Causette N°103 – Septembre 2019

(National Geographic (Little) Kids) #1

DR KPOTE


« Du cul et du sexe ! » La promesse de
Radio Sexe est sans équivoque. Créé
par les testeurs de jeux vidéo Kameto
et Kotei et diffusé le dimanche soir sur
la plateforme Twitch, ce talk-show, où
de jeunes auditeurs présélectionnés
exposent leurs problèmes de cul, est
suivi par près de 500 000 internautes
sur YouTube, où l’émission est ensuite
rediffusée.
En plus de Kameto et Kotei, la bande
de docs génitaux diffusant ses conseils
sexo est composée de Zack, youtubeur,
Joël, entrepreneur dans la
muscu, Prime, propulsé à
l’Olympia grâce à son million
d’abonnés, et Yass, vanneur
sur Twitter. Il n’y a pas de
filles dans la team, ce n’est
pas le genre de la maison
très weshgros-frérot-hétéro-
phallo-centrée. Certaines se
risquent à témoigner, mais
elles sont systématiquement traitées
de putes sur le live chat et « manster-
ruptées » sur le plateau. À défaut d’être
égalitaire, le groupe de jeunes youtu-
beurs ne fait que reproduire les vieilles
recettes misogynes de ses aînés. Et c’est
bien dommage, car vu leur notoriété
auprès des gamers, population réputée

Radio Sexe

Ni queue ni tête

sexiste, les animateurs de Radio Sexe
auraient pu faire le choix d’être des
influenceurs plus positifs ! Mais, pri-
sonniers d’une notoriété qui paie, ils
ne sont pas vraiment prêts à bousculer
toute une communauté, pathétique de
conformisme dans sa street attitude et
sa masculinité.
Après avoir visionné pas loin de
six heures d’émission, force est de
constater que l’équipe de Radio Sexe est
loin de maîtriser son sujet. L’utilisation
d’un vocabulaire très cru masque

difficilement la vacuité de certaines
recommandations, à l’image du débat
censé déterminer si l’invité était un
« bâtard » ou un « mini bâtard » pour
avoir pécho une « go » (c’est-à-dire une
fille) ciblée par un pote.
Dans l’émission du 16 juin, l’invité,
le rappeur Alkpote, arbore un tee-shirt

« sucepute », son fonds de commerce sur
la Toile. En se présentant comme l’em-
pereur des « anulingueurs », il provoque
l’hilarité embarrassée d’un Kameto qui
sort juste de sa puberté. Joël, gros bras,
réplique : « Si une meuf essaie de me bouf-
fer l’anus, je la recadre à grandes tartes
dans sa tête. » Alkpote, planqué derrière
ses verres fumés, nous fait partager sa
vision du consentement pour obtenir
une fellation : « Tu pousses la tête de la
meuf vers ton sexe. » Sur Radio Sexe, on
peut faire la promo de la culture du
viol sans se soucier du CSA
puisqu’on est sur le Web.
La bande cause ensuite
« gorges profondes sur l’auto-
route avec la bite qui tape la
glotte à chaque nid de poule »,
rapports sexuels dans les
cages d’escalier à 14 ans,
« putes asiatiques qui en ont
rendu fous plus d’un »... Ces
gamins élevés à GTA et à Pornhub
exposent leur catalogue de fantasmes
pour collégien en séance branlette sous
la couette. Sur le chat en live, sans
modération, les internautes « pupu-
putent » à tout-va, cri de ralliement
alkpotien. Pourtant, les rires gênés et
les tics nerveux ne mentent pas. Les

Les animateurs jouent la carte de
la provoc pas totalement assumée
comme si certains craignaient
que leurs mères viennent leur filer
une bonne raclée
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