Causette N°103 – Septembre 2019

(National Geographic (Little) Kids) #1

SOCIETE’’


© B. DIDONATO/AGENCE VU

un rite de passage. À tel point qu’un jour, elle
décide de confronter ses ghosteurs et d’en faire
un article pour la version américaine du magazine
Vice, en 2015. L’expérience, parfois offensante,
l’aide, malgré tout, à faire son deuil. « L’un d’eux
m’a dit que je ne lui plaisais finalement pas tant que
ça à cause de mon surpoids, relate-t-elle à Causette.
Même si c’est blessant, au moins, le fait qu’il l’ait
dit permet d’avancer. Les ruptures, c’est comme les
sparadraps : mieux vaut un coup sec qui fait mal
que laisser le pansement pourrir. »
D’autant que les réseaux sociaux aggravent le
supplice. Mathias a 19 ans lorsqu’il se fait ghos-
ter par un garçon rencontré à la fac, après un
printemps à batifoler et à « passer la moitié de la
semaine à dormir ensemble ». Huit mois plus tard,
il espionne encore son Apollon sur Instagram.
« Pour la personne qui ghoste, l’histoire est finie. Mais
quand on est ghosté, on ne se représente pas la fin. Et
on comble le vide en fantasmant la vie de l’autre. »
En guettant peut-être des indices, des preuves de
rupture, pour passer à autre chose. « Le jour de
la Saint-Valentin, il a publié une photo d’un homme
au resto. J’ai compris qu’il avait un nouveau mec. Et
pourtant, quand je le vois connecté, je lui écris. Cinq
messages l’été dernier, souvent quand j’ai bu... » Dur
dur de déconnecter.
Les ghosteurs et ghosteuses se rendent-ils
compte du surplus de peine infligé par ces bru-
tales disparitions ? Louis-Gabriel, petit blond de
23 ans à polo sage et casquette sportive, ne l’a

pas réalisé. Flash-back sur son micro amour de
vacances à Noirmoutier, en Vendée, alors qu’il a
17 ans. « Il n’y a même pas eu de bisou, on était juste
collés ensemble. » Vient la fin de l’été et le retour
à la maison. « Elle a commencé à me bombarder de
SMS et à me dire qu’elle était amoureuse, que c’était
fou, qu’elle avait l’impression de me connaître depuis
des années. » Lui n’est pas aussi emballé, il choisit
de ne plus répondre. Elle s’accroche. « Son chagrin
me touchait, mais je me disais que si je répondais de
nouveau, ça allait lui donner des idées. Là, elle pou-
vait m’oublier aussi vite qu’elle m’avait aimé. » La
jeune femme en vient à « s’autolarguer » : « Son
dernier message, ponctue Louis-Gabriel, c’était
“OK, j’ai compris”. »

L’arroseuse arrosée
Pour Juliette, étudiante en finance, ghoster, c’était
un mélange de « flemme » et d’inconscience. Voilà
six mois qu’elle fricotait avec un homme rencon-
tré en soirée. De son côté, l’histoire n’a pas pris.
« Du coup, j’ai arrêté de répondre et je l’ai bloqué
pour éviter de longues explications douloureuses. »
Sauf que, quelques mois plus tard, c’est au tour de
la jeune femme d’être cette fois victime. « J’étais
même pas amoureuse de ce nouveau mec, mais ça a
détruit mon ego. Limite, je le harcelais de messages
car j’avais trop de questions. Ça m’a fait comprendre
que ghoster, c’est horrible. »
Eh oui, la communication, on n’a jamais rien
fait de mieux dans les relations humaines. U
Free download pdf