Elle N°3844 Du 23 Août 2019

(nextflipdebug5) #1

CHRISTOPHE OFFRET


23 AOÛT 2019

ELLE.FR 21


ELLE CULTURE


RETOUR V E R S L’A M O U R


Le saviez-vous? Gaspard Ulliel aime jouer aux cubes.
Mais les siens sont un peu particuliers. Dans la troublante mini-série
« Il était une seconde fois », de Guillaume Nicloux et Nathalie
Leuthreau, le plus beau balafré du cinéma français incarne Vincent,
un amoureux au cœur brisé qui veut absolument reconquérir Louise
(Freya Mavor), une thésarde en lettres modernes (on est sur Arte), qui
l’a quit té. Un matin, un livreur lui appor te un colis par erreur : un énorme
cube en bois, qui lui offre la possibilité de retourner dans le passé, au
temps brûlant où Louise l’aimait encore, où elle lui disait passionné-
ment pendant l’amour « Crache-moi dans la bouche », et après
l’amour « J’ai jamais autant joui qu’avec toi ». À la fois romantique et
fantastique, « Il était une seconde fois » c’est l’esthétique du film
sentimental à la française, avec ses répliques classiques (« Ça me fait
trop mal de te faire souffrir »), mais fécondée par « La Quatrième
Dimension » : une belle synthèse entre un conte de Rohmer et « Incep-
tion », entre une maxime de Chamfor t (l’objet d’ étude de Louise) et une
histoire de portail temporel signée Stephen King. À l’image de

FREYA MAVOR ET GASPARD ULLIEL ILLUMINENT « IL ÉTAIT UNE SECONDE FOIS »,
UNE MINI-SÉRIE SUR ARTE AU CLIMAT ÉTRANGE ET FANTASTIQUE. PAR PAUL SIGOGNAC

Freya Mavor et
Gaspard Ulliel.

MINI-
SÉRIE

Vincent, grand consommateur de drogues récréatives, cette série au
charme bizarre et fou semble avoir quelques « cristaux de kétamine
coincés dans les sinus ». Pour Vincent, divorcé d’une femme qui a refait
sa vie mais qui le supplie de la « baiser » quand elle le revoit, père
étourdi d’un petit garçon qu’il adore mais qu’il oublie régulièrement
à l’école ou au manège, vendeur dans un magasin d’aquariums
menacé de licenciement, homme qui prodigue des « Ah bon? » can-
dides et lunaires, la vie n’a jamais été simple. Imaginez maintenant
qu’en plus, chaque fois qu’il veut revoir celle qu’il aime, il doit ramper
dans un cube pour voyager dans le passé, où Louise, comme son
patron, lui reproche de ne faire aucun effort (« Tu fais tout pour qu’on se
sépare »). Mais, bientôt, ce conte, légèrement teinté de burlesque,
prend une dimension tragique, et on comprend que la rupture amou-
reuse n’était que l’anticipation allégorique d’une séparation éternelle :
la mort de Louise, cette Eurydice que Vincent, Orphée au cube, va tout
faire pour arracher à son destin fatal. L’amour, c’est fantastique. n
« IL ÉTAIT UNE SECONDE FOIS », jeudi 29 août, 20 h 55, Arte.
Free download pdf