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Anne-C
Aroline P
Andolfo, Terkel
risbjerg/C
AsTermAn 2019 | Aurèle
boss
An
Qui? Comment? PourQuoi?
Alors que la saison des festivals bat son plein, avec une écrasante
majorité de chanteurs et de musiciens hommes, les Francofolies
de La rochelle ont organisé un débat sur la parité. Pour natasha
Le roux, du collectif H/F ile-de-France, seule une politique
volontariste permettra aux femmes d’être mieux représentées.
Comment assurer sur scène une meilleure présence
des femmes, chanteuses ou musiciennes?
Sans dispositions draconiennes, rien n’évoluera. Nous plai-
dons pour la mise en place de mesures soit coercitives (moins
de subventions à ceux qui ne jouent pas la parité), soit incita-
tives, si les institutions sont prêtes à donner plus d’argent aux
programmateurs vertueux. On ne peut exiger le 50-50 tout
de suite, mais pourquoi pas une progression de 10 % par an
sur les scènes subventionnées? Elles reçoivent des deniers
publics et doivent rendre des comptes. Selon des études,
seuls 5,4 % des instrumentistes sur scène en Ile-de-France
(hors chanteuses) sont des femmes. Le plus fou, c’est que les
jeunes filles sont plus nombreuses que les garçons dans les
conservatoires! Elles représentent 55 % des élèves.
Pourquoi ne les retrouve-t-on pas plus tard?
Elles s’évaporent. La sociologue Marie Buscatto a identifié
plusieurs freins à leur professionnalisation : leur difficulté à
se projeter, due au manque de modèles féminins, qui crée un
sentiment d’illégitimité. Puis à entrer dans la profession, où
elles pâtissent de la cooptation entre hommes. Et, bien sûr, à
être promues. Caroline Ledru, du conservatoire de Pantin, a
aussi remarqué que la discrimination s’immisce par le biais
des illustrations des manuels pédagogiques : les femmes n’y
sont quasiment jamais représentées en train de jouer. Pis : on
les montre parfois en train de faire la cuisine!
L’industrie du disque contribue-t-elle à cette situation?
Elle a contré les efforts d’émancipation, en produisant une
culture inégalitaire, à travers la pornification des clips, les
stéréotypes de genre... Bien sûr, des artistes féminines
émergent, comme Angèle (photo) ou Jeanne Added, mais
elles restent très minoritaires. Si on regarde les catalogues
des labels, on voit clairement la pénurie de femmes. La ques-
tion-clé est : l’industrie du disque est-elle capable de se repré-
senter les enjeux démocratiques du xxie siècle? Pour l’ins-
tant, je ne le crois pas. Propos recueillis par Valérie Lehoux
INtErvIEw MINutE
MAIS... Où SONt
LES FEMMES?
QuI A dIt Qu’IL LEur
MANQuAIt uNE CASE?
Ce qu’il aime, Petit Pierre, c’est les
vaches — qu’il garde avec passion.
Sourd et malvoyant, ce gamin infirme
grandit au début du xxe siècle dans le
Loiret, se fait moquer par ses cama-
rades, finit par quitter l’école et laisser
libre cours à sa créativité : jeune
homme, il bricole des objets qu’il as-
semble en un manège merveilleux, de
plus en plus grand au fil des années, qui
attire bientôt les touristes... dans la Bd
Petit Pierre. La mécanique des rêves
(éd. Casterman), daniel Casanave et
Florence Lebonvallet rappellent le par-
cours (véridique) d’un autodidacte
attachant. un autre album, Enferme-
moi si tu peux (éd. Casterman), aborde
aussi les trajectoires de personnalités
emblématiques de l’art brut. Les au-
teurs Anne-Caroline Pandolfo et terkel
risbjerg y évoquent les itinéraires sou-
vent tourmentés du facteur Cheval,
d’Augustin Lesage, d’Aloïse, de Madge
Gill, Marjan Gruzewski et Judith Scott.
donnant à voir la différence, sa récep-
tion souvent négative par la société et la
façon dont chacun la fait, merveilleuse-
ment, fructifier. — Laurence Le Saux
Enferme-moi si
tu peux explore les
parcours, atypiques,
de personnalités de
l’art brut. Ici, Aloïse.
Télérama 3630-3631 07 / 08 / 19