MondeLe - 2019-08-27

(Ron) #1

MARDI 27 AOÛT 2019


FRANCE


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Municipales : la droite pro­Macron se prépare

L’ex­LR Christophe Béchu doit réunir, le 30 août, des élus qui souhaitent « la réussite du président de la République »


A

u printemps, ils avaient
fait redouter une hé­
morragie de rallie­
ments de maires de
droite vers la majorité au moment
des municipales. Pour la rentrée,
les 72 élus qui avaient souhaité en
juin dans Le Journal du dimanche
« la réussite du président de la Ré­
publique et du gouvernement » se
retrouvent pour transformer l’es­
sai. Vu par ses détracteurs comme
le fer de lance du gouvernement
pour chasser sur les terres du parti
Les Républicains (LR), le groupe de
La République des maires a cepen­
dant essuyé quelques camouflets
du parti présidentiel au cours de
l’été. A l’époque, l’état­major de LR
avait minimisé l’initiative et
pointé du doigt la dérive d’une
poignée d’« âmes faibles », selon
les mots de Jean Leonetti, se jetant
dans les bras d’une majorité avide
d’ancrage territorial.
Vendredi 30 août, ces maires
« macroncompatibles » se réuni­
ront pour la première fois à An­
gers, pour établir les statuts de
leur association, définir un bu­
reau exécutif, mais aussi discuter
« vivre ensemble » et transition
écologique, deux thèmes sur les­
quels ils seront invités à présenter
chacun une initiative éprouvée lo­
calement. « On va vivre cette jour­
née entre nous. Cela sera certaine­
ment suivi d’un événement à
l’automne, à Paris, en marge du Sa­
lon des maires », explique l’instiga­
teur du rassemblement, le maire
d’Angers et proche d’Edouard Phi­
lippe, Christophe Béchu, qui a
quitté Les Républicains en no­
vembre 2017.

Convergence au centre
Delphine Bürkli, maire du 9e ar­
rondissement de Paris partie de
LR en juin, la maire UDI d’Amiens,
Brigitte Fouré, et celle d’Albi, Sté­
phanie Guiraud­Chaumeil (divers
droite), le maire de Saint­Germain­
en­Laye (Yvelines) Arnaud Péri­
card (divers droite), le radical
Christophe Bouchet à Tours, ou
encore l’ex­LR Olivier Carré d’Or­
léans feront le déplacement. Au to­
tal, quarante­cinq communes se­
ront représentées, bien mois que
les soixante­douze de départ et en
dépit du fait que La République des
maires revendique désormais une
centaine de membres.
Une poignée de signataires ont
accentué leur convergence au cen­
tre : en juillet, le maire de Fontai­
nebleau, Frédéric Valletoux, a re­
joint Agir, le parti formé par d’an­
ciens élus de droite pro­Macron,
tandis qu’à Poissy, Karl Olive a an­
noncé, mercredi 21 août, qu’il ne
renouvellerait pas sa carte à LR et
serait candidat à sa réélection sans
étiquette, comme en 2014.
Pour le maire de Poissy, lui­
même fondateur d’une autre as­
sociation d’élus, Génération Ter­

rain, revendiquant 280 membres,
le refus des alliances avec LRM par
Christian Jacob a été l’élément dé­
clencheur. « La goutte qui a fait dé­
border le vase ne date pas d’hier,
elle date quasiment de la présiden­
tielle », dit cependant l’ancien diri­
geant sportif, jugeant que la cam­
pagne de François Fillon « ne pas­
sait pas » sur le terrain.
Des défections ont certes rap­
proché des maires de la majorité,
mais dans le même temps, des in­
vestitures du parti présidentiel
ont aussi douché les espoirs d’élus
signataires, notamment quand
des « marcheurs » locaux ont re­
fusé de s’incliner à leur profit.
A Quimper, la députée LRM An­
naïg Le Meur a été investie face à
Ludovic Jolivet, ex­LR qui avait
pourtant agité le drapeau blanc en
rejoignant Agir fin mai. A Vannes,
Patrick Le Mestre a été investi par
LRM contre un autre des 72, le
maire sortant et ex­LR David Robo.
Et, à Bordeaux, le « marcheur »
Thomas Cazenave a été investi
contre Nicolas Florian. « C’est une
erreur, estime Christophe Béchu
qui doit rencontrer dans les pro­
chains jours le successeur d’Alain

Juppé (qui n’est pas membre du
groupe pour le moment), c’est
l’homme qu’il faut aujourd’hui à
Bordeaux. »
« Ce genre de décision m’a mal­
heureusement conforté dans l’idée
que LRM est un mouvement qui
n’a pas encore d’implantation lo­
cale : ils ont une vision des réalités
sur les territoires qui est, disons,
perfectible », ajoute le maire d’An­
gers. Le premier ministre lui­
même a regretté que des élus fa­
vorables au gouvernement aient
des adversaires LRM face à eux.

