Causette N°103 – Septembre 2019

(National Geographic (Little) Kids) #1

SOCIETE’’


© B. DIDONATO/AGENCE VU

en actrice sensuelle, belle et rebelle
dans nombre de films d’auteur (dont
Le Roi de l’évasion, d’Alain Guiraudie ;
L’Apollonide : souvenirs de la maison close,
de Bertrand Bonello ; ou Sex Doll, de
Sylvie Verheyde). Hafsia mène sa barque
de bout en bout, cette fois, et affirme
d’emblée un autre regard. Le sien :
tendre, direct et loin des stéréotypes.
« Mon idée, c’était de montrer comment
un chagrin d’amour peut rendre malade,
physiquement et mentalement. Comment
il nous fait perdre confiance en nous, nous
fait sentir moins que rien, nous rend absents
au monde. C’est un sujet peu traité au
cinéma, car il y a une part de honte pour
qui l’a vécu », explique-t-elle sans ciller.

De façon un peu trop précise pour ne
pas sembler personnelle : « Ça n’est pas
un film autobiographique, même si j’ai vécu
des relations compliquées quand j’avais à
peine 20 ans..., reconnaît-elle. À l’époque,
j’étais très candide, je pensais que lorsqu’on
était avec quelqu’un, c’était pour la vie. Et je
croyais que tout le monde était comme moi,
qu’on ne pouvait pas trahir. Donc quand
on jouait avec mes sentiments ou qu’on me
faisait des coups, j’étais dévastée. »
Reste que, avant d’écrire son film,
et pour être au plus près de la vérité,
en ancienne bonne élève, elle n’a pas
hésité à aller sur le terrain pour mener

l’enquête auprès de ses proches, de
copains de copains, mais aussi des
commerçants de son quartier, cela
pendant plus d’un an. « Je leur ai simple-
ment demandé : est-ce que tu as déjà vécu
un chagrin d’amour ? Puis de me décrire
les symptômes. Tous avaient une histoire
à raconter. C’est là que j’ai compris que
c’était un sujet universel. »

“On peut en crever”
Plusieurs phrases glanées en cours de
route ont même agi sur elle comme
un électrochoc : « L’une des personnes
que j’ai interrogées m’a dit : “Tu sais, on
n’en meurt pas, sinon on serait tous
morts !” Une deuxième, au contraire, m’a

confié qu’elle était tellement mal qu’elle a
fini par consulter Internet pour savoir si
on pouvait mourir d’amour ! Pour ma
part, je crois que l’on peut en crever... »
Raison pour laquelle elle s’est lancée
à fond, et sans fard, dans Tu mérites un
amour, in fine. Pour « dire aux gens qu’ils
ne sont pas seuls : dans ce genre d’épreuve,
le partage, la générosité, ça peut aider ».
De même qu’un poème, consolateur et
flamboyant, de Frida Kahlo ? Elle sourit
à nouveau : « Mon chagrin d’amour est
dépassé depuis longtemps. » Sa carrière
prometteuse de cinéaste, en revanche,
ne fait que commencer. U
Tu mérites un amour,
de Hafsia Herzi. Sortie le 11 septembre.

“Mon idée, c’était
de montrer comment
un chagrin d’amour
peut rendre malade,
physiquement et
mentalement. Comment
il nous fait sentir moins
que rien, nous rend
absents au monde”
Hafsia Herzi
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