La liste d’Ana
On se dit que, forcément, sa vie devait se dérouler là.
Sur des plateaux de cinéma ou des scènes de théâtre.
Avec deux parents comédiens – Hippolyte Girardot et
Isabelle Otero – la voie était toute tracée. Du moins, en
apparence. « Comme je lisais peu, les films étaient mon
seul vrai moyen d’évasion », explique Ana Girardot.
Mais elle met aussi volontiers la main à la pâte, pique
la caméra de sa mère pour des petits films qu’elle
monte sur son ordinateur. Et plus que tout, aime se
déguiser. « Dès que j’avais un “public”, j’imaginais des
sketchs et me mettais en scène. En sortant de Haute
Voltige, j’avais même mis de la laine rouge partout dans
le salon pour figurer des alarmes entre lesquelles j’évo-
luais à la manière de Catherine Zeta-Jones ! » Et pour-
tant, à l’adolescence, Ana se cabre. « Comme tout le
monde me voyait suivre la voie de mes parents, j’ai dit
que je voulais devenir styliste. » Jusqu’à ce qu’un voyage
à New York ne change son destin... On est au mois de
février 2007, l’année de son bac. Arrivée à Manhattan,
on lui conseille d’aller faire un tour à un cours donné
par Sheila Grey. « J’avais une peur bleue. Comme si jereculais pour me confronter à une envie profonde que je
n’osais pas m’avouer. » Mais elle passe la porte et par-
ticipe à un exercice d’improvisation. « Là, j’ai pris un
pied absolu. » Alors, Ana décide d’écrire une liste. Celle
de ses envies et des objectifs qu’elle se fixe : « Avoir
mon bac. Revenir à New York. Y dénicher un petit bou-
lot pour gagner ma vie. Prendre des cours chez Sheila
Grey. Trouver un agent sur place. Faire un tour à Los
Angeles. Rentrer à Paris. Prendre un agent. Passer des
castings. Décrocher un premier rôle. » Une feuille de
route en dix points... dont elle va valider chaque étape
en à peine un an. Oui, elle décroche son bac et revient à
New York. Oui, elle apprend avec Sheila Grey qui l’en-
gage comme assistante pour payer sa formation. Oui,
elle déniche un agent américain. Oui, elle traverse les
États-Unis en voiture direction Hollywood, citadelle
imprenable pour une Frenchie sans visa de travail. Oui,
elle rentre à Paris. Oui, elle obtient un rendez-vous avec
Grégory Weill, l’agent de Léa Seydoux qui l’envoie sur leAna Girardotl’enthousiasteDeux ans après leur première collaboration dans
Ce qui nous lie, Deux moi de Cédric Klapisch marque
un tournant dans une carrière entamée voilà bientôt dix ans.
Portrait d’une enfant de la balle qui n’a jamais parue
aussi bouleversante et à sa place devant une caméra.
u PAR THIERRY CHEZE© EMMANUELLE JACOBSON-ROQUES - STUDIO CANAL