XII u ibération L Samedi3 e t Dimanche4 Août^2019
éclair quand elle est par eux
dévêtue. Ou encore Marie-Ma-
deleine, la pécheresse repentie
–et traditionnellement rousse–
dont la légende relate qu’elle a
fini sa vie vêtue de ses seuls
cheveux.
Au Louvre, on peut voir une
statue de Gregor Erhart où
Marie-Madeleine a quasiment
la même posture que la Vénus
de Botticelli. Ses cheveux
descendent sur son corps pour
le couvrir comme une cascade.
Sommet d’érotisme, son sein
droit est entouré par sa
tignasse, rocher émergeant
délicatement au milieu de cette
rivière.
GUILLAUME LECAPLAIN
LE WEEK-END PROCHAIN
«LES SABINES» DE DAVID
Tout le monde connaît ce
tableau. Toute étonnée d’arri-
ver au monde, les yeux un peu
endormis comme si elle venait
de se réveiller, Vénus est
conduite vers le rivage, poussée
dans le dos par Zéphyr. A
droite, une des Heures l’attend
avec un manteau rouge dont
elle s’apprête à recouvrir sa
nudité. Un mouvement de
pudeur complètement acces-
soire: la déesse est juchée sur
une énorme coquille Saint-Jac-
ques dont on voit l’intérieur
nacré, et dans cette fin
du XVe iècle c’est l’un des sym-s
boles du sexe féminin. De
même, de la main droite, Vénus
fait le geste de camoufler sa
poitrine, mais laisse visible son
sein gauche. Enfin, son autre
main a attrapé une mèche de
ses (très longs) cheveux roux, et
l’a ramenée sur son entrejambe.
Mais ici, la boucle de la cheve-
lure ne dissimule pas. Au con-
traire, elle montre. Regardez. La
mèche figure la fente d’un sexe.
Feindre de cacher pour encore
mieux révéler : la censure
touchant les «parties honteu-
ses» a forcé les artistes à user de
métaphores plus ou moins
subtiles pour érotiser malgré
tout les corps féminins. Dans
cette entreprise, outre les bouts
d’étoffe, les fleurs ou les
morceaux de fourrure placés à
l’entrejambe de leurs héroïnes,
la chevelure a été maintes fois
employée. Par exemple pour
représenter sainte Agnès, jeune
martyre promise au bordel par
les Romains, et à qui Dieu fait
pousser les cheveux en un
LES MÈCHES BASSES DE VÉNUS
Découvrezcesexe...(4/7) Exploration des techniques artistiques
de dissimulation intime. Cette semaine, la pudibonderie capilaire
de Sandro Botticelli.
3 août : sainte Salomé
La semaine des saints les plus
chiants de l’année, à croire qu’ils ont
fait un conclave de pénibles, genre
Alphonse, rien à dire, sauf que ça
vient du germanique «adal», «no-
ble», et «funs», «prompt». Nous voilà
bien avancés. Sinon,on peut s’arrê-
ter un instant sur Salomé, disciple de
notre bon Jésus, femme de Zébédée,
mère de Jacques de Zébédée et Jean
de Zébédée. Et bon ça, c’est un peu
plus marrant.
Saint Samson,
ça te dit? Qui
s’en fut évan-
géliser des po-
pulations qui
ne lui avaient
rien fait, jus-
que sur les
bords de la
Seine depuis l’Irlande, et fonda un
monastère à Dol-de-Bretagne, fran-
chement t’as pas mieux? Marthe,
tiens, la même semaine, qui ac-
cueille souvent Jésus chez elle à
l’époque et fait donc figure de maî-
tresse de maison impeccable quoi-
que un peu trop affairée, s’activant
trop au goût du Maître qui lui de-
mande de mettre un peu le holà sur
l’agitation ménagère. Du coup, on
pourrait en faire la patronne des
femmes au foyer. Enfin, voilà sainte
Marie des Neiges, qui fait référence à
la Vierge évidemment, et qui, niveau
météo, pourrait prendre acte du dic-
ton du jour:«Ce que le mois d’août ne
mûrira pas, ce n’est pas septembre
qui le fera.» e qui, même sans êtreC
une experte de la ruralité, paraît
tomber sous le saint sens.
