L’OF F IC I E L CINÉMA
Photo Andrew Cooper/CTMG 2018
superflus, les réactions des spectateurs de la salle, sur
l’écran on projette “sa performance” : celle de la vraie
Sharon Tate qui donne la réplique à Dino. Au-delà de
l’aspect vertigineux de cette mise en abîme, la scène
prouve que l’actrice pourrait donc bien croiser ce loser
de Rick Dalton : après tout, avant de croiser Polanski,
elle a débuté dans ce genre de divertissements suran-
nés que Rick enchaîne de façon alimentaire.
LE DRIVE-IN VAN NUYS
Plus au nord, les chances d’une rencontre s’ame-
nuisent ; la ville y montre sa part d’ombre. C’est là
qu’habite Cliff Booth, dans une caravane pourrie der-
rière l’écran géant du Van Nuys Drive-In. Au temps
de sa gloire, l’endroit, ouvert en 1948 sur Roscoe
Boulevard, pouvait accueillir un millier de voitures.
Quand il fut démoli, à la fin des années 1990, c’était
le dernier drive-in de la vallée. Quant à Cliff, comme
souvent, il s’en fiche. Il préfère regarder la télé, qu’il
ne prend même pas la peine d’éteindre quand il s’en
va : le symbole d’une industrie du divertissement
qui, pour un Tarantino plus lucide que nostalgique,
tourne à vide, dans un bruit assourdissement de
réclames publicitaires et de tubes du moment (Simon
& Garfunkel, Deep Purple...). Derrière son sourire,
Cliff est aussi un peu inquiétant. Une rumeur court
même sur son implication dans la mort de sa femme,
une référence directe à celle de Natalie Wood et aux
suspicions qui planent toujours sur son ex-époux,
Robert Wagner.
nez à nez avec des hippies pas du tout flower power,
aux ordres d’un leader, chanteur raté mais vrai proxé-
nète, mû par sa haine contre le monde des nantis en
général, et contre le producteur Terry Melcher (fils
de Doris Day) en particulier, qui lui aurait promis un
contrat discographique. À moitié en ruine, le Spahn
Ranch présente naturellement une atmosphère de
western : silence lourd, buissons secs balayés par le
vent et une poignée d’habitants qui voient arriver
d’un mauvais œil l’étranger, qui plus est s’il appartient
au show-business. De quoi, pour Tarantino, réussir
une magistrale scène de tension.
CINECITTÀ
Au-delà des collines de Hollywood, il y a peut-être
encore un avenir pour Rick Dalton. Encore faut-il
qu’il l’accepte. Car, encore davantage que les hippies,
l’acteur, plutôt conservateur, a horreur des westerns
spaghetti. Pourtant, selon l’agent Marvin Schwarz (un
Al Pacino très goguenard), c’est pour lui la dernière
chance : partir cachetonner à Rome dans les studios
italiens de Cinecittà. Là, Tarantino, plus scorsesien
que jamais, fait raisonner The Rolling Stones dans
la B.O. : “Baby, baby, you’re out of time.” Il jongle bien
sûr avec l’idée de célébrité en faisant jouer ces deux
losers par deux superstars (DiCaprio et Brad Pitt)
au faîte de leur gloire. En miroir de son propre film,
le cinéaste, à 56 ans, se questionne lui aussi sur sa
place aujourd’hui, et sur son obsolescence dans un
monde qui change. L’anxiété de cet auteur qui ne
C’est là, au Spahn Ranch à Chatsworth, un district de Los Angeles dans la vallée de
San Fernando, que se trouve le repaire de la “famille” : le gourou Charles Manson et sa
secte de jeunes filles embrigadées dans une folie meurtrière qui culminera le 8 août 1969.
Page de droite,
Margot Robbie dans le rôle de
Sharon Tate.Pages précé-
dentes, Leonardo DiCaprio joue
Rick Dalton, acteur de série B
fictif.
LE SPAHN RANCH
Encore plus au nord, il faudrait carrément son-
ger à faire demi-tour... C’est là, au Spahn Ranch
à Chatsworth, un district de Los Angeles dans la
vallée de San Fernando, que se trouve le repaire de
la “famille” : le gourou Charles Manson (incarné
par Damon Herriman) et sa secte de jeunes filles
(jouées notamment par Lena Dunham et Dakota
Fanning) embrigadées dans une folie meurtrière
qui culminera le 8 août 1969, au 10050 Cielo Drive.
Aussi appelé Spahn Movie Ranch (aujourd’hui parc
naturel protégé), l’endroit a accueilli de nombreux
tournages de westerns. Cliff, lorsqu’il a la mauvaise
idée de ramener une Manson’s girl chez elle, connaît
donc l’adresse : il y a longtemps tourné ses cascades.
À défaut d’y rencontrer Sharon Tate, il va se trouver
voudrait surtout pas faire le film de trop est palpable.
Il parsème son nouveau et neuvième long-métrage de
discussions à propos des célébrités dont le comporte-
ment par le passé est désormais inacceptable, de riva-
lité toujours plus sanglante entre grand et petit écran,
du besoin de continuer à produire coûte que coûte
des programmes de divertissement, quitte à tourner
n’importe quoi, n’importe comment, ou encore de
jeunes qui ne sont plus du tout en phase avec le monde
de leurs parents, et inversement. Once Upon a Time...
in Hollywood est grand parce qu’il parle autant de 2019
que de 1969.
“Once upOn a time... in HOllywOOd”, de Quentin
tarantinO, avec leOnardO dicapriO, Brad pitt, margOt
rOBBie, al pacinO... SOrtie le 14 aOût.