L’Officiel Paris N°1036 – Août 2019

(Darren Dugan) #1

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Photo Douglas Friedman

L’OF F IC I E L STYLE


De son royaume new-yorkais au
nouveau flagship Michael Kors
Collection d’Old Bond Street
à Londres, le plus optimiste
des designers cultive son
“way of life”. Rencontre.


Bienvenue


chez Michael


Par Mathilde Berthier


Costume noir croisé, mocas-
sins à boucle, lunettes d’avia-
teur..., Michael Kors se tient
sur le perron de sa nouvelle
boutique de Londres comme
il se tiendrait sur celui de
sa propre maison, outre-
Atlantique. Chaleureux,
généreux, bavard... : les
qualités pleuvent de facto
quand on parle d’un empe-
reur de la mode. La réalité
les confirme parfois. Et on
l’en remercie. Une légende
raconte que les gens qui ont
réussi ne descendent plus
de leur tour d’argent après
y être montés... Elle a tort.
Ou bien Michael Kors serait
la Raiponce de la mode.
Son sens de l’accueil, par
exemple, ne s’invente pas.
Son envie de partager non
plus.
“Bienvenue à la maison !”,
a-t-il lancé le 9 mai der-
nier à Kate Moss, Isabelle
Huppert et Naomie Harris
venues fêter l’ouverture du
9 Old Bond Street. Arrivé de
New York le matin même, le
designer avait d’abord fait un
crochet par la Central Saint
Martins pour y partager
son expérience avec quelque
cinq-cents étudiants, qui en
cotte de maille, qui en fripe
à fleurettes, qui en maillot de
foot... Ceux-là pour qui la


mode est encore un jeu, une
expérimentation du goût,
bon ou mauvais : “Les gens de
la mode ne doivent pas perdre
leur âme d’enfant. Je pense
souvent à ceux qui ont l’obli-
gation de faire, chaque jour,
quelque chose qu’ils n’aiment
pas. Quand je travaille, j’ai
conscience de la chance que
j’ai”, confie le créateur. Ses
collections s’en ressentent.
Et ce, aujourd’hui comme
hier.

La bannière du glamour
Quand il débarque à New
York dans les années 1970,
inconnu, ambitieux, Michael
Kors choisit très vite le
camp des hédonistes : “À
l’époque, la ville était en crise,
dangereuse voire effrayante.
En réaction, les créateurs ont
atteint des sommets d’opti-
misme. En donnant de la
confiance et en sentant qu’ils
livraient une sorte de bataille
sous la bannière du glamour,
ils se forgeaient une échappa-
toire.” Le vêtement comme
fer de lance. Qu’on lui pose
toutes les questions du
monde, politiques ou non,
Michael Kors répond tou-
jours par la mode : pourquoi,
par exemple, avoir choisi la
Grande-Bretagne pour le
lancement, en Europe, de

son nouveau concept de bou-
tique? Dans un monde en
crise, la sérotonine est son
business. Ainsi, son défilé
automne-hiver 2019/20, le
13 février dernier à New
York, voyait danser des pail-
lettes sur du Barry Manilow
live... À l’heure où la mode
sert à bien d’autres choses,
l’Américain se porte garant
d’une démarche séculaire,
liée, in fine, à la haute cou-
ture : faire rêver, procurer de
la joie.

Le luxe quotidien
Lui qui déplore
aujourd’hui des flagships
“trop cliniques et aseptisés”
a pensé ce vaisseau ami-
ral londonien dans l’esprit
de ses propres demeures,
à New York et en Floride :
“Quand les gens dépensent
une certaine somme d’argent
pour un produit de luxe, ils ne
veulent pas se sentir oppressés
dans leur expérience shopping.
Cet esprit résidentiel, comme
à la maison, nous allons le
décliner. Pas forcément dans
une demeure de style géorgien
comme ici, à Londres, mais
dans d’autres styles.” Ainsi
voué à se déployer partout
dans le monde, le concept
s’appuie sur l’idée, chère à
Michael Kors, d’un “luxe

quotidien” : “Le luxe est bien
plus relax aujourd’hui qu’il ne
l’était par le passé. La mode,
ce n’est pas que des robes du
soir comme dans Le Diable
s’habille en Prada. Les gens
aiment le casual : voilà la
réalité !”
Ainsi, les sofas en shear-
ling se substituent aux
classiques banquettes en
cuir, le jonc de mer habille le
sol du salon VIP au qua-
trième niveau, le bois et le
marbre doré de Calacatta
se donnent le change du sol
au plafond. Comme chez le
créateur himself, la pivoine
est partout, au premier étage
où se déploie le prêt-à-porter
féminin, au deuxième, dédié
à la ligne homme de Michael
Kors Collection. À chaque
niveau, des loggias typique-
ment londoniennes laissent
entrer la lumière. Luxe,
calme et volupté : le trium-
virat baudelairien renvoie
aux aspirations d’un homme
en connexion : “Libérer son
esprit, prendre du temps pour
soi... Voilà ce à quoi j’aspire.
Je pense que tout le monde
devrait, de temps à autre, cou-
per son téléphone. Quand nous
rentrons dans notre maison de
campagne, avec mon époux,
c’est la première chose que nous
faisons.”
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