SUD OUESTVendredi 2 août 2019
Un été Sud-Ouest
Carnets de route
Étienne Latry
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U
n air de Woodstock
plane en cette fin de
journée à Semus-
sac (17), près de Royan.
Les grands champs
qui encerclent le château de Di-
donne voient affluer des hommes et
des femmes de tous âges en quête
de spectacle, de poésie, d’insolite.
Pourtant, pas une note ne résonne.
Rien. Ils ne sont pas là pour écouter,
mais pour voir : c’est la 21e Coupe
d’Europe de montgolfières, qui se
tient tous les deux ans entre la Cha-
rente-Maritime et la Charente, et
31 équipages doivent se mesurer
dans les airs.
Parmi eux, un pilote aguerri, avec
plus de quinze années de ballon au
compteur : Kévin Allemand, 31 prin-
temps. « Ça ne tient à rien une pas-
sion, résume l’homme élevé au
bon air charentais. J’avais 4 ans lors-
que j’ai vu ma première montgol-
fière. Elle était venue se poser sur
le terrain de mes grands-parents à
Plassac-Rouffiac. Curieux, j’étais allé
voir. Depuis, je n’ai pas décroché. En
ballon, tu es au balcon de paysages
splendides. » Le garçon patiente jus-
qu’à ses 10 ans et ce jour de Coupe
d’Europe où un pilote belge lui pro-
pose de monter avec lui. Le charme
continue d’opérer. « Et à 18 ans, j’ai
eu mon brevet de pilote. » Décol-
lage!
Du Lot-et-Garonne à Majorque
Kévin Allemand participe depuis
2009 à la Coupe d’Europe de mont-
golfières. La compétition a été créée
en 1992 par le foyer rural de Main-
fonds, petit village charentais que
rien ne prédestinait à devenir un ac-
teur remarqué du monde de l’aé-
rostation. « En 1989, le Foyer rural
avait fait venir un ballon pour le
spectacle du bicentenaire de la Ré-
volution. Ça a créé des passions... »
Trois ans après, Jacques Bernardin,
membre du foyer, émet l’idée d’une
Coupe d’Europe. Et, plus de deux dé-
cennies après, la renommée de
l’épreuve ne se discute plus.
L’an dernier, celui qui représente
la jeune génération de pilotes fran-
çais et est une figure du club de
Mainfonds, a participé à la Coupe
du monde en Autriche, avec
109 ballons. Cette année, du 11 au
19 août, place au Championnat de
France à Saint-Sylvestre (Lot-et-Ga-
ronne), puis ce sera Majorque (Es-
pagne) pour le Championnat d’Eu-
rope en octobre, « du très haut ni-
veau ». Mercredi soir, c’était donc le
prologue de la Coupe d’Europe. Une
manche pour du beurre qui offre
toutefois la chance aux spectateurs
d’observer le décollage et l’atterris-
sage des ballons. Les pilotes, eux,
ont une cible à viser avec un mar-
queur remis par l’organisation. Il est
18 h 30 et le soleil se couche à
21 h 34.
Au milieu du champ, Jacques Ber-
nardin, le directeur des vols, fait le
point : « D’ici une heure, une heure
et demie, on va pouvoir décoller. La
direction du vent n’est pas catastro-
phique mais elle n’est pas bonne
non plus... » Pareil pour la vitesse,
18 km/h. Pas terrible. Échanges de
regards interrogateurs entre les pi-
lotes. « Si on décolle, il faudra atten-
dre que le vent baisse, on n’a pas le
choix », synthétise Kévin, avant de
taper la bise à une concurrente.
« Oui, ici, c’est un peu comme au
camping. On se connaît tous de-
puis de nombreuses années et on a
plaisir à se revoir chaque été. »
Décollage incertain
Tandis que le débat - « Décollera?
