Beaux Arts I 133
MARCHÉ & POLITIQUE CULTURELLE
N° 419 Mai 2019
E
n 2011, Sotheby’s cédait en vente privée à un collectionneur américain un portrait inédit
de Frans Hals (v. 1580-1666) représentant un gentilhomme. L’œuvre, emportée à 9 M€,
avait ému un conservateur du Louvre et d’autres historiens de l’art quelques années plus tôt
- elle avait même été classée Trésor national en France en 2008. Mais elle n’avait pas pu être
acquise par le musée, faute de fonds. Or, de récentes analyses scientifiques, dévoilant la présence
de pigments du XXe siècle dans cette peinture censée dater du Siècle d’or, prouvaient sa fausseté.
Un contentieux est en cours entre Sotheby’s et les vendeurs, l’acheteur ayant été remboursé.
En 2017, le musée d’Art naïf de Laval se voyait offrir un tableau du Douanier Rousseau (1844-1910)
par un donateur anonyme voulant enrichir l’institution qui ne possède que trois œuvres du peintre
originaire de Mayenne. Malgré le document joint à la toile – un certificat d’authenticité manuscrit
signé de l’historienne de l’art Dora Vallier et daté de 1995 –, une expertise du laboratoire des
musées de France a été entreprise. Le rapport rendu public en avril révèle du blanc de titane
dans la signature, soit un pigment breveté en 1915 après la mort du peintre, ainsi qu’«un réseau
de fausses craquelures peintes», avant de conclure au faux. Le point commun entre ces
deux histoires? Le doute quant à l’authenticité des tableaux était né de l’absence d’un historique.
Le Hals sortait de nulle part et n’avait aucune référence, ni provenance avérée. À Laval, le musée
ne disposait non plus d’«aucune indication de provenance de l’œuvre» et regrettait que,
«malgré les recherches effectuées dans les différents fonds documentaires, l’historique du tableau
n’[ait] pu être retracé». Point faible des faussaires, la provenance d’une œuvre – voire sa traçabilité
complète depuis sa réalisation – est un premier repère qui permet de rassurer les acheteurs.
Aussi est-elle devenue un critère essentiel sur le marché de l’art, jusqu’à gonfler considérablement
la cote d’un artiste. C’est ce qu’avait bien compris le génial escroc Wolfgang Beltracchi qui,
pendant plus de trente ans, a trompé les experts avec de faux tableaux aux provenances bidon
mais totalement vraisemblables. A. M.
Pages coordonnées
par Armelle Malvoisin
RÉVÉLATIONS
Même le Douanier était un faux
La toile Paysage avec pêcheur (33 x 47 cm),
offerte au musée d’Art naïf de Laval,
n’était pas du Douanier Rousseau...
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ELLE FAIT L’ACTU
Lorraine Gobin
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LES ACTEURS DU MARCHÉ
La tribune de
Jacques-Antoine Gannat
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COTE DE L’ART
Sous le charme d’Hammershøi
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BIENTÔT SOUS LE MARTEAU
3 ventes à ne pas manquer
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ADJUGÉ!
Enchères fraîches
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SALONS
Photo London : tout doit disparaître
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Week-end de foires à New York