VENDREDI 9 AOÛT 2019 france | 9
Copropriétés : une réforme laborieuse
Une ordonnance est attendue sous peu pour simplifier la prise de décision entre copropriétaires
L
e calendrier se resserre
pour le gouvernement qui
doit, avant le 23 novem
bre, publier une ordon
nance réformant la copropriété en
vertu de la loi évolution du loge
ment, de l’aménagement et du nu
mérique (ELAN), du 23 novem
bre 2018, qui l’habilitait à légiférer
sur ce point dans un délai d’un an.
Le régime de la copropriété
s’applique à près de dix millions
de logements, dans 380 000 im
meubles et, parce qu’il s’est con
sidérablement alourdi au fil des
réformes depuis sa création
en 1965 – en particulier avec la loi
pour l’accès au logement et un
urbanisme rénové (ALUR) du
24 mars 2014 –, il mérite d’être
simplifié.
La future ordonnance veut no
tamment améliorer la gouver
nance et la prise de décision en as
semblée générale pour encoura
ger les copropriétaires à se lancer
dans des travaux d’économie
d’énergie. Elle ambitionne de re
vivifier cette mini démocratie di
recte en luttant, par exemple,
contre l’absentéisme à des réu
nions souvent interminables et
conflictuelles. Dès sa publication,
la loi doit être ratifiée par les par
lementaires dans les trois mois,
pour une application à partir du
1 er juin 2020.
Une seconde ordonnance doit,
elle, être publiée dans les deux
ans, donc d’ici au 23 novem
bre 2020. Elle créera un code de la
copropriété regroupant tous les
textes, pour une meilleure lisibi
lité d’un droit devenu touffu.
Au cours de la discussion, les sé
nateurs ont déploré le recours
aux ordonnances, qui, contraire
ment à une loi en bonne et due
forme, privent les parlementaires
d’un débat approfondi sur ce su
jet sensible et grand public.
Un texte moins ambitieux
Le Conseil national de la transac
tion et de la gestion immobiliè
res (CNTGI), qui réunit organisa
tions professionnelles et de con
sommateurs et est présidé par le
juriste Hugues PérinetMarquet,
a mené la concertation sur la pre
mière ordonnance. Le ministère
de la justice, compétent en ma
tière de copropriété, promet un
projet d’ordonnance pour la mi
août, voire le début du mois de
septembre.
Au fil des discussions, de plus
en plus techniques, la réforme
semble cependant perdre en am
bition. Une des pistes est de créer
un régime allégé pour les petites
copropriétés. Certaines décisions
seraient légalement valables
même si elles étaient prises au
cours de réunions informelles
- c’estàdire hors assemblée gé
nérale dûment convoquée dans
des délais et avec ordre du jour
stricts –, mais à condition que
tous les copropriétaires soient
présents et les approuvent. « Si
tout le monde est d’accord, le ris
que de contestation a posteriori
est faible. Je ne vois pas l’intérêt de
cette mesure », critique Emile Ha
gège, de l’Association des respon
sables de copropriétés (ARC).
Reste ensuite à définir ce qu’est
« une petite copropriété » et là, les
avis divergent. La Fédération na
tionale de l’immobilier (Fnaim),
qui représente les syndics profes
sionnels, voudrait cantonner le
régime allégé aux immeubles de
cinq appartements ou moins ; les
associations comme Consom
mation logement cadre de vie
(CLCV) voudraient l’appliquer
aussi à tous les immeubles,
quelle que soit leur taille, gérés
par un syndic bénévole (23 000)
ou sans syndic (60 000), soit 22 %
du parc. La Fnaim y est, bien sûr,
opposée, car le régime allégé
constituerait alors un argument
de plus en faveur de l’autoges
tion des immeubles par leurs co
propriétaires plutôt que par un
syndic professionnel.
Plan pluriannuel de travaux
Pour les grandes copropriétés de
plus de 200 lots, l’idée avait
germé de créer un super conseil
syndical aux pouvoirs étendus et
fonctionnant comme un conseil
d’administration de société, avec
le risque de déposséder les co
propriétaires de leur pouvoir de
décision.
Le projet d’ordonnance ne re
prendrait pas cette idée décoif
fante venue du Groupe de recher
ches en copropriété (Grecco) réu
nissant des juristes dont M. Péri
netMarquet, mais proposerait
un mode de gestion permettant
la délégation à ce conseil syndi
cal de missions bien cadrées.
