Mélenchon était-il au Mexique
durant la session parlementaire
extraordinaire ?Le leader de LFI a
effectivement passé deux semaines au
Mexique en juillet, alors que le Parlement était convoqué pour une ses-
sion extraordinaire. Il s’y est notamment rendu pour rencontrer
le nouveau président, Andrés Manuel López Obrador. Un déplacement
reporté une première fois en décembre pendant la crise des gilets
jaunes. Lire la totalité de notre réponse sur notre site.PHOTO AFP
FRANCE
D
epuis le 17 juillet, un
vacarme incessant ré-
sonne à 200 mètres
à la ronde autour de l’hôtel
Ibis Clichy-Batignolles dans
le XVIIearrondissement de
Paris. Comme si l’on passait
la tête dans une machine à la-
ver. Ça débute au petit déjeu-
ner, dès 9 heures, et se ter-
mine au goûter, à 16 heures.
Devant l’entrée de l’hôtel,
une dizaine de femmes de
chambre sont en grève. Et
pour se faire entendre, elles
ont décidé de manifester en
tapant sur des casseroles et
des tambours.
Fatiguées. Cesfemmessont
employées par STN, un sous-
traitant du groupe Accor, qui
détientlachaîned’hôtelsIbis.
«Le cœur du métier, dans l’hô-
tellerie, c’est quand même les
chambres, non? Eh bien,
même ça, ils le sous-traitent»,
regrette Foued Slimani, délé-
guédusyndicatCGT-HPEqui
lesaccompagne.Leursreven-
dications tiennent en une
liste de 16 points, inscrits
sur une feuille de papier rose
qu’elles distribuent aux
clients de l’établissement.
Elles regrettent notamment
la cadencequi leur est impo-
sée. «On doit faire trois cham-
bres et demie en une heure.
Mais ce n’est plus possible de
tenir, on a mal partout. On
demande d’enlever la demi-
chambre, pour que l’on ne
fasse plus que trois chambres
par heure», explique Rachel,
45ans,employéedepuis
et payée 1300 euros net en
tant que gouvernante. Cha-
que jour, cette mère de cinq
enfants doit prendre les
transports en commun pen-
dant deux heures aller-retour
pour se rendre sur son lieu de
travail. «Le salaire ne suffit
pas, on fait plus d’heures mais
les heures supplémentaires ne
sont pas toujours payées», re-
grette-t-elle.
«On est fatiguées, on n’a pas de
pause. On a mal au dos, aux
bras, aux mains, les produits
nous brûlent la gorge. Pen-
dant la canicule, on ne nous a
même pas donné une bouteille
d’eau», ajoute Olga, 38 ans.
Elle est arrivée de république
démocratique du Congo il y a
quatre ans parce que, selon
elle, «en Afrique, il n’y a que de
la souffrance». C’est sa sœur,
déjà résidente en France, qui
lui a trouvé ce boulot. «Je ne
pensais pas que je retrouve-
rais de la souffrance ici, mais
ils nous prennent pour des
esclaves», reprend la salariée,
payée au smic. «Ce sont des
femmes, souvent d’Afrique de
l’Ouest ou du Maghreb, qui
sont parfois dans des situa-
tions compliquées et qui, pour
certaines, ne savent pas lire.
Elles sont prises à la gorge»,
expliqueFouedSlimani.Con-
tactés par Libération, ni la di-
rection de l’hôtel ni le groupe
Accor n’ont répondu.
Les femmes de chambre ré-
clament également le verse-
ment, par STN, d’une indem-
nité nourriture de 7,24 euros
par jour travaillé. Elles ont
reçu un courrier de leur em-
ployeur qui leur proposait
2 euros par jour, et une bois-
son gratuite au distributeur.
«C’est n’importe quoi, on se
moque de nous! C’est quoi
ça ?» peste Foued Slimani. Il
y a aussi dans leur liste des
combats plus anecdotiques
mais tout aussi symboliques
de leur besoin de reconnais-
sance, comme l’obtention
d’une tenue correcte et
adéquate payée par le sous-
traitant –aujourd’hui, elles
doivent composer avec ce
qu’elles ont dans leur garde-
robe. Ou l’installation d’une
pointeuse électronique afin
d’obtenir le décompte précis
de leurs heures.
Motif d’espoir. «Je sens
qu’on va gagner, dit Rachel, la
gouvernante. Même si on est
fatiguées, on ira jusqu’à ce
qu’on obtienne satisfaction.
Dans la vie, quand on lutte, il
faut tenir jusqu’au bout. Car
si on gagne, ils ne profiteront
plus de nous, ils verront qu’on
n’est plus naïves et qu’on peut
se battre, c’est ça qui nous
donne du courage.» Après
presque un mois de mobilisa-
tion, soutenues par la caisse
degrèvetenueparlesyndicat
CGT-HPE, elles n’envisagent
pas d’abandonner. «Jus-
qu’en 2021, comme elles le di-
sent entre elles», s’amuse le
délégué syndical. En réalité,
leur combat pourrait aboutir
bien avant. Plusieurs voisins
sesontdéjàplaintsdubruitet
ont envoyé des courriers à la
direction de l’hôtel pour faire
pression. «En face, il y a une
agence pôle emploi. Le direc-
teur est venu nous voir pour
nous dire qu’ils n’arrivaient
plus à travailler», explique
Rachel. Dans les immeubles
des alentours, d’autres ont
appelé la police. Elle s’est dé-
placée mais n’a fait que cons-
tater.
Un autre motif d’espoir pour
les femmes de chambre :
la CGT-HPE, qui les accom-
pagne dans cette lutte, n’a ja-
mais perdu la moindre grève.
«Avant d’organiser une mobi-
lisation, on s’assure de la mo-
tivation des salariés de l’hô-
tel», explique Foued Slimani.
L’organisation ne lance pas
de mobilisation si la moitié
des salariés, au moins, n’est
pas syndiquée. Adhérente ré-
cente, Olga conserve fière-
ment sa carte de la CGT dans
son portefeuille près de son
titre de séjour. Il faut savoir
être patient. L’an dernier, il
avait fallu 87 jours de grève
aux femmes de chambre du
palace parisien Park Hyatt
pour obtenir gain de cause.
«Ça ne nous fait pas peur»,
sourit Rachel.•
Femmes de chambre en grève chez Ibis:
«Ils nous prennent pour des esclaves»
Les salariées de
STN, sous-traitant
du groupe hôtelier
Accor, sont en grève
depuis le 17 juillet
à Paris. Elles
demandent la
réduction de leur
cadence de travail
et le paiement d’un
panier-repas.
Par
GURVAN
KRISTANADJAJA
Photo
DENIS ALLARD
Les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles manifestent pour l’amélioration de leurs conditions de travail, à Paris mardi.
«On est
fatiguées, on n’a
pas de pause.
Pendant la
canicule, on ne
nous a même
pas donné une
bouteille d’eau.»
Olga femme de chambre
16 u Libération Mercredi^14 et Jeudi^15 Août^2019