaucoup;c’est une incarnation de la
duchessedes Lumières qui tient salon.
Caustique, drôle, cultivée... Elleauncôté
complètement désuet, mais très plaisant »,dit
la journalisteClara Dupont-Monod, une amie
du couple.Elle réunit, pour chanter autour du
piano, des personnalités aussi différentes que
Laurent Ruquier,Yann Arthus-Bertrand, le
banquier et homme politique Grégoire
Chertok, le communicant Stéphane Fouks,
l’ancien président de la Ligue professionnelle
de football Frédéric Thiriez, Guillaume•••