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YEARS AND YEARS
Vous avez aimé vous ronger les ongles devant Chernobyl? Vous allez
adorer déprimer devant les six épisodes de Years and Years, mélo
familial qui raconte le futur de l’Angleterre post-Brexit jusqu’en 2034.
Et ce n’est pas bien joyeux.
A
u printemps dernier,
à peine sortis du choc
Chernobyl, il fallait bien
trouver une autre série
pour s’aérer un peu la
tête: la rumeur faisant
de Years and Years la nouvelle création de
Russell T Davies [voir encadré], un This is
us version SF anglaise, le choix était vite
vu, la tentation étant grande de pleurer
un bon coup devant un mini-soap futu-
riste composé par le créateur de Queer as
Folk. Dès le premier épisode de la série,
diffusée d’abord sur
MyCanal avant de
débarquer en fanfare
sur Canal+ en cette
rentrée, on a compris
notre erreur. Years and
Years commence en
2019 et suit les Lyons,
une famille nombreuse
de Manchester. Le
Brexit vient de passer.
À la télé, une politi-
cienne populiste nom-
mée Vivienne Rook
fait le buzz (Emma
Thompson, géniale en
mélange de Marine Le
Pen et Boris Johnson). Flash-forward. Tout
s’accélère. Les années passent. La série
zappe frénétiquement à travers les jour-
naux télévisés et nous voilà déjà en 2024.
Trump achève son deuxième mandat. Une
crise nucléaire menace. Un drame frappe la
planète. Les mois défilent. En six épisodes,
Years and Years brasse un quart de siècle
d’histoire future. Et ce n’est pas la joie du
tout. Entre crise des réfugiés, technolo-
gies intrusives et « montée des extrêmes»,
Years and Years est un reflet sérieusement
déprimant de notre présent.
PLUS VRAI QUE NATURE. La série
connaît ses moments les plus excitants lors
de ces coups d’accélérateurs, ses zappings
futuristes de journaux télévisés de la BBC
qui donnent, au son d’un thème choral et
tribal de Murray Gold
(l’artisan musical de
Queer as Folk et du
reboot de D octor W ho),
une affolante vision de
notre futur immédiat
– et des catastrophes
prévisibles qui s’an-
noncent. Pardon, qui
sont déjà là, en fait. Si
on vous dit que Years
and Years est une série
de SF où les politi-
ciens se font réélire en
promettant de dépor-
ter les réfugiés, où les
ados rêvent de se faire
implanter leur smartphone et où la crise de
l’emploi fait que vous devez être coursier à
vélo pour dix sociétés différentes dans la
même journée, vous vous direz que Years
and Years n’est pas du tout de la SF et vous
aurez bien raison. Alors que Chernobyl
pouvait s’observer avec
une fascination lointaine
à cause de sa patine 80s et
sa guerre froide finissante,
Years and Years ne parle
de rien d’autre que de 2019.
Rallumer son portable à la
fin d’un épisode donne la
drôle de sensation de ne pas
avoir quitté la série. Cerise
sur le pudding de la déprime, Years and
Years est même parvenu à caser une réfé-
rence à l’incendie de Notre-Dame de Paris
dans l’épisode 6. Youpi!
HISTOIRES D’AUJOURD’HUI. Ce n’est pas
pour rien que la série a choisi de se dérou-
ler à Manchester, centre quasi parfait du
Royaume-Uni: incarnée par un excellent
casting (de Rory Kinnear, le monstre de
Frankenstein de Penny Dreadful, à Jessica
Hynes, la coloc de Spaced, il n’y a rien à
jeter), la famille Lyons est un échantillon-
nage un peu trop idéal de l’Angleterre, ras-
semblant tout le monde autour de la même
table. Les gays, les hétéros, les transhu-
manistes, les Noirs, les Blancs, la working
class tentée par les candidats «nouveau
monde», les cols blancs de la City votant
conservateur, les gentils pro-réfugiés bos-
LES ZAPPINGS
DE JOURNAUX
TÉLÉVISÉS
DONNENT UNE
AFFOLANTE
VISION DE
NOTRE FUTUR
IMMÉDIAT.
Emma Thompson
SÉRIES
EMMA THOMPSON
FILMO EXPRESS
Raison et Sentiments (1996)
Primary Colors (1998)
Dans l’ombre de Mary – La Promesse
de Walt Disney (2014)