Les Echos - 30.07.2019

(Sean Pound) #1

Les Echos Mardi 30 juillet 2019 IDEES & DEBATS// 09


Nicolas Rauline
@nrauline
—Bureau de New York


A


lerte rouge sur la 5e
Avenue. En quelques
mois, plusieurs
enseignes histori-
ques ont fermé bou-
tique sur la mythique avenue new-
yorkaise. Ralph Lauren, Lord

& Taylor, Calvin Klein, Gap... Toutes
ont fui, prises en tenailles entre des
ventes qui ralentissent et des loyers
prohibitifs. Et l’hémorragie n’est
sans doute pas terminée. Versace,
par exemple, a aussi annoncé son
intention de déménager à la fin de
son bail. Naguère, les retombées en
termes d’images compensaient les
pertes pour ces « flagships ».
Impossible, pour une enseigne
ambitieuse, de ne pas y être. Il lui
fallait se dresser sur le chemin des
millions d e touristes q ui vont v isiter
l’Empire State B uilding et des riches
clients qui arpentent l’avenue à lon-
gueur d’année. Mais la concurrence

des ventes en ligne et la folie immo-
bilière qui s’est emparée de New
York rendent la situation de plus en
plus intenable pour ces marques.
Résultat : sur sa partie la plus
commerciale, entre les 49e et
60 e rues, le taux de disponibilité des
locaux commerciaux a atteint
27,5 % en fin d’année dernière. Un
record historique, alors que ce
même ratio n’était que de 5 % il y a
dix ans. Les loyers auraient du coup
commencé à baisser, la 5e Avenue se
voyant même chiper son titre d’ave-
nue commerçante la plus chère au
monde par Causeway Bay, à Hong
Kong, selon une étude du cabinet

Cushman & Wakefield. Reste que
l’an dernier, le mètre carré se négo-
ciait encore, en moyenne, à
218 euros à la location pour une
boutique de Midtown, 16 % plus
cher qu’il y a dix ans.
Tout a débuté à la fin du XIXe siè-
cle, quand la 5e Avenue est encore
largement résidentielle. Benjamin
Altman, un marchand du Lower
East S ide, c herche à quitter le s ud de
Manhattan, déjà encombré et de
plus en plus cher. Il rachète un bloc
à l’angle de la 5e Avenue et de la 34e
Rue et y installe ses grands maga-
sins... qui demeureront au même
endroit jusqu’à leur fermeture en


  1. L’arrivée de B. Altman and
    Company change le paysage du
    quartier. Dans son sillage, les maga-
    sins ouvrent par dizaines. Sur quel-
    ques blocs se concentrent les sym-
    boles du capitalisme américain
    florissant : Lord & Taylor, Saks (qui
    a même accolé « Fifth Avenue » à
    son nom), Tiffany & Co., Bergdof
    Goodman, Harry Winston...


L’allée des millionnaires
Peu à peu, ce sont tous les grands
noms de la mode (Dolce & Gab-
bana, Prada, Louis Vuitton,
Armani), de la bijouterie (Cartier,
Tiffany) ou de l’horlogerie (Rolex)
qui s’y font une place. Puis les ensei-
gnes grand public, comme Banana
Republic ou Diesel, et même les
marques d’électronique, comme
Apple.
Mais la 5e Avenue, ce ne sont pas
que des boutiques. Elle est un sym-
bole de la ville par où passent pres-
que toutes les parades des différen-
tes communautés new-yorkaises,
où se regroupent plusieurs monu-
ments, comme la cathédrale Saint-
Patrick et, si elle n’est pas tout à fait
centrale, elle sépare les rues,
dénommées « ouest » d’un côté et
« est » de l’autre. E nfin, l’immobilier
résidentiel, lui, n’y connaît pas la
crise. Le président Donald Trump
résidait ainsi dans sa Trump Tower
à l’angle de la 57e Rue et Jeff Bezos y
a fait récemment l’acquisition d’un
lot de trois appartements pour
80 millions de dollars. Et la portion
qui borde Central Park, proche des
musées comme le Met ou le Gug-
genheim, continue d’être appelée
« l’allée des millionnaires ».n

La 5


e


Avenue, victime de son succès


Sur sa partie la plus commerciale, entre les 49 e et 60e Rues, le taux de disponibilité des locaux commerciaux a atteint 27,5 %. Photo Shutterstock

La 5


e
Avenue est l’une des artères

symboles de New York. Mais les


prix ont atteint de tels sommets


que les enseignes qui ont fait


son succès la fuient.


