Le Monde De La Photo N°116 – Juin 2019

(Chris Devlin) #1

(^36) I LE MONDE DE LA PHOTO
UN JOUR UNE PHOTO
Sur la côte belge, quelques semaines après le début du printemps,
la photographe indépendante Juliette Pavy documente le déroulement
d’une pêche ancestrale qui se pratique à cheval. Un rituel immuable
qui ne manque pas d’attirer les touristes intrigués.
UNE PÊCHE
INSOLITE
Samedi 6 avril 2019, il est 8h30 du
matin, au bord de la plage belge
d’Oostduinkerke-Bad, qui fait partie de
la station balnéaire flamande de Coxyde.
Juliette Pavy, 22 ans, photographe
indépendante basée à Paris, vient
d’arriver de Douai où elle est en stage,
après deux heures de voyage en voiture.
Le timing est essentiel, car la pêche
qu’elle veut photographier n’a lieu qu’à
certains moments de la journée, en
fonction de la marée : une heure environ
avant la marée basse, et une heure
après. Avec son Nikon D750 équipé
d’un 24-120 mm de la même marque
(elle a aussi deux objectifs fixes 35 mm



  • son optique préférée – et 50 mm), elle
    photographie un homme qui pêche des
    crevettes à cheval. La monture utilisée
    est imposante, c’est un robuste cheval
    de trait, un Brabançon, qui pèse 900 kg.
    Le pêcheur doit d’abord harnacher le
    cheval à la ferme, puis l’atteler à une
    charrette qui transporte le matériel,
    avant de le dételer pour fixer le filet qu’il
    va traîner. Pour travailler, les chevaux
    vont vers le large et s’enfoncent dans
    l’eau jusqu’au poitrail, le cavalier porte
    des cuissardes en caoutchouc, et un ciré
    jaune, comme n’importe quel pêcheur.
    Le cheval tire, parallèlement à la côte,
    un filet en forme d’entonnoir maintenu
    ouvert par deux planches en bois. La
    chaîne qui est au fond racle le sol et



Je retouche au


minimum pour rester


au plus près du réel

fait sortir les crevettes qui sont alors
prises au piège. Le pêcheur va ensuite
les verser dans les paniers en osier, il en
récolte entre 10 et 20 kg au total. Une
pêche aléatoire qui se déroule deux fois
par semaine, entre avril et septembre,
quand la mer est parfaitement calme,
le long de cette plage très plate, sans
rocher ni obstacle de type digue ou
brise-lames qui pourraient blesser cet
équipage. Il semble que ce soit le seul
endroit au monde où ce type de pêche,
qui a aussi été pratiqué sur la côte
française, soit encore d’actualité. Juliette
réalise près de quatre-vingts photos en
Raw, qu’elle traitera avec Lightroom en
retouchant au minimum la luminosité ou
le contraste, rien d’autre, « pour rester
au plus près du réel ». L’image montre
l’attelage au moment où il sort de l’eau,
après trente ou quarante minutes de
pêche, pour ramener le filet vers le rivage
afin de le vider, avant qu’il ne soit trop
lourd. Le pêcheur va trier ses prises
et rendre les poissons et autres crabes
à la mer, avant de reprendre sa pêche.
Cette pratique traditionnelle saisonnière
ne permet pas de vivre, les pêcheurs qui
la pratiquent ont tous une autre activité.
Leproduit de cette pêche se verra cuisiné
et dégusté en famille.
Juliette, elle aussi, mène deux activités
de front. Elle termine actuellement des
études d’ingénieur en biologie, tout en

Par Gilles Klein

développant, en parallèle son travail de
photographe autodidacte, après avoir
fait des photos en amateur pendant une
dizaine d’années, et avoir passé un an
au Canada en 2016. Ses reportages et
ses photos documentaires sont diffusés

Photo

: J
uliette Pavy
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