EMMANUÈLE PEYRET
LES JOURS
QUI PASSENT
DR
Caractères chinois
Neuf est le nombre du yang. C’est
pourquoi les chaudrons de Yu sont
neuf et que le cinabre alchimique ne
devient potable qu’à la neuvième
transmutation. Quoi, ça veut rien
dire? C’est écrit sur un site qui s’y
connaît en chiffres sacrés, donc ça ira
bien. D’autant que neuf est aussi la
mesure de l’espace chinois: le nom-
bre des régions dont les neuf pas-
teurs apportèrent le métal pour la
fonte des neuf chaudrons. Pour faire
quoi, j’en sais rien non plus. Mais ce
n’est pas un hasard si le Tao-te king
compte 81 chapitres (9×9). Ah non,
ça, c’est pas un hasard du tout.E.P.
QUOI
DE NEUF
Une petite place
pour le dessert
Il faut bien l’avouer: à notre époque,
l’œuf appelle davantage le sel que
le sucre, même s’il est souvent un in-
grédient incontournable en pâtisse-
rie. L’omelette sucrée à la confiture
renvoie à un temps où nous étions
nombreux à vivre au cul des poules
et du potager. Les œufs étaient aussi
pléthoriques que les noix vertes à la
Saint-Jean, on les accommodait à
toutes les sauces et à tous les rites
dont le carême. Ils ne coûtaient rien,
tout comme le bidon de lait qu’on
allait chercher à la ferme pour
préparer des œufs au lait. C’était la
France rurale des poulaillers, de la
feuillée au fond du jardin et de l’œuf
ultrafrais que l’on gobait cru après y
avoir pratiqué deux petits trous.
C’était avant les Trente Glorieuses et
la grande migration vers les clapiers
urbains avec salle de bains et WC
carrelés. On a troqué les pondeuses
et leur nid de paille contre une boîte
d’œufs tatoués que l’on s’est
empressé d’emmurer dans le frigo.
Les œufs à la neige de mémé, qui se
morfond aujourd’hui à l’ehpad, sont
devenus un dessert industriel qui
remplit les tiroirs-caisses des
tauliers de la cuisine d’assemblage.
D’ailleurs, on ne parle plus d’œufs
mais d’ovoproduits, un mot affreux
qui dit tous les travers des géants de
l’agroalimentaire et de l’élevage in-
dustriel. L’œuf est désormais liquide
en bidon, plus besoin de le casser, ce
geste qui dit pourtant la mémoire de
la main et l’humanité de la cuisine.
Cet été, renouez avec le bonheur des
œufs au lait de Lise Bésème-Pia
dans 65 Recettes du pays d’Ardenne 3.
Pour six personnes, il vous faut: un
litre de lait; six œufs; 150 grammes
de sucre. Parfum, selon le goût:
vanille, zeste d’orange, de citron,
rhum ou eau de fleur d’oranger (le
rhum et l’eau de fleur d’oranger ne
s’ajoutent qu’au moment de verser la
crème dans le plat). Faites bouillir le
lait. Ajoutez le sucre et le parfum,
couvrez, retirez du feu. Cassez les
œufs dans une terrine; battez-les
sans trop faire mousser. Videz
par-dessus le lait sucré et infusé.
Mélangez. Versez dans un moule à
soufflé beurré et faites cuire au four
(180 degrés) au bain-marie pendant
vingt à vingt-cinq minutes. La
crème ne doit pas bouillir, elle doit
tout juste trembloter dans le plat.
Laissez refroidir.
JACKY DURAND
(1) 365 Recettes du pays d’Ardenne de Lise
Bésème-Piat, éd. Dominique Guéniot
(2010), 15 €.
VA TE FAIRE
CUIRE
UN ŒUF
La naissance de Vénus, de Boticcelli à Florence.PHOTO DOMAINE PUBLIC