6
Et demain New Bond
Street : le temple du luxe
londonien

SÉRIED’ÉTÉ
LES RUES LES PLUSCHÈRES DU MONDE
2/ 10

aurait revendu ses parts dans le club qu’il a
contribué à créer. Et la star aime avoir la
main sur ses affaires. Il a repris la part mino-
ritaire que son associé de longue date
Simon Fuller possédait dans Beckham Hol-
dings qu’il détient avec Victoria. Au fil des
ans, il s’est révélé touche-à-tout. Il a ainsi
offert une nouvelle visibilité à la griffe mas-

culine britannique Kent & Curwen en en
devenant actionnaire. « Il n’a pas fini de
nous surprendre », estime Sabine Keinborg.
Il a beau vieillir, son aura mode ne semble
pas faiblir. Le site « GQ » consacrait encore
un article en juin à la manière d’arborer la
même coupe de cheveux que lui. Et, même
s’il est un homme d’affaires, David Bec-

Le compte Instagram de David Beckham est suivi par 57 millions d’abonnés. Photo Anwar Hussein/Sipa

DESSTARSETDES MARQUES


SÉRIED’ÉTÉ

David Beckham, roi du marketing


L’ancien footballeur sait parfaitement gérer


son image, entre vie publique et privée.


Dans ses affaires, il aime toucher à tout.


2/ 10


Clotilde Briard
@ClotildeBriard


J


oue-la comme Beckham. » Le
titre du film qui connut un suc-
cès inattendu pourrait servir de
recommandation à bon nom-
bre de marques. L’ancien
joueur de Manchester United a su faire de
son nom et de sa personnalité une griffe à
part entière. Savamment bâtie et soigneuse-
ment entretenue. Avec une complice de
choc, sa femme Victoria, l’ex-Posh des
Spice Girls. L’histoire du couple parti-
cipe à la légende. Elle est à la hauteur.
Le 4 juillet, c’est par une visite privée
de Versailles qu’ils ont célébré leur
vingtième a nniversaire d e
mariage. La photo du jour J a
été aimée par 1,7 million de p er-
sonnes sur le compte Insta-
gram de David Beckham, suivi
par 57 millions d’abonnés. « Il
est devenu une sorte de mythe,
entre le dieu grec et l’homme de
tous les jours. Il représente celui
qui a réussi à la fois dans la vie
mais aussi dans son couple et sa
famille. Le duo formé avec sa
femme est un formidable accélé-
rateur », juge Sabine Keinborg,
directrice générale de l’agence
Shortlinks.


Le nombre 99, année de son union, de la
naissance de son fils Brooklyn et du triplé
historique remporté par Manchester Uni-
ted est un fétiche pour les activités du foot-
balleur retraité depuis 2013. Comme House
99, la marque de soins pour hommes, axée
sur les cheveux et la barbe, lancée par
L’Oréal l’an dernier et dont il est présenté
comme le fondateur. Comme sur le terrain
autrefois, il n’hésite pas à mouiller son
maillot. Pour le premier anniversaire de la
griffe, il a fait la surprise à quelques fans de
se glisser dans un salon de barbier. La vidéo
a été vue près de 3 millions de fois.

Garder la main
Son nombre d’or apparaît aussi
dans la société qu’il vient de
cofonder, Studio 99, une
entreprise de médias qui,
selon le journal « Variety »,
veut proposer des docu-
mentaires, des shows télévi-
sés mais aussi servir
d’agence créative pour des
marques. Et, au passage,
bâtir des contenus pour les
réseaux sociaux de David
Beckham lui-même.
Il a gardé un pied dans le
football au travers de l’Inter
Miami. Ce dernier a
démenti récemment les
rumeurs selon lesquelles il

kham ne dédaigne pas de rester la simple
égérie de produits comme le whisky Haig.
Car il a bien l’intention de profiter de son
statut de marque globale.n

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Et demain Jay-Z, le rappeur qui
investit là où on ne l’attend pas
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