Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1

(NDLR : Dupriez, ex-coprésident). Vu
la tournure des événements, j’ai pris
la parole pour dire que je préférais ne
pas être élue du tout plutôt que d’être
mal élue. » La messe est dite. Seuls 47 %
des membres lui apportent son soutien.
Zakia Khattabi quitte les lieux après
une réunion houleuse du groupe parle-
mentaire. Barbara Trachte est nommée


secrétaire d’Etat. « Je n’étais ni triste, ni
fâchée, déclare Isabelle Pauthier. Je me
serais battue davantage s’il s’était agi de
mes compétences de prédilection. Cela
étant, je suis rentrée chez moi à 2 h 30 du
matin, un peu naufragée. »
Sous la pression infernale du timing,
le parti s’est refermé comme une huître.
« Le dimanche, j’ai eu Zakia au télé-
phone pour débriefer et je lui ai deman-
dé un espace d’expression au bureau
politique du lundi. J’y ai fait un speech
de dix minutes en posant la question de
la relation d’Ecolo à la société civile. »
En juillet, la négociation d’une majo-
rité coquelicot en Wallonie, défendue
par Jean-Marc Nollet pour intégrer da-
vantage les associations au contenu des
politiques, a suscité de l’espoir. « C’était
une formidable opportunité, soutient


Isabelle Pauthier. Ecolo ne doit pas être
dans une attitude de confrontation
avec le monde associatif. Depuis plus
de dix ans, toute une partie de celui-ci
s’éloigne de la politique ; certains ne
veulent pas d’argent public, pas de sub-
sides, pas même de discussions avec les
élus. Dans l’esprit de trop de politiques
vit encore l’idée qu’on doit enfermer ces
associations dans des appels à projets
en contrôlant leurs finances, voire le
contenu. Ce n’est plus audible ! Il faut
avancer dans des coalitions d’intérêts,
comme deux pieds sur les marches d’un
escalier. »
En interne, on dément que ce recalage
soit révélateur d’un malaise avec la so-
ciété civile. C’était une contestation de
la méthode Khattabi. L’AG, mise au pied
du mur, s’est cabrée. Point. « Des man-
dataires se sont excusés en me disant
que ce n’était pas contre moi », confirme
Isabelle Pauthier.

La claque de la coprésidence
Acte 2. Peu après sa sortie au bureau
politique, fin juillet, Jean-Marc Nollet
lui envoie un message pour lui proposer
de se parler. « Nollet, c’est un très gros
travailleur, avec un très haut potentiel,
très tactique, perpétuellement dans
des parties de billard à cinq bandes »,
admire-t-elle. Il lui propose de faire un
ticket avec elle pour la coprésidence
du parti, qui doit être renouvelée le
15 septembre prochain. « Je lui ai signalé
que j’avais trois enfants, une maison à
gérer, que j’aurais donc un petit souci de
disponibilité et que je débarquais sans
connaître les rouages du parti et de la

politique, sourit-elle. Mais il m’a pro-
posé un conclave de quatre jours pour
envisager un programme. Dès le départ,
je me suis placée dans une dynamique
d’égalité avec lui, je l’ai poussé dans ses
retranchements... » A la clé, de réelles
affinités et une note à présenter aux mi-
litants. Convaincue, l’ex-directrice de
l’Arau accepte le challenge.
Seul problème : une disposition des
statuts prévoit qu’un coprésident doit
être membre depuis six mois. Ce n’est
pas le cas d’Isabelle Pauthier. « Jean-
Marc Nollet m’a dès lors proposé d’aller
au crash test en présentant ce point au
Conseil de fédération pour tester la réac-
tion du parlement interne du parti. Qui a
eu un réflexe légitimiste, là encore : “Les
statuts sont les statuts, on accorde déjà
beaucoup trop de dérogations.” C’est
une contradiction : un parti a besoin de
gens ayant de l’expérience, mais aussi
de candidats venant de l’extérieur. Et on
aurait pu prendre en compte le temps de
la campagne électorale. Mais soit... J’ai
tout de suite dit à Jean-Marc : “J’y vais
pour te faire gagner, pas pour te faire
perdre, je retire la prise.” On ne pouvait
pas aller à l’AG comme ça. Ça aurait
été un énorme risque pour lui. » Nollet
cherche donc une autre coprésidente. Et
la trouve en la personne de la présidente
de la régionale bruxelloise du parti,
Rajae Maouane.
Pour Isabelle Pauthier, la pilule est
encore plus difficile à avaler que celle
du gouvernement bruxellois. « Ça s’est
fait au détriment du projet politique
que Jean-Marc et moi pouvions porter,
regrette-t-elle. Je m’étais en outre proje-
tée davantage dans ce rôle-là. Je voyais
vraiment comment on pouvait faire évo-
luer le parti, avec un regard extérieur.
J’étais embarquée. » Certains écolos dé-
plorent que la nouvelle venue soit une
« femme blessée » à cause de la mauvaise
gestion de ses dirigeants. Elle rassure :
« Je vais faire ce pour quoi j’ai été élue
au parlement. »
Une néophyte très décidée. A défaut
d’être très soutenue par les siens. V

«JE SUIS RENTRÉE
CHEZ MOI À DEUX
HEURES ET DEMI
DU MATIN, UN PEU
NAUFRAGÉE.»

Zakia Khattabi et Patrick
Dupriez, coprésidents sortants,
avaient fait de l’ouverture d’Ecolo
une des pierres angulaires
de leur démarche.

FREDERIC SIERAKOWSKI/BELGAIMAGE
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