Les impayés
étant la plaie
des copropriétés,
la mensualisation
des charges
deviendrait
la norme
J U S T I C E
Mort du maire de
Signes : la thèse de
l’accident privilégiée
Le conducteur de la camion
nette qui a mortellement ren
versé le maire de Signes (Var),
venu le verbaliser pour un
dépôt de gravats dans une dé
charge sauvage, a été mis en
examen mercredi 7 août pour
« homicide involontaire ». Ce
maçon de 23 ans a été remis
en liberté et placé sous con
trôle judiciaire. Le deuxième
occupant du véhicule, un ap
prenti de 20 ans, avait été li
béré la veille. Selon les pre
miers éléments de l’enquête,
la mort du maire de Signes,
JeanMathieu Michel, 76 ans,
est accidentelle. Le conduc
teur n’a aucun antécédent ju
diciaire. Il est « effondré et
bouleversé » selon son avocat,
Me Julien Gautier. – (AFP.)
Huit ans de prison
pour une mère
de retour de Syrie
Rajae Moujahid, une mère
de famille de 37 ans qui a sé
journé pendant neuf mois
en Syrie en 2017 avec ses trois
jeunes enfants âgés de 5, 7 et
9 ans, a été condamnée mer
credi 7 août à Paris à huit ans
d’emprisonnement, avec une
période de sûreté des deux
tiers, pour « association de
malfaiteurs à visée terroriste »
et « soustraction d’enfants ».
Elle avait quitté son domicile
d’Antibes (AlpesMaritimes)
pour rejoindre un « combat
tant » qu’elle a épousé en Sy
rie. Le tribunal a estimé que
la peine prononcée, supé
rieure aux réquisitions du
parquet, est la « seule adap
tée » au comportement de la
prévenue et à sa « dénégation
absolue des faits ». – (AFP.)
Le parquet de Paris s’oppose à la remise
en liberté d’un militant antifasciste
Mis en examen depuis avril pour « violences en réunion » et « vol avec
violences », Antonin Bernanos est soupçonné d’avoir participé à une rixe
D
epuis trois mois et demi,
Antonin Bernanos dort
en prison. Le militant an
tifasciste âgé de 25 ans, étudiant
en sociologie, a été interpellé
lundi 15 avril. Maintenu en déten
tion provisoire, Antonin Berna
nos réclame sa remise en liberté.
Le 2 août, lors d’une audience à
huis clos, le juge des libertés et de
la détention (JLD) a décidé de ne
pas renouveler le mandat de dé
pôt le concernant, qui expire le
17 août et de placer l’arrièrepetit
fils de l’écrivain Georges Berna
nos sous bracelet électronique à
sa sortie de prison. S’opposant à
cette décision de remise en liberté
du jeune homme, le ministère pu
blic a fait appel, mardi 6 août.
Les faits qui lui sont reprochés
remontent à la soirée du 15 avril,
tandis que NotreDame de Paris
est la proie des flammes. Antonin
Bernanos compte au nombre des
curieux qui avec des amis, dans le
quartier SaintMichel juste en
face de l’édifice, assistent à l’em
brasement du monument.
Au cours de la soirée, le groupe
croise des militants d’extrême
droite ; une bagarre les oppose.
Interpellé dans la foulée, Anto
nin Bernanos est placé en garde à
vue puis mis en examen pour
« violences en réunion n’ayant
pas entraîné d’incapacité » et
« vol avec violences ayant en
traîné une incapacité supérieure
à huit jours ». Blessé, un des iden
titaires a déposé plainte – ce qui
est rare dans des affrontements
impliquant ces mouvances. Des
effets personnels auraient, en
outre, disparu au cours de la
confrontation.
Sur les réseaux sociaux, les sou
tiens d’Antonin Bernanos quali
fient le recours du parquet de
Paris sur la demande de remise
en liberté du jeune homme
d’« acharnement ». Au moment
des faits qui lui sont reprochés, le
militant antifasciste finissait de
purger une peine à laquelle il
avait été condamné dans une
précédente affaire : celle dite du
« quai de Valmy ».
Le 18 mai 2016, en marge d’une
manifestation sauvage à laquelle
Antonin Bernanos avait reconnu
avoir participé, des policiers
avaient été agressés et leur voi
ture incendiée dans le 10e arron
dissement de Paris, le long du ca
nal SaintMartin. Lors du procès,
considérant la défense du mili
tant comme « émaillée de men
songes », le ministère public avait
accusé celuici d’avoir frappé à
visage dissimulé un policier à l’in
térieur de la voiture.
