Causette N°103 – Septembre 2019

(National Geographic (Little) Kids) #1

MUSIQUE


© DR X 5


Johnny Montreuil

DE L’AUTRE CÔTÉ DU PÉRIPH
En langue manouche, « narvalo » désigne affectueusement un bouffon, un
imbécile heureux. Depuis des années, Benoît Dantec, alias Johnny Montreuil,
chante la vie de l’autre côté du périph. Avec gouaille et un vrai talent d’écriture,
il dépeint sa caravane, ses voisins roms partis, les ferrailleurs, la vie des bars,
l’amitié, la mixité sociale et ethnique, la vie quoi ! On peut entendre à la fois
Johnny Cash, de la musique des Balkans ou des bayous, des harmonies vocales
country, de la surf music ou encore du rock alternatif français des années 1980
façon Carayos. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est très cohérent et on a là une vraie
culture avec ses codes, sa langue, son humour et sa poésie. Ne les manquez pas
sur scène, ce combo contrebasse-guitare-batterie-harmo-
nica envoie du bois. L’album studio est très bien produit
sans pour autant perdre l’énergie du live. En bref, c’est
michto. UÉric Hauswald
Narvalos Forever, de Johnny Montreuil.
Les Facéties de Lulusam/L’Autre Distribution.

Ala.ni

LE RETOUR A CAPELLA
Elle a d’abord été la choriste de Mary J. Blige, de Blur ou encore de Damon
Albarn. Excusez du peu. C’est ce dernier qui l’a d’ailleurs encouragée à suivre
son propre chemin. Ce qu’elle fit en 2016 avec son premier disque You and I. Un
mélange sucré de folk intimiste et d’arrangements vocaux pétillants tout droit
sortis de la musique de Broadway qui aurait rencontré Billie Holiday. Depuis, la
chanteuse londonienne originaire de l’île de la Grenade a tourné un peu par-
tout dans le monde. Un voyage au cours duquel elle a conçu Acca. Comme « a
capella », puisque c’est ainsi qu’elle a composé puis enregistré ce second album.
Ala.ni utilise merveilleusement les quatre octaves de sa voix, soutenues sim-
plement par quelques bruits environnants (des pas sur le sol, le vent, le tinte-
ment d’une cuillère sur un verre, une porte qui grince),
deux invités (un duo avec Iggy Pop ou un beatboxer) ou
quelques rares notes de basse. Acca développe un espace
musical minimaliste dans lequel sa voix agit comme un
doux souffle sensuel. U C. K.
Acca, d’Ala.ni. A+LSO/dist. Sony. Sortie le 30 août.

Tinariwen

LE BLUES DU DÉSERT
Robert Plant, Elvis Costello ou Thom Yorke plébiscitent
leur musique hypnotique et abrasive, les riffs âpres de
leurs guitares, nés du sable des déserts, des thés brû-
lants et des palabres lancées aux étoiles... Les Maliens
de Tinariwen, les rockeurs touareg les plus célèbres
de la galaxie, livrent aujourd’hui leur neuvième album,
Amadjar (« l’étranger de passage » en tamasheq, leur
langue). Parce que leur musique, sauvage et magique
comme le feu, pousse mieux à l’air libre, ils ont tissé
ce disque sur la route, dans l’immensité du désert de
Mauritanie, à bord d’un camping-car/studio d’enregis-
trement. Plus de trente ans après leurs débuts, Abdal-
lah, Ibrahim et leurs complices conservent intacte leur
signature, entre blues, rock et traditions touareg : une
distorsion lente du temps, une méditation puissante,
un chant-racine de chamanes, une connexion avec la
nature, un combat pacifique, unis par cet ingrédient
secret, ce supplément d’âme, l’« assouf » (la « solitude »,
la « nostalgie », en tamasheq), le blues de leur peuple.
Sur Amadjar, leur art, sans rien de
superflu, nous ramène à l’essentiel,
à la pulsation première, à l’urgence...
au cœur. UAnne-Laure Lemancel
Amadjar, de Tinariwen, Pias.
Sortie le 6 septembre.

Rachid Taha

ODE À L’AFRIQUE
C’est l’émotion bien sûr, qui accompagne l’écoute de Je suis africain, l’album
posthume de Rachid Taha, disparu il y a juste un an. Le plaisir est immense, aussi,
de retrouver le « camarade », citoyen du monde musical, dans toute sa splendeur.
Capable de procurer joie et tristesse dans une même chanson, voire dans une
même phrase. Son chant en liberté se joue des mots (comme dans cette version
arabe de Be-Bop-A-Lula gaiement jubilatoire), transporté par ce mélange caracté-
ristique et unique de rock, d’électro et de rythmes du continent africain (Je suis
africain). Mais soudain, la tristesse revient. Alimentée
par le regret de ne jamais plus avoir le plaisir de retrou-
ver cette folie musicale sur scène. L’album se termine
sur une chanson solaire au titre étrangement prémo-
nitoire : Happy end... UChristophe Karcher
Je suis africain, Rachid Taha.
Believe/Naive. Sortie le 20 septembre.
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