Causette N°103 – Septembre 2019

(National Geographic (Little) Kids) #1
Ensemble,

elles ont dégusté un gâteau

d’anniversaire et soufflé les bougies. Il y avait des confettis, des tambours et des tenues
bariolées. Des cris et de la joie. Rendez-vous compte. De la joie.
Ce qu’elles fêtaient, le 17 août ? Leur premier mois de grève devant l’hôtel Ibis Clichy-
Batignolles, dans le XVIIe arrondissement de Paris.
Un mois de lutte, par canicule et par temps de chien. Et c’était le cas mi-août à Paris.
Ça tombait comme vache qui pisse. Ça n’a pas entamé leur détermination. Elles ont
redoublé de bruit et de fureur. Faut dire qu’elles ont des raisons d’être en colère, ces
femmes de chambre. Car oui, c’est d’elles qu’on parle.
Leur hôtel, c’est le deuxième Ibis de France, appartenant au groupe Accor, pas fran-
chement dans la dèche.
Ah bah ! savez quoi ? Ça les empêche pas de sous-traiter le nettoyage à une société
spécialisée, la STN, qui, croyez-moi, n’est pas là pour faire des cadeaux à ses employé·es.
Trois chambres et demie par heure, soit dix-sept minutes par chambre. Humainement
infaisable. Sans compter les deux heures de transport pour se rendre sur le lieu de tra-
vail. Ni la peur au ventre à l’idée de se faire violer par le directeur*, comme leur collègue
Beby. Alors, on ne s’étonne pas trop de les entendre crier : « La sous-traitance, c’est de la
maltraitance », « L’esclavage, c’est fini ! »
Pourtant, elles ne demandent pas la lune : trois chambres au lieu de trois et demie,
7 balles pour déjeuner le midi au lieu des 2 qu’on leur donne (mais avec une boisson
gratos au distributeur, attention !) et une tenue correcte fournie par le sous-traitant.
Et aussi qu’on leur paie les heures sup quand il en faut. Mais alors ça, vraiment, c’est
trop demander. Du coup, voilà... ça fait un mois. Mais elles ne lâcheront rien. Portées
par l’exemple de leurs sœurs qui, en 2018, ont tenu 87 jours avant d’avoir gain de cause
face au même employeur. Et aussi par celui des Marseillaises qui ont planté le piquet
depuis le 11 avril.
Le 11 septembre, ça fera cinq mois pile. À ce stade-là, ce ne sont plus les cotillons
qu’il faudra faire péter, mais le feu d’artifice. Espérons que Marlène Schiappa allume la
mèche, elle qui a promis de missionner le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle
à la rentrée pour améliorer leur sort.
Si elle ne tient pas parole, on l’envoie en stage à l’Ibis faire deux-trois lits. Ça devrait
accélérer le process... U Causette



  • En mars 2017, Beby a été agressée sexuellement par le directeur de l’hôtel. Licencié depuis, il a été mis en examen pour
    agression sexuelle.


Chers Causettiens et chères Causettiennes,
la bonne nouvelle de cette rentrée : votre magazine sera dorénavant dans vos
kiosques et vos boîtes aux lettres avec une semaine d’avance, soit le dernier mercredi
du mois. Ainsi, le numéro de septembre, qui est entre vos mains, est paru le 28 août.

Édito
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