Télérama Magazine N°3629 Du 3 Août 2019

(Joyce) #1

arts


38 t On aime un peu... y ... beaucoup u ... passionnément r ... pas du tout

COlle

CtiOn partiCulière

Marquet


La Méditerranée, d’une rive à L’autre


Peinture


A Sète, on découvre l’amour d’Albert Marquet pour le paysage de bord de mer.


Naples, Alger, Rabat... partout, une vue sur l’eau étale aux tons fondus.


néen, découvert en 1905, jusqu’aux an-


nées 1940. Il vit alors la moitié de


l’année à Alger où il a une maison avec


son épouse pied-noire, rencontrée lors


d’un voyage en Algérie.


En quatre-vingts tableaux et un peu


moins d’escales à Marseille, Naples, Ra-


bat, Cadix ou Sète — où le peintre sé-


journe en 1924, réalisant une série de


dessins qui permettent d’admirer sa


ligne parfaitement zen — , on est frappé


par le peu de variation des sujets. Ports,


jetées, rivages, quais, grues... Et bien


sûr l’omniprésence de la mer, sans effet


de mouvement ou de lumière, contrai-


rement aux impressionnistes. Une mer


où l’activité humaine est naturelle,


avec dockers, camions, cargos, grues,


fumée effilochée s’échappant d’une


cheminée. Aucune répétition dans ce


y


« Partout où il y a de l’eau, Marquet se sent


chez lui », disait sa femme, Marcelle. En-


fant complexé, Albert Marquet (1875-


1947), natif de Bordeaux, allait dessiner


sur les quais de la Garonne pour fuir ses


camarades de classe, qui se moquaient


de ses lunettes épaisses et de son pied


bot. Quand il part faire les Beaux-Arts,


à Paris, son premier atelier, cédé par


son ami Henri Matisse, se trouve sur


un  quai de la Seine, qu’il représente


depuis sa fenêtre. Toute sa vie, le


peintre des ports et de la mer cherche-


ra cet angle particulier : une vue sur


l’eau — mer ou fleuve — cadrée de la fe-


nêtre comme sur une toile, en plongée


et avec peu de ciel. L’exposition de Sète,


réjouissante, remonte le fil de ses péré-


grinations autour du bassin méditerra-


Jean Dubuffet


un barbare en euroPe


techniques Mixtes


y


« J’aime mieux les diamants bruts, mais


dans leur gangue. Et avec des cra-


pauds », dit Jean Dubuffet (1901-1985)


dans une interview projetée dans l’ex-


position de Marseille. Pour un peu, il


les aurait fait sortir de sa bouche.


Toute l’œuvre de ce peintre, écrivain,


mais aussi « inventeur » de l’art brut,


s’est construite contre la « culture


asphyxiante », seuls les Arts décoratifs


et le Musée national des arts et tradi-


tions populaires (ATP) trouvant grâce


à ses yeux. Logique, donc, que le Mu-


cem, musée de la mixité culturelle et


héritier des collections des ATP de


Paris, retrace le parcours de ce « bar-


bare » qui a pris un malin plaisir à dy-


namiter et à décloisonner l’art.


Un parcours qui passe autant par la


culture populaire que par les créations


d’internés en hôpital psychiatrique ou


les arts extra-européens. Dubuffet crée


un « homme du commun », représenté


comme dans des dessins d’enfants, ex-


périmente les masques et les marion-


nettes, des tableaux épais comme des


peaux de pachydermes (du « cacaïsme »,


diront ses détracteurs), ou invente


L’Hourloupe, un principe de cellules


tricolores s’agrégeant les unes aux


autres (voir Ontogénèse, 1975) : leur


prolifération semble capable de terras-


ser la « culture asphyxiante »... — S.C.


| Jusqu’au 2 septembre, Mucem,


Marseille 2e. tél. : 04 84 35 13 13.


L’art mesuré
et harmonieux
d’Albert Marquet :
Sidi Bou-Saïd,
le portail, l’hiver,
1923.

processus sériel qui tend à l’épure fasci-


nante. Les audaces sont discrètes, les


couleurs en demi-tons, et le pitto-


resque est proscrit. Comme dans cette


magnifique vue du Port de Bougie (1926),


aujourd’hui Béjaïa, prêtée par un mu-


sée vénitien. Les montagnes enneigées


à l’arrière répondent aux toits des en-


trepôts au premier plan, solides


comme des cuirassés. Entre les deux,


striée par des jetées réduites à un trait,


la mer couleur vert givre hypnotise.


Magie et sagesse de Marquet, le peintre


discret. — Sophie Cachon


| Jusqu’au 3 novembre, musée Paul-valéry,


sète (34). tél. : 04 99 04 76 16.


Télérama 3629 31 / 07 / 19
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