pensée, d’autant plus qu’elle est empiriquement
soutenue par la recherche en neurosciences.
L’équipe de Friedemann Pulvermüller, de l’uni-
versité libre de Berlin, a placé des volontaires
dans une IRM et leur a fait lire des verbes comme
kick (« donner un coup de pied ») ou take
(« prendre »). Bien que les participants n’aient pas
été autorisés à bouger, des zones de leur cortex
moteur et prémoteur sont devenues actives.
Comme les chercheurs l’ont signalé en 2004, elles
se chevauchaient avec celles qui contrôlent réel-
lement les mouvements des jambes ou des mains.
De même, la lecture de termes tels que « jasmin »
ou « cannelle » provoque une activité dans les
régions olfactives du cerveau. Si les mots n’étaient
que des symboles de l’esprit sans lien avec le
corps, comme le prétendaient Fodor, Pylyshyn et
même le linguiste Noam Chomsky, une tâche
mentale comme la lecture ne devrait pas reven-
diquer de zones sensorimotrices.
Si l’on observe comment les enfants
apprennent à parler, la raison de cette activité
cérébrale devient également claire. Même les
plus jeunes apprennent leur langue maternelle
non seulement en écoutant et en répétant, mais
aussi en prenant immédiatement contact avec les
objets visés : ils les touchent, les laissent tomber,
les sentent ou les mettent dans leur bouche.
Ainsi, les neurones des aires visuelles et hap-
tiques (tactiles) du cerveau se combinent progres-
sivement pour former des réseaux qui repré-
sentent la forme, la couleur et la texture des
objets « conçus ». La représentation mentale d’une
pomme, par exemple, contient toutes les expé-
riences qu’une personne a acquises en manipu-
lant le fruit. Celles-ci sont reliées, au sein d’un
grand réseau, au concept de pomme. Même si
l’enfant ne fait que penser à une pomme qu’il
pourrait toucher ou manger dans un futur
proche, il active les programmes sensoriels et
moteurs qui ont été impliqués dans la préhension,
le levage, l’odorat, le goût et la mastication des
fruits...
DES MOTS DANS LES BRAS
ET DANS LES JAMBES
Nous apprenons notre langue maternelle de
manière sensorimotrice, c’est pourquoi les mots
dans le cerveau ne peuvent pas seulement être
représentés comme des symboles, mais doivent
aussi l’être comme des réseaux sensorimoteurs
qui reflètent toutes les expériences accumulées
par le passé. Qu’il s’agisse de se souvenir d’une
image, d’écouter un morceau de musique ou de
philosopher sur le terme de « bonheur », une
multitude de régions du cerveau sont toujours
Des élèves apprennent
plus facilement des mots
d’une langue étrangère
quand on les leur
apprend en
les accompagnant
de gestes évocateurs.
Dans une expérience,
ils devaient apprendre
des mots d’une langue
totalement artificielle
créée pour l’occasion.
L’expérimentatrice
(l’auteure de cet article)
mimait ici le mot
« escalier ».
© Avec l’aimable autorisation de Manuela Macedonia