Temps - 2019-08-10-11

(Grace) #1

UN TRAITEUR OPTIMISTE


SUR UN CATAMARAN


n’y fait, Marc Audibert s’accroche et décroche au
culot une place au Petit Nice Passedat, temple gas-
tronomique marseillais. A 14 ans, il rentre dans le
monde exigeant et opaque des grandes cuisines
françaises. «Ce fut une période très éprouvante. Il
fallait que je me défende tous les jours. Il faut dire
aussi que j’étais une sacrée grande gueule», conti-
nue le chef qui va enchaîner les emplois dans des
établissements prestigieux. Direction Les Fermes
de Marie, à Megève, les cuisines doublement étoi-
lées du chef Edouard Loubet à Lourmarin où il
côtoie un certain Jean Sulpice. Il change sa casse-
role d’épaule et bifurque vers la galaxie d’Alain
Ducasse. A Monaco, à Gstaad et à Paris sous l’in-
fluence de cuisiniers comme Arnaud Donckele,
Pascal Bardet ou encore Sylvain Etievant. Avec une
dizaine d’étoiles Michelin dans son bagage, il conti-
nue sur sa lancée au niveau international en partant
aux Etats-Unis, en Ecosse et à Londres.

MINI-CUISINE
L’idée de devenir traiteur voit le jour dans la capi-
tale anglaise où Marc Audibert développe un
réseau important de clients privés. Il plante fina-
lement le décor dans la campagne genevoise en
tant que cuisinier privé. Pour la première fois de
sa vie, cet enfant des cités se pose enfin dans cette
Suisse qui le séduit immédiatement. La voie de
l’entreprise lui tend les bras. A l’aube de sa qua-
rantaine, il se jette dans le bain avec une table
d’hôtes les pieds dans l’eau, puis une autre au sein
d’un château avant de régaler une clientèle privée
avide de nouvelles sensations. «Le catamaran est
ma dernière trouvaille. J’aime le lac, autant pour
sa beauté que pour ses produits. Il est important
de mettre en avant les écrevisses ou la féra, mais
sans non plus oublier le reste.»
Malgré la grandeur du bateau, voir le chef à
l’œuvre dans une cuisine de 3 mètres carrés est
toujours un spectacle impressionnant. On
contemple la mise en place d’un carpaccio de
Saint-Jacques mariné aux agrumes et sa tartelette
de piperade, crémeux de citron vert, le tout fumé
au bois de hêtre. Dans cet espace réduit où la
moindre maladresse serait fatale, chaque ustensile
occupe sa place. La bonne utilisation de l’eau et
de l’électricité est également capitale pour éviter
le gaspillage. Les conditions de travail sont
intenses mais correspondent à la personnalité
vagabonde du chef. «Je suis traiteur aujourd’hui
parce que je ne veux pas avoir de limites. Les murs
d’une cuisine de restaurant m’auraient enfermé.
J’ai besoin de bouger.»

ACCORD MER ET TERRE
Le repas se poursuit avec un concassé de légumes
d’été qui vient escorter une ballottine de poulet
farcie aux écrevisses rehaussée d’une bisque de
langoustine. Un accord mer et terre que Marc Audi-
bert affectionne tout particulièrement. «Je m’ef-
force d’adapter mon décor en fonction de l’envi-
ronnement et de personnaliser les menus selon les
désirs du client.» Avec cinq cabines à son bord pour
une capacité de dix convives, le traiteur voyageur
propose des déjeuners, des dîners et des croisières
gastronomiques en mettant en avant le patrimoine
culinaire des cantons avoisinants.
C’est avec une pêche rôtie caramélisée au thym,
à la cannelle et son pain perdu que s’annonce la fin
de l’aventure. Une conclusion exquise partagée avec
un homme qui se réalise «en eau douce». Malgré
un degré d’incertitude élevé lié à son métier, Marc
Audibert reste confiant. «Dans ce métier, nous
partons de zéro et à chaque service, c’est un démé-
nagement. J’adore ces changements.» Un éternel
optimiste sur un catamaran. ■

PAR ÉDOUARD AMOIEL
t @EAmoiel


Marc Audibert concocte des plats
gastronomiques sur un bateau
au bord du Léman à Genève. Rencontre avec
un fin cuisinier qui se réalise en eau douce


◗ A bord du catamaran Float Inn amarré sur les bords
du quai Gustave-Ador, le temps est comme sus-
pendu. La vue sur la rade genevoise, le Jet d’eau et
le pont du Mont-Blanc est à couper le souffle. C’est
dans ce cadre idyllique que Marc Audibert reçoit.
Ce traiteur en vogue au CV impressionnant a mis
du temps à quitter les sphères célestes de la haute
gastronomie. Un juste retour des choses pour ce fils
de charcutier traiteur marseillais qui a gravi les
échelons du métier avec panache et pugnacité.


En dégustant quelques œufs de caille mimosa
truffés accompagnés d’un verre de sauvignon
d’Anières, Marc Audibert raconte sa vie comme un
roman. Depuis les cités phocéennes bétonnées où
il a grandi jusqu’aux prairies verdoyantes des
alpages de l’Oberland bernois, en passant par le
très chic quartier londonien de Mayfair, le cuisinier
a pour ainsi dire tout vu.

LE PLEIN D’ÉTOILES
Bien avant la cuisine moléculaire, c’est le jambon
que préparait son père qui le fait encore saliver.
«Même avec le temps qui passe, je suis toujours
dans son laboratoire. C’est là que tout a commencé.»
Lui veut devenir chef. Son père l’en dissuade,
l’imaginant trimer dans une gargote sans avenir.
«J’ai haché du persil pendant une semaine.» Rien

Le pari de Marc Audibert? Faire le chef dans une cuisine de 3 mètres carrés. (DAVID WAGNIÈRES)


À DÉGUSTER
Marc Audibert – Audibert Catering,
079 691 99 03, Audibertcatering.ch
Float Inn, quai Gustave-Ador 54,
Genève, http://www.floatinn.swiss
À CONSULTER
Le site d’Edouard Amoiel,
http://www.crazy-4-food.com

LE TEMPS WEEK-END
SAMEDI 10 AOÛT 2019 BOIRE ET MANGER 21


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