Monde-Mag - 2019-08-10

(lu) #1
10 août 2019 —MLemagazine du Monde

Jeudi 15août,LaR oute du RockauRaRaRementaussibien poRté
son nom.
Le deuxième jour de la 29eédition dufest ival malouin,ce
sont en effet trois des plus fracassants groupes du moment qui
feront tonner leurs guitares dans le cadrehistorique etverdoyant
du fort de Saint-Père. Alors que les riffs semblaientavoir plus de
passé que d’avenirfaceau raz-de-marée électronique des
musiques urbaines, les Irlandais deFontainesD.C.etl es Anglais de
Black Midi et d’Idlesretrouvent une âpretéetune pertinencequ’on
n’osait plus espérer decombosrock.
Idlesajoué les précurseursavec Brutalism en 2017,unpremier
opus très électrique.Une énergie que l’onretrouvesur scène.
Cumulant puissanceindustrielle etrage animale,exaltationcolé-
rique et sens iconoclaste de lafête,les shows du quintet de Bristol
sont aussi tranchants que débraillés. De quoi transformer en
vagues bouillonnantes desfans avides de défoulements libéra-
teurs.Portés par les sixcordes survoltées de Mark Bowenetde
LeeKiernan, les frappes de sourddubatteur Jon Beavis et la basse
tellurique d’Adam Devonshire, les braillements de JoeTalbotfon-
cent souventtêtebaissée sans êtrepour autant bas du front. C’est
en 2009 que lui et son camarade defac, Adam Devonshire, for-
ment Idles en sortant de l’universitéd’Exeter.Longtemps, le groupe
tâtonnera, peinantàtranscender desréférences assezscolaires au
post-punk. Jusqu’àceque le chanteur mettesadébordanteéner-
gie au serviced’une catharsis donnant plus de profondeur et d’in-
tensitéàleur violencemusicale.
Enregistrédurant l’agonie de la mèredeJoe Talbot, leur premier
album libéraitavec rage un chagrin aussi lourdque les blocs de
béton du Brutalism (ou«brutalisme»),cetteécole architecturale
pansant les plaies de l’après-guerrebritanniqueàcoups de bâti-
ments massifs et bon marché.Dédiéeàlagénitriceduchanteur
(dont la photoorne la pochettede Brutalism ), une chansoncomme
Mother, scandantavec une passionrageuse les mots Mother et
Fucker, adressait son juron auxresponsables de la paupérisation
des femmes,contraintesàtrava iller sansrelâche pour nourrir leurs
enfants. Souvent suscitée par le deuil,cettecolèremettait égale-
ment en scène,avecautodérision, les propres travers deTalbot, par
exemple dans SlowSavage, dans laquelle ilregrettait que ses
années d’addictionàladrogue aient ruiné sa vie decouple.
Cettefaçon de mêler vie intime et engagement politique habite
plus encore JoyasanAct of Resistance .Dans ce deuxième album,
paru en 2018, JoeTalbot–qui fut aussi travailleur social auprès
d’adultes handicapés mentaux–sedéchaîne en donnant des
vertus euphorisantesàses tristesconstats.Comme si l’agressivité,
née de la duretédes temps,des drames personnels(évoqués dans
June, chanson bouleversantesur son enfant mort-né)etdes frus-
trations engendrées par le Brexit, l’ avènement deTrump et la
xénophobie ambiante, pouvait se muer en unecommunion
joyeusementrévoltée.Les brûlots écorchés decesenfants des
Clash, de Fugazi etTheJesus Lizard, qui clament aussi leur admi-
ration pour JoyDivision,Thee Oh Sees, OtisRedding etKanye
West,font un sortàl’homophobie dans Colossus, àlamasculinité
toxique dans NeverFightaMan withaPerm, au racisme dans
Great ou dans DannyNedelko (dunom d’un ami ukrainien),hymne
pro-immigration témoignant unefois de plus du don d’Idles pour
les refrainsàhurleràtue-tête.
LaRoutedur ock,àsaint-malo,du14au17août.laroutedurock.com


Aprèsunpremier album


survolté, le groupepunk


Idles


acontinuésur sa lancée


avec un second opus,“Joy


as an ActofResistance”,


quimêleexpérience


intime et prisedeposition


politique dansune rage


euphorisante.Les


Britanniquesseront


àl’affiche de La Route


du rock,le15août.


ParStéphaneDavet—Photo MelchiorTersen
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