Les limites du dialogue
A ceux qui voyaient dans sa tri­
bune une manœuvre de survie,
Christophe Béchu répond désor­
mais que son association, preuve
en est faite, est loin d’apporter la
garantie de ne pas avoir de con­
current « marcheur ».
« Appartenir à cette association,
ce n’est pas décrocher un totem
d’immunité contre des initiatives
partisanes ou vis­à­vis de La Répu­
blique en marche, dit­il, reprenant
une expression du premier mi­
nistre. Les appréciations se font si­
tuation par situation. Il y a aussi

une diversité dans les maires, entre
ceux qui peuvent souhaiter un sou­
tien et les autres. »
Signe des limites du dialogue à
droite tissé par Edouard Philippe,
les déjeuners avec des élus insti­
tués depuis son entrée à Mati­
gnon ont été suspendus face aux
protestations de l’aile gauche de
la majorité – « ils disaient que ça
faisait trop happy few », raconte
un élu de droite. Mais le dialogue
n’est pas rompu et reprendra sous
un nouveau format, encore indé­
fini, poursuit­on de même
source. Selon l’expression du chef
du gouvernement, « la poutre tra­
vaille » encore et le lien subsiste,
mais faute de bras toujours
ouverts en face, l’élan des maires
de droite vers la majorité pourrait
bien faiblir.
Fin mai, juste après le résultat
des européennes – 8,48 % pour la
liste de François­Xavier Bellamy –,
certains élus LR paniqués étaient
prêts à brader les sièges sur leur
liste, pour en donner 20 % à des
« marcheurs », raconte un séna­
teur. « Depuis ça s’est beaucoup
calmé », dit­il. Le président du Sé­
nat, Gérard Larcher, assure pour

sa part que « le choc des européen­
nes est en train de s’éloigner. Je sens
qu’aujourd’hui les maires se sont
repris, ils n’ont pas les yeux rivés
sur les résultats des européennes ».
Gérard Larcher reprend en sep­
tembre son tour de France, bap­
tisé « France Territoires », pour fé­
dérer la droite et le centre en vue
du printemps 2020 et au­delà.
Christian Jacob, pressenti pour
succéder à Laurent Wauquiez à la
présidence de LR, a lui­même
durci le discours envers les élus :
« La composition des listes
municipales aura un impact direct
sur les sénatoriales. Il n’est donc
pas question de laisser se nouer
des accords cachés avec LRM qui

Trois candidats pour tenter de sauver le parti Les Républicains


Julien Aubert, Christian Jacob et Guillaume Larrivé s’affronteront les 12 et 13 octobre pour la succession de Laurent Wauquiez


J


ulien Aubert, Christian Jacob
et Guillaume Larrivé... La
haute autorité du parti Les
Républicains (LR) devait dé­
voiler, lundi 26 août, une ligne de
départ sans surprise, qui ouvrira
un mois et demi d’une campagne
déjà bien entamée pour la prési­
dence du parti, avant l’élection les
12 et 13 octobre du successeur de
Laurent Wauquiez.
Les statuts de LR exigeaient le
parrainage de dix parlementaires
et quelque 1 300 adhérents d’ici au
13 août. Le seuil a été dépassé
par les trois candidats, à des de­
grés divers, que l’on peut lire
comme un état des forces en pré­
sence. Christian Jacob revendique

122 parlementaires et 10 500 ad­
hérents, Guillaume Larrivé dix
parlementaires et 3 159 adhérents,
Julien Aubert 15 parlementaires et
4 651 adhérents. Des chiffres sus­
ceptibles d’être corrigés à la
marge par la haute autorité, qui
vérifiera notamment les cotisa­
tions des adhérents.

