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JEUDI 1ER AOÛT 2019 france| 9
La bataille des deux maires du 16
e
arrondissement
Goasguen et Giazzi, qui lui a succédé en 2017, se divisent sur la stratégie de la droite dans l’Ouest parisien
H
eureux habitants du
16 e... Non seulement
ils vivent dans un ar-
rondissement rési-
dentiel, calme, huppé, qui abrite
un nombre record d’ambassades
et d’assujettis à l’impôt sur la for-
tune immobilière (IFI). Mais les ré-
sidents de ce quartier de Paris bé-
néficient d’un autre privilège : ils
disposent de deux journaux d’ar-
rondissement gratuits.
16 le journal, « le journal officiel
de votre arrondissement depuis
plus de dix ans », est resté entre les
mains de Claude Goasguen. L’an-
cien maire Les Républicains (LR),
devenu député, est photographié
pas moins de onze fois dans le
dernier numéro. Si bien que Da-
nièle Giazzi, qui lui a succédé en
juillet 2017, a lancé en octo-
bre 2018 son propre magazine,
16 mairie. Les deux journaux,
réalisés par la même agence, alter-
nent leur parution. Un mois celui
de Claude Goasguen, un mois ce-
lui de Danièle Giazzi. « Je lui ai
donné la moitié du mien », résume
M. Goasguen.
Deux journaux, parce qu’au fond
deux maires cohabitent dans le
16 e arrondissement aujourd’hui.
Celle qui en a le titre officiel, Da-
nièle Giazzi, 63 ans. Et celui qui l’a
été avant elle pendant neuf ans et
demeure une figure majeure de la
droite parisienne, Claude Goas-
guen, 74 ans. Deux élus LR qui
s’aiment et se détestent, se déchi-
rent puis se réconcilient. Embras-
sades ou invectives, selon les jours.
Au conseil d’arrondissement, où
ils siègent tous deux, Claude Goas-
guen n’hésite pas à recadrer la
femme qu’il a choisie pour lui suc-
céder. Et, entre deux portes, les cri-
tiques fusent. « Je n’ai rien contre
elle, mais rien pour non plus, lâche-
t-il. Maintenant, je ne vais même
plus à la mairie, pour éviter les
conflits. Je la laisse s’enfoncer... »
Une lutte de pouvoir menée
sous l’œil ahuri des autres élus.
« C’est pitoyable », s’attriste l’un.
« C’est dans les arrondissements les
plus ancrés à droite que notre parti
se donne le plus en spectacle », se
désole un autre maire LR. « Il y en a
marre de la machine à perdre de la
droite parisienne, peste un troi-
sième. A se taper dessus entre nous
comme cela, on risque de rater les
prochaines municipales, même
dans un arrondissement qui nous
paraît acquis. »
En 2017, les résultats des légis-
latives ont fait sonner l’alarme.
Elu dans un fauteuil cinq ans plus
tôt, Claude Goasguen a senti cette
fois-ci le vent du boulet. Nette-
ment devancé par La République
en marche (LRM) au premier tour,
il a dû mobiliser ses soutiens
comme jamais pour l’emporter au
second, avec 52 % des suffrages.
D’habitude, ici, la droite l’empor-
tait haut la main dès le premier
tour. Aux européennes de mai,
LR a enregistré un résultat plus in-
quiétant encore, en ne récoltant
que 24 % des suffrages, contre 46 %
pour LRM.
Magazine à sa gloire
Il n’en fallait pas plus pour que
Claude Goasguen propose pour les
municipales de mars 2020 un plan
très éloigné de la ligne officielle du
parti, à laquelle Danièle Giazzi
reste fidèle. Plutôt que de soutenir
la candidature de Rachida Dati,
une sarkozyste pur sucre qu’il dé-
teste, ce « libéral bonapartiste »
souhaite une alliance entre la
droite et les macronistes à l’échelle
de Paris. « Sans un accord de ce
type, Mme Hidalgo sera réélue » ,
analyse-t-il. Benjamin Griveaux,
le candidat désigné par LRM, a ce-
pendant refusé sèchement la
main tendue par Claude Goas-
guen, qu’il considère comme un
vieux briscard de droite ne cher-
chant qu’à sauver les meubles.
