L’ÉVÉNEMENT
mercredi 14 août 2019 / La Marseillaise 3
ÉDITORIAL
Françoise Verna
Muscler
la prévention
France, Espagne, Grèce...
Chaque été, nombre de
pays européens doivent
faire face aux incendies.
C’est le cas encore cette
année où la situation est
aggravée par les effets de
la sécheresse. Ces jours-
ci, l’alerte est maximale
dans le sud de la France et
c’est une véritable armée
constituée de vigies et de
pompiers qui est sur le
pied de guerre. Pour la
première fois depuis 2017,
les massifs du Var sont en
risque incendie
« extrême » et ceux des
Bouches-du-Rhône sont
interdits au public.
La meilleure façon de
prévenir ce risque
majeur, en passe de
devenir récurrent et de
s’étendre du fait du
changement climatique,
est de mettre des moyens
conséquents en place.
La région Sud a connu ces
dernières décennies des
catastrophes majeures.
Une véritable philosophie
s’est mise en place : un feu
doit être très vite stoppé.
D’où des actions
préventives auprès du
public mais aussi des
actions permettant
d’établir des cartes
précises des lieux les plus
sensibles.
Services publics
en difficulté
Pour cela, toute une
chaîne de professionnels
est en place : de l’agent
de l’ONF en passant par
les météorologues et les
services incendie et de
secours des villes et des
départements. Or, ces
services publics sont en
grande difficulté. L’ONF
est quasi-moribonde ;
une situation
dangereuse pour la
gestion des forêts. Météo
France essuie aussi un
plan de réduction de ses
missions ancrées dans
les territoires. Quant aux
services d’incendie et de
secours, leur viabilité et
donc leur efficacité
reposent sur les moyens
des collectivités locales.
Or, sous la pression du
gouvernement Macron-
Philippe, elles doivent
économiser sur le
quinquennat 13 milliards
d’euros!
ENTRETIEN
Philippe Albert est ingénieur
prévisionniste spécialisé dans
les feux de forêt. Il travaille
pour Météo France Sud-Est
et est détaché au Centre zonal
opérationnel de crise (CeZOC)
à l’antenne de suivi des feux de
forêt pendant la période estivale.
La Marseillaise : Quel est votre rôle au
sein du CeZOC?
Philippe Albert : Mon rôle est d'aider les
pompiers à anticiper. La stratégie fran-
çaise de lutte contre les feux est de les étein-
dre dans les 10 minutes pour les empêcher
de s'étendre. Pour anticiper, il faut connaî-
tre les paramètres météo du lendemain et
mettre les pompiers le plus près possible
des zones à risque. Cette stratégie est née
ici.
Par quels moyens établissez-vous les
risques d’incendie?
P.A. : Je travaille avec le service de la sé-
curité civile et l’Office national des forêts
(ONF). L'élaboration du danger se fait par
le croisement entre les phénomènes mé-
téorologiques et la sensibilité des végé-
taux. Pour les paramètres météo, on étudie
la température et l'humidité de l'air, ainsi
que la vitesse du vent. Pour évaluer la sen-
sibilité des végétaux, on fait un suivi de
l'apport en eau des plantes et leur évapo-
transpiration. Les agents de l'ONF font
des relevés pour nous aider à caler ces cal-
culs théoriques au plus près de la réalité.
Ils font des prélèvements de la végétation
et suivent son état de stress en eau. On
croise leurs informations avec les phéno-
mènes météo puis on bâtit une carte des
dangers pour la végétation. À partir de
cette carte, la sécurité civile essaie de pré-
positionner ses moyens pour être présente
dans les fameuses 10 minutes.
Quels sont les nouveaux défis à
relever et les perspectives face à la
multiplication des incendies?
P.A. : On sait qu’avec l'évolution du climat,
de nombreuses régions françaises vont
connaître des niveaux de danger impor-
tants. Le défi est de profiter des 30 ans d'ex-
périence de la Provence et de l'étendre à
toute la France en éduquant les autorités
à prendre les mêmes décisions d'entretien,
en sensibilisant la population. Il faut for-
mer et organiser les pompiers, leur don-
ner les moyens dans ces régions-là de pou-
voir limiter les conséquences des feux de
la même façon qu'on sait le faire ici.
Le risque incendie va-t-il perdurer?
P.A. : On a toujours du mistral et de la tra-
montane donc les niveaux de danger sont
non négligeables pendant encore quelques
jours. Il y a aura toujours des petites po-
ches qui seront fortement menacées.
Propos recueillis par Emmanuelle Valenti
« Il faut éteindre les départs
de feu dans les dix minutes »
La stratégie de lutte contre les feux de forêt est née dans les Bouches-du-Rhône et est
reconnue internationalement. PHOTO DR
Le débroussaillement, un acte majeur
de lutte contre les incendies
ACTIONS
Le débroussaillement
est une obligation légale
définie par le Code
forestier. Il consiste
à réduire les végétaux
combustibles pour
diminuer l’intensité
des incendies et en
freiner la propagation.
L
e débroussaillement apporte
une aide considérable à la
protection et à la lutte contre
les incendies. L’arrêté préfec-
toral du 12 novembre 2014 pré-
cise les règles à respecter.
C’est dans ce cadre que le dé-
partement des Bouches-du-
Rhône a créé en 1974 des unités
de forestiers sapeurs. Ceux-ci
assurent le débroussaillement
des poudrières et des pistes
DFCI (Défense des forêts con-
tre les incendies) et réalisent
des opérations pilotes qui con-
sistent à ouvrir en milieu fores-
tier des pare-feu par broyage
mécanique.
Parallèlement à l’action du
Département, la majorité des
communes du territoire (82 sur
119) sont dotées d’un comité
communal feux de forêts (CCFF)
représentant 2 400 bénévoles
qui ont une grande connais-
sance du terrain. Ils sont re-
groupés au sein de l’associa-
tion départementale des CCFF
et des Réserves communales de
sécurité civile des Bouches-du-
Rhône.
Leur mission principale est
de faire de la prévention sur
leur territoire communal et
puis éventuellement s’entrai-
der dans ce travail avec les com-
munes limitrophes. « On a des
missions de prévention qui con-
sistent à l’information du pu-
blic. On a aussi des vigies qui
sont intégrées au dispositif de
prévention et d’alerte », expli-
que Jean-Louis Jauffret, prési-
dent de l’association.
Ces obligations s’appliquent
également aux particuliers.
Chaque propriétaire concerné
est chargé des travaux. Le con-
trôle de leur exécution est as-
suré, en premier lieu, par le
maire de la commune, qui peut
effectuer les travaux aux frais
du propriétaire si ce dernier ne
les fait pas.
M.C.
Les forestiers sapeurs réalisent
environ 2 200 hectares
de travaux. PHOTO DR
mercredi 14 et jeudi 15 août 2019