ROMAin HAill
ARD
Q
uartier populaire. Que
mettre derrière ce terme?
La mixité sociale? Fina-
lement, quand on a dit
ça, on a tout et rien dit à
la fois. Il faut aller cher-
cher plus loin. Loin, c’est
au bout du bout, à Brest, au quartier Saint-
Martin, dont le cœur battant s’appelle place
Guérin. Ici, dans les hauteurs du centre-ville,
des vieux tilleuls écorchés bordent un sable à la
couleur grise. Dans cette terre à la composition
douteuse, aucune personne saine d’esprit ne
voudrait se vautrer. Ça n’a jamais empêché les
autres de le faire. Les boulistes – maîtres en ces
lieux – préfèrent la travailler lors de parties de
pétanque interminables. Dans cette enclave, les
maisons d’époque masquent l’horizon, mais la
au rendez-vous
des humanités
Depuis trente ans, à Brest, la place Guérin accueille le temps
d’un week-end la « Foire aux croûtes », où la peinture amateur
sert de prétexte à un événement festif et un brin subversif.
VILLE
z Romain
Haillard
(1) Plage Guérin
Éditions, 2019,
196 pages, 30 euros.
Disponible sur http://www.
foireauxcroutes.com
plainte moqueuse des goélands rappelle sans
cesse la proximité du port. Les oiseaux de nuit,
eux, faune d’individus plus ou moins louches et
d’étudiants désargentés, y traînent pour finir les
dernières canettes d’une longue soirée.
À chaque week-end de l’Ascension se
déroule ici un drôle de cirque, élégamment
nommé Foire aux croûtes. Une épiphanie
artistique et festive où se manifeste l’âme du
quartier dans toute son épaisseur. Pendant trois
jours, depuis trente ans, une centaine de peintres
du dimanche ou de plasticiens plus confirmés
exposent leurs toiles. Plus de 4 000 curieux
viennent caresser les œuvres du regard, parfois
sortir le portefeuille pour céder à un coup de
cœur. Sans oublier ceux venus pour apprécier
les animations et les concerts... et s’en jeter
un p’tit par la même occasion à la buvette ou
qui partent à bas bruit et ceux qui sont
carrément renvoyés : François Cocq (3) était
un authentique républicain, un humaniste...
On peut avoir des désaccords, mais ça se
tranche démocratiquement », déplore la
militante de longue date. Membre du PG,
elle se souvient de la création de LFI et de
l’effervescence intellectuelle qui y régnait :
« La France insoumise, c’était le Parti de
gauche, Ensemble !, quelques communistes,
des écolos et même les socialistes insoumis
de Liêm Hoang-Ngoc... Où sont-ils main-
tenant? » interroge-t-elle. « Le mouvement
peut mourir de ces départs, il peut disparaître
si on ne propose pas des choses nouvelles »,
s’inquiète Thibaut Marchal.
En plus d’interrogations d’ordre statutaire,
LFI est travaillée par la question du populisme
et de la stratégie. Le « nous » – le peuple –
contre « eux » – l’oligarchie – ne fait pas
débat... à condition qu’il s’inscrive à gauche!
Très peu suivent Raquel Garrido quand elle
dit que LFI « n’a certainement rien à gagner
[...] dans la sempiternelle recomposition de
la gauche radicale ». « Ce terme a quand
même une histoire, on ne peut pas le jeter aux
orties », s’emporte une militante. De gauche,
mais pas pour autant inconditionnels de
l’union de la gauche. « Je ne fais pas confiance
à un Benoît Hamon ou un Raphaël Glucks-
mann pour construire un projet commun à
toutes les forces de gauche », explique un
militant du sud de la France.
Pour l’heure, Jean-Luc Mélenchon ne
s’est pas adressé directement à ses forces
vives depuis les élections. De quoi alerter les
observateurs politiques, qui spéculent sur un
retrait du leader de LFI. Mais pas de quoi
inquiéter les militants. « Jean-Luc Mélenchon
fait souvent ça après une défaite », explique
l’un. Sans idolâtrer le président du groupe
à l’Assemblée nationale, tous l’apprécient.
« N’allez pas croire que j’ai des posters de
lui dans ma chambre, mais il ne faut pas se
comporter comme des ingrats : il a fait monter
une nouvelle génération d’élus de gauche »,
estime Aurélien. Pas question, alors, d’envi-
sager un remplacement de Jean-Luc Mélen-
chon au poste de n° 1? Les noms d’Alexis
Corbière, d’Adrien Quatennens et d’Éric
Coquerel reviennent régulièrement. Mais ils
sont invariablement supplantés par un autre :
celui de François Ruffin. « C’est impression-
nant : même quand on fait du porte-à-porte
et qu’on discute avec des gens qui ne votent
pas pour nous, ils nous parlent de François
Ruffin », raconte Simon.
Reste à savoir si l’électron libre des
Insoumis accepterait de prendre des res-
ponsabilités au sein du mouvement – sous
réserve qu’il se dote d’un organigramme,
comme le souhaitent les militants. Positives
malgré la défaite, loyales et constructives, les
« petites mains » de LFI voient encore dans
ce mouvement un « formidable outil pour
conquérir le pouvoir ». Émoussé par deux
ans de conflits et des coupes drastiques dans
leur électorat, l’outil a toutefois besoin d’un
sérieux aiguisage. a
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Politis 1558
20/06/
ANAlySE