Dans le 16e arrondissement
même, Danièle Giazzi et Claude
Goasguen n’ont pas non plus la
même approche. La maire actuelle
compte se représenter en 2020
sous l’étiquette LR. Son ancien
mentor, quoique délégué LR dans
l’arrondissement, pousse plutôt la
candidature d’une élue MoDem,
Béatrice Lecouturier. « La majorité,
ici, c’est moi qui la tiens », souligne-
t-il, se posant en parrain de la
droite dans l’Ouest parisien.
Sur le papier, tout annonçait
pourtant une transition en dou-
ceur entre Claude Goasguen et
Danièle Giazzi. L’un et l’autre se
connaissent depuis des décen-
nies, et ont été très proches. Sur le
plan idéologique, il n’y a guère
que l’épaisseur d’un papier à ciga-
rette entre eux, même si l’ancien
maire a été dans sa jeunesse un
défenseur de l’Algérie française,
à droite de la droite. Aujourd’hui,
l’un comme l’autre défendent le
16 e contre ce qu’ils considèrent
comme des attaques venues de la
maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo,
par exemple la pérennisation
d’un centre de SDF qui devait être
provisoire dans le bois de Boulo-
gne, ou l’implantation de loge-
ments sociaux jugés « bas de
gamme ».
Surtout, c’est Claude Goasguen
qui, en 2017, a choisi celle qui de-
vait le remplacer, et l’a fait élire
par le conseil d’arrondissement,
quand lui-même, touché par la loi
sur le non-cumul des mandats, a
préféré garder son siège de député
conquis de haute lutte. « A l’épo-
que, il s’est dit qu’elle ne lui fe-
rait pas d’ombre, qu’elle serait
une sorte de prête-nom, d’autant
qu’elle a un poste très prenant dans
le privé, au cabinet de conseil
Fidal », raconte un responsable LR.
Les premiers mois, l’ancien édile
redevenu simple conseiller a ainsi
conservé l’immense bureau du
maire, sa voiture de fonction, son
chauffeur, et le magazine à sa
gloire. Danièle Giazzi, elle, a gardé
son petit bureau d’adjointe.
« Il ne se contrôle pas »
Seulement voilà : au fil des mois, la
maire a pris goût à ses nouvelles
responsabilités. « La maire, c’est
moi et bien moi, et je ne gère pas le
16 e comme mon prédécesseur »,
certifie-t-elle. Elue de Paris depuis
trente ans, mais restée jusqu’à pré-
sent dans l’ombre de Pierre-Chris-
tian Taittinger, maire de 1989 à
2008, puis de Claude Goasguen,
elle a commencé, touche par tou-
che, à réorganiser la maison com-
mune. A s’affirmer. Elle a souhaité
récupérer la voiture, le chauffeur.
Elle a demandé aux huissiers de
porter de nouveau un costume
queue-de-pie et une chaîne d’ap-
parat lors des mariages. Elle a orga-
nisé des réunions plus fréquentes
avec ses adjoints, leur a réclamé
des « reportings ». « Je n’ai jamais
vu autant de salons, d’opérations
avec des associations, et d’événe-
ments divers à la mairie », relève
Pierre-Alain Weill, l’un des deux
socialistes élus dans le 16e.
Très vite, les relations se sont
envenimées. Des camps se sont
formés. En novembre 2018, un
conseil municipal a même été an-
nulé parce que Claude Goasguen
et ses proches tenaient une réu-
nion séparée, et n’étaient pas à
l’heure. Agacée, Danièle Giazzi a
levé le camp. « M. Goasguen n’est
plus maire du 16e, et il ne l’a pas en-
core intégré dans sa tête », avait-
elle alors commenté. « Une autre
fois, c’est elle qui est arrivée en re-
tard à une réunion, raconte un té-
moin. Elle a voulu coprésider, et
posé son sac sur une chaise. Claude
s’en est emparé, et l’a jeté à terre.