Suppression de la primaire
Deux rendez­vous de rentrée
verront affluer les trois dépu­
tés : l’université d’été organisée
à La Baule par la fédération de
Loire­Atlantique, le 31 août, où
chacun prononcera un discours,
puis, les 7 et 8 septembre, le
campus des Jeunes LR au Tou­

quet, auquel Julien Aubert pré­
férera cependant l’université
d’été de son mouvement, Oser la
France, dans le Lubéron. Autour
du souverainiste gaulliste, l’es­
sayiste québécois Mathieu
Bock­Côté, la députée anti­PMA
exclue de LRM Agnès Thill, mais
aussi François­Xavier Bellamy,
tête de liste de LR aux européen­
nes, qui n’a accordé son parrai­
nage à personne, mais marque
là son « estime et son amitié » en­
vers le député, veut croire l’en­
tourage du candidat. « Julien
croit en sa victoire. Christian Ja­
cob est dans une position un peu
défensive, de rassemblement et
d’unité », explique un proche.

Pour Guillaume Larrivé, ancien
conseiller de Nicolas Sarkozy ré­
vélé au grand public pendant
l’affaire Benalla comme corap­
porteur de la commission d’en­
quête à l’Assemblée, il s’agit de
« transformer Les Républicains
maintenant pour gouverner la
France demain ».
Le conseiller d’Etat, auteur du li­
vre à charge Le Coup d’Etat Ma­
cron. Le prince contre la nation
(2018, Editions de l’Observatoire),
opposé à l’extension de la PMA, re­
fuse de laisser LR « devenir un club
nostalgique ou un petit parti de
protestation ». Il reprend en sep­
tembre un tour des fédérations,
passant par la Somme, Nice, Dijon,

Saint­Etienne et Châteauroux.
Plutôt que des meetings, il reven­
dique une « campagne de militant
parmi les militants, faite de conver­
sations », et promet à ces derniers
des référendums consultatifs ré­
guliers et la suppression de la pri­
maire, un point sur lequel les trois
candidats s’accordent.
Christian Jacob, fort du parrai­
nage de nombreux ténors à l’ex­
ception du président du Sénat,
Gérard Larcher, et du président
du groupe LR au Sénat, Bruno Re­
tailleau, promet pour sa part
« l’unité, loin des querelles person­
nelles dont nous sommes fati­
gués » en s’appuyant sur le
maillage territorial d’élus et la

majorité sénatoriale de la droite.
Le président du groupe LR à l’As­
semblée fera sa rentrée à Ville­
neuve­Loubet, le mardi 27 août,
avant d’accumuler les réunions
publiques notamment à Toul,
puis Bordeaux, où il rencontrera
Nicolas Florian, maire de la ville et
héritier d’Alain Juppé.
Contrairement à Julien Aubert,
qui assume de rénover le parti à
droite en abandonnant le centre,
le chiraquien veut le retour des
modérés démissionnaires. « La
maison leur sera grande ouverte »,
insiste le favori. D’ici là, faire tenir
les murs de l’édifice LR s’annonce
comme un travail à part entière.
j. ca.

Le premier ministre, Edouard Philippe, et le maire d’Angers, Christophe Béchu, le 27 octobre 2017, à Angers. SÉBASTIEN SALOM GOMIS/SIPA

Faute de bras
toujours ouverts
en face, l’élan
des maires
de droite vers la
majorité pourrait
bien faiblir

contribueraient à faire battre nos
candidats aux sénatoriales », a­t­il
dit au JDD début août.

La fin de la foire
Enfin, comme le soulignait L’Opi­
nion le 22 août, les maires de
droite Macron­compatibles sont
confrontés à un arc­en­ciel de la­
bels pour affirmer leur posture,
des étiquettes et identités parfois
surimposables. Le même jour que
les ateliers angevins de La Répu­
blique des maires, les élus de La
France audacieuse font leur ren­
trée à Nice sous le parrainage de
Christian Estrosi et du maire de
Toulouse Jean­Luc Moudenc. Dif­
férence notable, les deux hom­
mes sont pour l’heure encore
membres du parti Les Républi­
cains. Et le lendemain, la prési­
dente d’Ile­de­France et ex­LR Va­
lérie Pécresse, qui a elle aussi l’in­
tention de délivrer des labels aux
édiles, organise la rentrée de Li­
bres! à Brive­la­Gaillarde (Cor­
rèze). Sans doute faudra­t­il atten­
dre la fin de la foire pour compter
les étiquettes ou au moins noter
leur absence.
julie carriat
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