« Un choix politique »
Antonin Bernanos avait été con
damné à cinq ans d’emprisonne
ment, dont deux avec sursis.
« Nous considérons que ce juge
ment n’est pas totalement juridi
que et que les principes du droit
n’ont pas été totalement respec
tés », avait alors déclaré son avo
cat, Me Arié Alimi. Libéré en 2018
grâce à des aménagements de
peine, Antonin Bernanos avait
terminé sa période de liberté
conditionnelle le 10 avril – cinq
jours seulement avant la rixe qui
lui vaut d’être de nouveau pour
suivi. Il avait toujours nié avoir
participé aux violences lors de la
manifestation de 2016 ; il réfute
aujourd’hui être impliqué dans la
rixe du 15 avril.
Me Arié Alimi dénonce un dos
sier « un peu léger » et « un choix
politique fait par le parquet »,
soulignant qu’Antonin Bernanos
est le seul mis en cause à avoir été
placé en détention provisoire.
Dans le cadre de l’information
judiciaire en cours, quatre autres
personnes ont été mises en exa
men mais elles ont toutes été pla
cées sous contrôle judiciaire,
échappant ainsi à la prison.
D’abord incarcéré au centre
pénitentiaire de Fresnes, Anto
nin Bernanos a été transféré à la
prison de la Santé à Paris ; un
transfert dont les conditions ont
été dénoncées par ses soutiens :
« Antonin est tenu loin de ses pro
ches, qui ne peuvent toujours pas
le voir et son courrier transite de
manière aléatoire », affirmait,
mijuillet sur Facebook, le collec
tif Libéronsles.
C’est à la chambre de l’instruc
tion de la cour d’appel de Paris
qu’il revient désormais de sta
tuer sur la mise en liberté d’Anto
nin Bernanos. Elle devrait exami
ner le dossier le 12 août. Si la cour
ne rend pas son jugement avant
le 17 août, date de l’expiration du
mandat de dépôt, Antonin Ber
nanos devra être remis en liberté
ce jourlà. L’appel du parquet in
terjeté contre l’ordonnance du
JLD, ne suspend pas la décision
du juge.
léa sanchez
Antonin
Bernanos avait
été condamné
à cinq ans de
prison à la suite
de l’agression de
policiers en juin
2016, à Paris
Plus audacieuse encore est
l’idée de doter toutes les copro
priétés d’un plan pluriannuel de
travaux chiffré avec l’obligation,
pour les copropriétaires, de pro
visionner chaque année au
moins 2,5 % de son montant. « Il y
a deux avancées, commente
Emile Hagège. Le “fonds travaux”
actuel, de 5 % du budget de fonc
tionnement qui peut, luimême,
être très faible, ne rime à rien et on
se baserait désormais sur une en
veloppe de travaux plus réaliste ;
ce fonds ne pourrait être mobilisé
que pour les travaux prévus, pas
pour renflouer la trésorerie ou
changer les boîtes aux lettres. »
Reste à trouver les experts com
pétents pour l’établissement de
ces programmes de travaux et de
quoi les rétribuer...
Les impayés étant la plaie des
copropriétés, la mensualisation
des charges deviendrait la norme
pour en faciliter le paiement. En
fin, avec chaque proposition de
travaux, le syndic présenterait
un plan de financement mobili
sant les réserves, précisant les
subventions possibles et envisa
geant d’éventuels prêts à la co
propriété.
Les services des deux ministè
res concernés, justice et loge
ment, travaillent donc d’arrache
pied pour être dans les temps,
mais les organisations de con
sommateurs rappellent que le
décret en vertu de la loi ALUR pla
fonnant les honoraires des syn
dics et attendu depuis cinq ans
n’est toujours pas paru...
isabelle reylefebvre
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Immeubles sont en copropriété en France
Depuis l’instauration du registre des copropriétés (registre-coproprie-
tes.gouv.fr) et leur immatriculation obligatoire à partir du 1er janvier,
les statistiques deviennent précises. Parmi les immeubles en copro-
priété, 36,4 %, soit 137 664, comptent moins de dix lots principaux
(hors caves et parkings) ; 49,7 %, soit 187 908, comptent de 11 à
49 lots ; 13 % (49 235) de 50 à 199 lots ; et seuls 3 184 immeubles
comptent plus de 200 lots. 78 % des immeubles en copropriété, soit
295 553, sont gérés par un professionnel, mais seulement 67 % des
bâtiments de moins de dix lots.
imagine 4-7octobre 2019
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