Dans Zoologie, son
précédent film, Ivan
I. Tverdovsky décri-
vait une femme ordi-
naire affublée d’une
queue et qui enta-
mait une relation
toxique avec un féti-
chiste. Drôle de film
qui finissait par tour-
ner en rond. Rebelote avec L’Insensible, portrait d’un ado atteint
d’une maladie le rendant insensible à la douleur. Sa mère, qui l’a
abandonné à la naissance, revient le chercher pour l’utiliser dans
le cadre d’une arnaque bien rodée : Denis se jette sur des voitures
pour faire chanter les conducteurs avec la complicité de l’appa-
reil judiciaire entier... Séduisant sur le papier, le film se contente
d’illustrer son propos sur la corruption généralisée en Russie,
sans l’ombre d’une nuance. Le trouble naît surtout de la relation
quasi incestueuse entre cette mère irresponsable et son fils en mal
d’a m o u r. u CN
Le docufiction a
le vent en poupe
depuis quelques
années – le succès
de Shéhérazade
en est un exemple
récent. Souvent
centré sur des com-
munautés bien
typées, le genre
s’aventure peu dans le domaine de l’intime, voie choisie par Susana
Nobre, qui décrit ici le quotidien banalement répétitif d’une jeune
maman: tétées, bercements, siestes, conversations assez neutres
avec le papa ou des gens de passage (famille et amis)... Tout est vrai
et faux en même temps, la mère en question et ses proches étant fil-
més dans leur environnement naturel mais récitant des dialogues
écrits. Le résultat est à moitié convaincant. En écartant toute pos-
sibilité de romanesque, le docufiction intimiste tel que le conçoit
Susana Nobre, s’il se révèle par moments touchant, ne suscite pas
un intérêt particulier. u CN
11 SEPTEMBRE |
L’INSENSIBLE
11 SEPTEMBRE |
TEMPO COMUM
Podbrosy • Pays Russie, Irlande, Lituanie, France • De Ivan I. Tverdovsky
- Avec Denis Vlasenko, Anna Slyu, Danil Steklov... • Durée 1h 27
Pays Portugal • De Susana Nobre • Avec Marta Lança, Clara Castanheira,
Pedro Castanheira... • Durée 1h 04
Denis Vlasenko © DESTINY FILMS Marta Lança ©TERRATREME FILMES
ALLEZ-Y SI VOUS AVEZ AIMÉ La Passion de Jeanne d’Arc (1928), Procès de Jeanne
d’A r c (1962), Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc (2017)
Pays France • De Bruno Dumont • Avec Lise Leplat Prudhomme, Annick
Lavieville, Justine Herbez... • Durée 2h 17
Lise Leplat Prudhomme © FIMS DU LOSANGE
11 SEPTEMBRE |
JEANNE
Bruno Dumont adapte à nouveau Charles Péguy.
Délestée des dissonances de son film précédent,
sa Jeanne d’Arc est pleine de grâce.
Après le dissonant Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc, voici
Jeanne. Toujours Charles Péguy, toujours Bruno Dumont et tou-
jours Lise Leplat Prudhomme, 10 ans, dans le rôle de la pucelle
d’Orléans, qui a bien grandi en deux ans. Sur les dunes du Nord bat-
tues par les vents, la guerre de Cent ans est montrée dans un parfait
dépouillement. L’histoire est certes connue. Au cinéma peut-être
plus qu’ailleurs. Le geste de Dumont est de coller au plus près à la
prose de Péguy pour mieux la remodeler. Il a raison: s a Jeanne est
pleine de grâce. De la grâce juvénile et pourtant pleine d’aplomb de
sa jeune interprète tout en majesté. Autour d’elle, le cinéaste cherche
des gueules et surtout des corps non déformés par un quelconque
apprentissage. Chacun dit son texte avec une fragilité et des hésita-
tions propres à désamorcer la pesanteur du texte. La caméra sonde
l’Éternel, cherche la grandeur. Ainsi, un ciel gorgé de soleil éblouit
et ramène les pauvres mortels à leur humaine condition. Idem à
l’intér ieur de la grandiose cathédrale où les cor ps tout petits ne font
guère le poids. Et pourtant, ces corps, ou plutôt ces visages, se font
bien entendre. C’est l’heure du procès en hérésie avec son arrière-
fond politique et la disgrâce de Charles VII (Luchini en guest!).
Les juges en habits de gala pérorent, complotent, s’interrogent. Il y
en a un, dont on ne voit pas les traits cachés sous une capuche, mais
dont la voix fluette et gracile trahit l’identité : c’est Christophe, le
chanteur ici acteur, dont on entend à plusieurs reprises des chansons
originales d’une puissance folle. Sublime! u TB