Causette N°103 – Septembre 2019

(National Geographic (Little) Kids) #1

EN COUVERTURE


de la réforme, qui fait mention de « l’exemplarité
des personnels de l’Éducation nationale ». Selon
Monsieur le Prof, enseignant suivi par plus de
258 000 abonné·es sur Facebook, le texte a fait
naître un vrai « climat de suspicion » : « Beaucoup
d’enseignants me demandent comment s’y prendre
sur les réseaux sociaux. La première chose que je leur
dis, c’est de garder l’anonymat et d’être prudents.
Ce n’est pas de la parano, c’est juste qu’il faut faire
attention, car il y a déjà eu des problèmes. »
Depuis quelques années, l’Éducation nationale
semble en effet surveiller ses ouailles de très près.
Comme Amandine*, convoquée par son directeur
académique en 2015 au sujet de son activité sur
Twitter : « Dans mon dossier à charge, j’ai retrouvé
tous mes tweets sur la réforme des rythmes scolaires,
que j’ai abondamment critiquée, et d’autres sur la
politique », se souvient cette prof, qui a écopé
d’un avertissement. Elle n’est pas la seule à avoir
appris, à ses dépens, que l’administration archi-
vait les publications de ses agent·es. En 2013, à
la veille de la rentrée, Jacques Risso, directeur
d’une école primaire dans le Vaucluse depuis
vingt-quatre ans, apprend qu’il est suspendu.
Officiellement, parce qu’il aurait mal géré un cas

de harcèlement entre élèves. Mais en ouvrant le
dossier de plus de deux cents pages compilées par
son inspectrice, il découvre avec stupéfaction « un
fourre-tout » où figurent... certains de ses dessins.
Depuis des années, Jacques Risso réalise en effet
des vignettes gentiment ironiques sur son métier,
qu’il publie notamment sur Facebook. Serait-ce
la vraie raison de sa suspension ? En 2016, le
tribunal administratif de Nîmes a jugé que le
retrait de sa fonction de directeur était bien une
« sanction déguisée » et que « la faute imputée à
l’agent n’[était] pas caractérisée ».
Du côté de l’Éducation nationale, on se défend
de tout « flicage ». « Nous ne surveillons pas les
réseaux sociaux toute la journée », nous assure
Édouard Geffray, directeur général des ressources
humaines au ministère, qui précise au passage
que les sanctions à ce sujet sont « assez rares ».
Reste qu’une charte sur le bon usage des réseaux
sociaux est actuellement en projet. Et qu’à partir
de la rentrée, les enseignant·es en formation seront
systématiquement sensibilisé·es à la question afin
d’avoir « le bon positionnement », nous dit Édouard
Geffray. Dans leur intérêt... bien sûr. U A. B.
* Le prénom a été modifié.
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