Elle était humiliée. »
Le sommet de la crise a été at-
teint en début d’année. Un jour,
Danièle Giazzi a voulu entrer dans
le bureau de l’ex-homme fort de la
mairie pour calmer le jeu entre
eux. Il l’a envoyée promener en
lançant un sonore : « Va te faire en-
culer! », a-t-elle rapporté à plu-
sieurs amis. Les huissiers présents
sur place n’en sont pas revenus.
« A l’époque, elle a été tentée de dé-
missionner », assure un familier de
l’avenue Henri-Martin, siège de la
mairie. « J’ai oublié cette scène, af-
firme aujourd’hui Danièle Giazzi.
Et puis, en politique, on se dit sou-
vent des choses qu’on ne pense
pas. » Goasguen, lui, garantit qu’il
n’injurie jamais les femmes.
Ceux qui ont côtoyé le député de
Paris ne se montrent guère éton-
nés. « Claude est éruptif, il ne se
contrôle pas, confie un homme
qui le connaît bien. J’ai dû plusieurs
fois le maîtriser pour l’empêcher
d’en venir aux mains avec des inter-
locuteurs qu’il n’appréciait pas. »
Un autre : « Je ne connais pas d’élu
parisien qu’il n’ait pas traité de tous
les noms. » Batailleur, fougueux,
« Claude Goasguen est très soupe
au lait, ajoute un troisième : il re-
descend aussi vite qu’il est monté. »
De fait, l’ancien rugbyman a fini
par lâcher sa voiture, son chauf-
feur, puis son grand bureau. Et
un récent déjeuner de réconcilia-
tion a permis de calmer le jeu.
« Aujourd’hui, nous sommes en
paix, lui et moi », déclare Danièle
Giazzi. « Paix armée, nuance un
proche. Demain, l’orage peut de
nouveau éclater. » p
denis cosnard
La réglementation se durcit pour les trottinettes à Paris
Mardi, la Mairie a publié un arrêté qui précise que leur stationnement est « interdit » sur les trottoirs de la capitale
C’
est officiel : à Paris, les
trottinettes électriques
en libre-service n’ont
plus le droit de stationner sur les
trottoirs, où elles gênaient les pié-
tons. La mesure fait l’objet d’un
arrêté publié mardi 30 juillet au
Bulletin officiel de la Ville de Paris.
Ces véhicules étaient jusqu’à
présent tolérés aux endroits où ils
ne gênaient pas, par exemple en-
tre deux arbres. A présent, leur
stationnement est « interdit et
considéré comme gênant » sur
tous les trottoirs, mais aussi sur
les aires piétonnes, et la chaussée
de toutes les rues, édicte l’arrêté.
Ils doivent donc utiliser unique-
ment les places de stationnement
sur la chaussée, à partager avec les
voitures et les motos...
L’essor spectaculaire des trotti-
nettes électriques « crée des diffi-
cultés en matière de stationne-
ment et génère des conflits d’usage
de l’espace public », souligne la
Mairie de Paris pour justifier son
arrêté. Le stationnement de ces
engins « est de nature à entraver
de manière significative le chemi-
nement des piétons, occasionnant
des risques de chute, notamment
pour les personnes en situation de
handicap visuel », ajoute le texte.
Dans ces conditions, il est néces-
saire de restreindre le stationne-
ment des trottinettes « aux seuls
endroits adaptés à leurs caracté-
ristiques », conclut la Mairie.
La circulation des trottinettes
sur les trottoirs devrait aussi être
sous peu interdite au niveau na-
tional. La ministre des transports,
Elisabeth Borne, a promis un dé-
cret en ce sens, qui devrait entrer
en vigueur à la rentrée.
Pour « en finir avec l’anarchie » et
calmer la grogne des Parisiens, la
maire (PS), Anne Hidalgo, avait
annoncé, le 6 juin, des actions
destinées à encadrer l’essor des
trottinettes, dont l’interdiction
du stationnement sur les trot-
toirs qui se traduit avec cet arrêté.
Au même Bulletin officiel est pu-
blié un règlement qui concrétise
un autre engagement, pris dans le
même but dès mars, puis adopté
par le conseil municipal en avril :
la création d’une taxe sur les trot-
tinettes en libre-service.