Décollera pas? »- se poursuit, petit
tour du côté du public installé en
dehors du périmètre d’envol. Si cer-
tains en sont visiblement à leur pre-
mière fois, assis à même le sol, d’au-
tres sont venus équipés. Chaises
pliantes, glacière, on ne leur fait
plus. Un peu plus loin, avec les cam-
ping-caristes, on monte encore en
gamme, niveau organisation. Cer-
tainement des passionnés de bal-
lons venus de loin. « Ah non, nous
sommes de Semussac, répond Da-
niel, 66 ans, confortablement ins-
tallé dans son fauteuil. On est
mieux là, on est assis devant, ça va
être le bordel là-bas... » Retour aux
affaires. Le conciliabule se poursuit.
Parmi les inscrits, une petite poi-
gnée décide de décoller de Souhe,
lieu-dit à proximité. « Si on décolle,
ce sera de Semussac, affirme Kévin
Allemand. Le public est venu pour
ça, voir des montgolfières de près.
Partir de Souhe n’assurerait pas une
arrivée à Semussac. » Qu’on se le
dise : en ballon, on sait d’où on part,
jamais où on arrive.
20 heures approchent et le vent
ne faiblit pas, encore 10-12 nœuds.
20 h 03, le trentenaire se décide :
« On y va. » Ses équipiers s’activent.
Parmi eux, la toute jeune Aman-
dine. Avec son papa, Christophe
Bordes, elle a attrapé le virus. « On a
atterri à côté de chez eux, à
Mouthiers-sur-Boëme, un soir d’oc-
tobre 2008 », se souvient l’aéro-
naute. Depuis, le pilote aux 70 vols
annuels les forme. « On ne peut pas
faire de montgolfière tout seul, c’est
trop galère. Chaque poste est im-
portant entre la navigation au sol,
le véhicule de récupération. »
Le Charentais s’est aussi entouré de
sa compagne, Gabrielle. « On s’est
connu, je préparais mon brevet de
pilote. Je lui ai dit : “J’ai une passion
qui prend du temps.” » Elle n’a pas
reculé. Au contraire. Ils sont désor-
mais parents d’un petit Martin de
4 ans, qui « s’intéresse au ballon
mais n’a pas encore demandé de
monter à bord ».
« L’enveloppe » est prête à être
gonflée mais le trentenaire est en-
core indécis. L’aérostat de la Cha-
rente décolle pour un tout petit
tour, histoire de. Tiens, son homo-
logue charentais-maritime l’imite
quelques minutes après. Le soleil
commence à se coucher, la lumière
est belle, la photo le sera certaine-
ment aussi. « Franchement, décol-
ler pour faire un saut de deux kilo-
mètres, ce serait beaucoup d’énergie
dépensée pour pas grand-chose. »
Dans une demi-heure, il fera nuit,
l’équipage « rebache ». « Dommage
pour le public mais on ne peut pas
partir avec autant de vent. » Un peu
de frustration se lit sur les visages.
Pas grave, comme au camping, c’est
désormais l’heure de l’apéritif et ça,
le vent n’y changera rien.
21 e Coupe d’Europe de montgolfières
jusqu’à dimanche. Aujourd’hui, à
Angoulême (16), sur l’Île aux vaches,
dès 18 heures. Demain, à l’aérodrome
de Jonzac, à Neulles (17), dès 18 h 30.
Dimanche, à Mainfonds (16),
dès 10 heures avec des baptêmes.
À partir de 11 heures, meeting aérien avec,
entre autres, la Patrouille de France.
À 19 heures, dernier envol
des montgolfières.
Jusqu’à dimanche, les montgolfières survolent
les deux Charentes. Rencontre avec un jeune
pilote, tombé dans la nacelle quand il était petit
Kévin Allemand,
31 ans, enfant du ballon
Kévin Allemand vérifie les brûleurs en vue d’un éventuel décollage. PHOTO SAMUEL HONORÉ
Qu’on se le dise :
en ballon, on sait
d’où on part, jamais
où on arrive
Charente
Charente-
Maritime
Deux-
Sèvres
Gironde
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