L’Officiel Paris N°1036 – Août 2019

(Darren Dugan) #1
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RENCONTRE L’OF F IC I E L

Passer de vos collections mascu-
lines Botter à la maison ultra-fémi-
nine Nina Ricci a-t-il été difficile?
Lisi Herrebrugh : Le passage à la
mode féminine s’est fait de manière
tout à fait organique. Il s’agit de défi-
nir une élégance moderne, avec des
lignes simples et structurées. En ce
qui concerne la féminité, ce n’était pas
vraiment un défi car nous abordons
Botter de manière très fluide. Je pense
que ce que nous essayons de faire
est de donner à Nina Ricci une nou-
velle fluidité, de la sortir de ce senti-
ment bourgeois et de lui donner une
empreinte plus réelle et quotidienne.
Les femmes doivent faire beaucoup de
choses au cours de la journée : aller au
travail, avoir des activités, se dépla-
cer... Traverser cette journée, c’est ce
défi que nous avons en tête lorsque
nous concevons nos collections chez
Nina Ricci.
Que souhaitez-vous ajouter à l’uni-
vers de Nina Ricci?
Rushemy Botter : Nous voulons
apporter une certaine énergie avec plus
de caractère et de personnalité. La
femme Nina Ricci est une fille extra-
vertie, pas audacieuse mais avec une
personnalité perceptible par les autres.
Il existe plein de façons de mettre cela
en avant. Nina Ricci possède un très
bel héritage. Le nom est jeune, frais et
énergique. Il existe également un lien
naturel avec ce que nous faisons chez
Botter : le sens des couleurs, la robus-
tesse des constructions techniques,
les techniques de broderie à la main,
les traitements des tissus, etc. Tout en
gardant cela à l’esprit, nous voulions
apporter plus d’attitude et de netteté
dans les coupes et l’allure.
Vous avez créé la surprise avec un
premier défilé très couture pendant
la fashion week de mars dernier,
parlez-nous de cette collection...
Lisi : Nous avons parcouru les
archives et avons été particulièrement
intéressés par l’atmosphère autour du
nom Nina Ricci. Les pièces les plus
inspirantes étaient celles de la couture :
les plus élaborées et sculpturales. Nous
avons voulu recréer à notre manière la

“En regardant les archives, nous avons aussi été inspirés
par les maillots de bain et cette image d’une femme dans

le sable avec un maillot brillant sous un parasol.”
Rushemy Botter

fluidité de la marque. Cette nouvelle
collection est à l’image du mouvement
arte povera, elle est un mélange de
deux courants : Nina Ricci est l’élé-
ment “luxueux” et nous, l’élément
“pauv re”.
Rushemy : En regardant les archives,
nous avons aussi été inspirés par les
maillots de bain et cette image d’une
femme dans le sable avec un maillot
brillant sous un parasol. Du sable au
parasol, chaque élément a attiré notre
attention. Voilà notre envie : rendre le
quotidien désirable. Nous imaginons
une femme forte qui peut faire partie
de différents mondes. Peut-être a-t-elle
grandi dans la classe moyenne fran-
çaise mais elle évolue désormais parmi
les plus riches et reste à l’aise dans les
deux mondes, avec une vraie débrouil-
lardise. Sincère et très active, elle vit et
dit les choses telles qu’elles sont.
Qui est votre muse?
Lisi : Nous n’avons pas de muse spé-
cifique. Cependant, nous aimons les
beautés inhabituelles, nous avons ten-
dance à penser en termes d’attitudes.
Rushemy : Oui, c’est davantage une
histoire de personnalité et de qualités
humaines. Nous aimons la rugosité,
l’imperfection, l’émotion. La beauté,
c’est aussi la façon dont quelqu’un
s’adresse aux autres. Pour Nina Ricci
et cette collection, plutôt qu’une muse,
c’est une émotion qui nous a inspirés.
Parlez-nous de votre utilisation des
couleurs et dans cette collection en
particulier...

Lisi : Pour nous, la couleur apporte
de l’émotion. Cela crée une atmos-
phère qui nous rappelle les Caraïbes.
Nous avons grandi avec des couleurs
partout. Nous sommes intéressés par
la façon dont les couleurs vivent selon
l’endroit où elles sont portées.
Vous êtes un couple dans la vie et
au travail, comment fonctionnez-
vous, qui fait quoi?
Rushemy : Nous sommes très com-
plémentaires. J’ai l’habitude de dessi-
ner. Lisi reprend mes esquisses. C’est
une discussion permanente. Ensemble,
nous essayons de repousser les limites
du style et de la technique pour créer
une vision unique.
La mode est plus que jamais enga-
gée, parlez-nous de votre approche
du recyclage avec votre marque
Bot ter...
Lisi : Notre marque étant petite,
nous nous engageons dans la voie de la
durabilité. Le plus important est d’es-
sayer de réaliser nos vêtements avec
le moins de déchets possibles, on fait
donc très attention à la coupe. Nous
essayons également de réaliser une
mode qui peut être portée longtemps,
qui ne s’inscrit pas dans des histoires
de tendances, qui a de multiples fonc-
tions, que vous pouvez porter de diffé-
rentes façons, été comme hiver. Il n’est
pas question de saison. Nos emballages
sont biodégradables. Enfin, nous pre-
nons la parole, nous disons ce que nous
pensons, c’est aussi une manière d’être
durable.
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