Jusqu’à présent, les opérateurs
comme Lime, Bird, etc., étaient to-
talement libres d’installer leurs
véhicules dans l’espace public,
sans rien payer. C’est ce qui a
conduit à l’arrivée, en quelques
mois, d’une douzaine de concur-
rents, disposant ensemble de plus
de 20 000 trottinettes.
Barrière financière
Le règlement publié mardi ins-
taure une barrière financière à
l’entrée sur ce marché, sous la
forme d’une redevance liée à
« l’occupation du domaine public
routier de la Ville de Paris par des
véhicules ou des engins à deux ou
trois roues en libre-service sans
stations d’attache en attente de lo-
cation ». Selon ce qui avait été in-
diqué en mars, le tarif devrait
partir de 20 euros par an pour un
vélo classique ou électrique, mon-
ter à 50 euros pour une trottinette
électrique, 60 euros pour un
scooter électrique et passer à
120 euros et au-delà pour un scoo-
ter traditionnel. Le texte impose
également aux opérateurs de par-
tager avec la Mairie de Paris de
nombreuses données, « rafraî-
chies » au minimum « toutes les
trois heures », afin que la ville dis-
pose en temps réel d’informa-
tions détaillées sur le nombre de
véhicules disposés dans l’espace
public, leur localisation, etc.
Au-delà de ces deux textes,
Anne Hidalgo et son équipe ont
prévu de prendre plusieurs autres
mesures pour faire face à l’essor
mal maîtrisé des trottinettes élec-
triques. Les élus comptent en par-
ticulier lancer un appel d’offres
pour ne retenir, à terme, que
deux ou trois opérateurs. Ils at-
Claude Goasguen, l’ancien maire du 16e arrondissement devenu député, à Paris, le 27 mai. JACQUES DEMARTHON/AFP
Les premiers
mois, l’ancien
édile a conservé
le bureau du
maire, sa voiture
de fonction
et son chauffeur
tendent pour le faire l’adoption
du projet de loi d’orientation des
mobilités, actuellement en dis-
cussion au Parlement.
« Faire baisser la spéculation »
« Plus il y aura de règles, mieux
ce sera, se réjouit Stéphane Mac-
Millan, patron des trottinettes
Circ (ex-Flash). Cela fera sortir du
jeu les opérateurs qui ne sont pas
là pour durer. La régulation fera
baisser la spéculation! »
Ces derniers mois, le trop-plein
de trottinettes à Paris, les coûts de
maintenance de ces véhicules,
souvent détériorés, et les mena-
ces de la Mairie de Paris ont déjà
bien calmé le jeu. Environ la moi-
tié des douze entreprises privées
qui s’étaient jetées dans la bataille
ont suspendu provisoirement ou
définitivement leur service, dont
Bolt. Seuls Lime, Bird, Tier, Voi,
Dott et Circ semblent toujours ac-
tifs dans les rues de la capitale.p
de. c.
R É F É R E N D U M
ADP : 13 % des soutiens
atteints au 30 juillet
615 000 soutiens au référen-
dum d’initiative partagée
sur la privatisation de Groupe
ADP, soit 13 % des signatures
exigées d’ici à la mi-
mars 2020, ont été enregistrés
au 30 juillet par le ministère
de l’intérieur. Depuis le 13 juin,
les électeurs peuvent apporter
leur soutien à la proposition
de loi réclamant la tenue d’un
référendum sur la privatisa-
tion du groupe. Il s’agit du se-
cond pointage fait par le Con-
seil constitutionnel. – (AFP.)
J U S T I C E
Jean-François Bohnert
choisi pour le Parquet
national financier
La ministre de la justice,
Nicole Belloubet, a proposé
mardi 30 juillet au Conseil
supérieur de la magistrature,
le nom de Jean-François
Bohnert, procureur général à
Reims, pour diriger le Parquet
national financier, chargé de
la lutte contre la grande délin-
quance financière. Il devrait
prendre la succession d’Eliane
Houlette, partie à la retraite.