LeSoir - 2019-08-14

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MadMercredi 14 août 2019Page 7

SORTIES DE LA SEMAINE


cinémas


intéressant de travailler séparé-
ment car je me suis aperçue qu’ils
avaient chacun une perspective
différente. Ils n’ont eu qu’un jour
de répétition car Laia a été blo-
quée à Miami à cause des oura-
gans! Mais ça a marché. J’avais
vu Laia dans Victoria, et l’avais
adorée. Josh, je ne le connaissais
pas, et Gods & Countryn’était pas
encore sorti. Mais une audition a
suffi. Il avait la naïveté, un
charme profond mais innocent, et
en même temps, j’ai senti une
vraie maturité, et une ouverture,
le cœur sur la main. On le sent
sans idées préconçues, ouvert.
C’est pour ça que les spectatrices
l’adorent. Mais je crois que les
gens adorent le couple lui-même.

Votre caméra est très mobile,
au plus près des acteurs...
Je voulais un film poétique, atmo-
sphérique, intime. Et que les ac-
teurs puissent se sentir libres,
sans être tenus par des marques,
qui les distrairaient. Cela m’a per-
mis de les observer, de les accom-

pagner, un peu comme si je les ac-
compagnais à la maison et, sur
place, sentir qu’on ne devrait pas
être là. Cette caméra a permis une
vraie intimité.

Qu’avez-vous appris?
Faire un tel film est un combat.
J’espère qu’il suscitera les opi-
nions sur la manière dont on voit
la vie, sur ce qui peut arriver
quand ça ne correspond pas à ce
qu’on espère. Ce fut un vrai
voyage, enrichissant. C’est génial
de pouvoir communiquer ainsi ce
qu’on pense de la vie ; c’est ça, le
plaisir de la communication avec
les gens. Et de l’amour que le film
fait naître chez eux. Ça me rend
heureuse. J’espère que les gens en
sortiront, main dans la main.

Avez-vous un mentor?
Plein. Mais puisqu’on est en Bel-
gique, je dirais les frères Dar-
denne avec Rosetta. Quelle éner-
gie, quelle poésie! Ce voyage crû-
ment émotionnel... J’ai trouvé ça
fascinant. Avant eux, je n’avais
jamais vu un tel cinéma, « art-
house » mais unique.

Vos deux premiers
courts-métrages avaient été
remarqués en festival. Pourquoi
avoir attendu quinze ans pour
faire votre premier long?
Il faut trouver un financement, et
c’est très difficile. J’ai entre-temps
écrit et réalisé pour la télé. Heu-
reusement, les temps changent
pour les réalisatrices. Il faut être
au bon moment au bon endroit,
mais il faut aussi de la ténacité.
Au cours de l’Histoire, les génies
ont toujours été des hommes, et les
femmes sont restées dans l’ombre.
Je crois qu’on nous « autorise » à
présent plus à approcher du som-
met. Même si la méfiance sub-
siste : si une femme montre trop
ouvertement son insécurité – ce
qui est plutôt une qualité –, on
prendra encore ça pour un
manque de confiance en soi alors
que je crois sincèrement qu’on a
une vraie joie de s’exprimer, de
s’ouvrir au monde. Il n’y a pas si
longtemps, jusque dans les années
60, il n’était pas « normal »
qu’une femme travaille, ou qu’elle
s’éduque plus que ce qu’on esti-

mait bon ou assez pour elle. Je
crois qu’encore maintenant, in-
consciemment, des gens ne com-
prennent pas que les femmes sont
capables, de discuter, d’échanger,
de s’éduquer, et de réaliser!
Propos recueillis par
FABIENNE BRADFER

ux et celles qui n’ont


nventionnelle »


Comment garder le feu sacré de
l’amour quand la vie ne vous
donne pas ce que vous atten-
dez? C’est le pari d’Elena
(35 ans) et Jake (26 ans) qui se
rencontrent par hasard un soir de
Nouvel An, en se disputant un
taxi qu’ils finissent par partager.
Car rapidement, ils emménagent
ensemble et la question de fon-
der une famille – soutenue
d’abord par Jake – se pose, les
aléas de la vie aussi. On est
immédiatement en empathie
avec ces personnages traités de
façon adulte et avec tendresse
par l’Anglaise Harry Wootliff qui
défend à travers eux l’idée de
l’imperfection et de la marginali-
té. Des fêtes entre amis aux
rendez-vous pour une féconda-
tion médicalement assistée, on
glisse de l’amour au chagrin
d’amour, de la sensualité au
désenchantement, du rire aux
larmes avec, en fond musical,
« I Want You » d’Elvis Costello.
La chimie entre l’actrice espa-
gnole Laia Costa et le Britan-
nique Josh O’Connor opère
naturellement. Ils incarnent avec
une belle et douce intelligence,
abordant la différence d’âge,
l’infertilité, le sentiment de
culpabilité, la frustration et le
sentiment d’échec entre drame
et humour. La caméra mobile de
Harry Wootliff les suit au plus
près dans un Glasgow glamour,
nous invitant à vivre avec eux le
plaisir d’amour comme ses fis-
sures. Only You apporte un vent
frais à la comédie romantique.
On en sort avec l’envie d’aimer.
F.B.

la
critique ★
De James Bobin, avec Isabela Moner,
Michael Peña, Eva Longoria, Jeffrey
Wahlberg, Nicholas Coombe, Madeleine
Madden, 100 mn.
Un live action sur la célèbre série
animée Nickelodeon, Dora L’explo-
ratrice, n’était pas un pari gagné
d’avance. Isabela Moner, née en
2001, un an après le début de la
série, et bien en vue à Hollywood
grâce à ses apparitions dans
Transformers Last Knight, Sicario 2,
Apprentis parents, s’empare de ce
personnage à l’optimisme indé-
fectible pour des aventures à la
Indiana Jones et Jumanji et s’en
sort plutôt bien. L’enjeu du film :
garder les fondamentaux du per-
sonnage animé conçu pour un tout
jeune public et en donner une
version qui sort de la cour des
maternelles pour plaire aux jeunes
fans qui ont grandi. De fait, ado-
lescente, Dora quitte ses parents
(Michael Peña et Eva Longoria), la
jungle et le mystère de la Cité d’or
perdue pour entrer au lycée. Mais
son âme d’exploratrice ressurgit
quand elle doit voler à la res-
cousse de ses parents en danger.
Cela donne un film d’aventures
pour pré-ados avec une incursion
animée de la Dora d’origine. On
voit très bien pourquoi. James
Bobin (Les Muppets, le retour, Alice
de l’autre côté du miroir) muscle
mièvrement les aventures tout en
faisant bien attention de ne pas
trop effrayer son jeune public. En
résumé, le film à l’image du dessin
tout en rondeur de Dora arrondit
les angles. On est plus proche de
Chantal Goya que de Harry Potter.
Quant à l’animation du singe
Babouche et du renard Chipeur,
peut mieux faire. L’aventure est
cousue de fil blanc. Seuls les
moins de dix ans y trouveront leur
compte.
F.B.

Dora


et la cité perdue

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