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SAMEDI 7 MARS 2020
FRANCE
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Moins belle la vie pour LRM à Marseille
Le secrétaire d’Etat Laurent Nunez est venu soutenir Yvon Berland, le candidat LRM, crédité d’à peine 8 %
marseille correspondant
L
e déluge qui a lessivé Mar
seille, jeudi 5 mars, ne
s’est arrêté que quelques
minutes. Le temps pour
Laurent Nunez, secrétaire d’Etat
auprès du ministre de l’intérieur,
de quitter sa voiture et faire quel
ques pas sur la place de Stras
bourg, esplanade bourdonnante
du 3e arrondissement. Une rapide
prise de température dans deux
boucheries hallal, un magasin de
vêtements « de mode italienne » et
une pharmacie surpeuplée. Le
temps, pour l’ancien préfet de po
lice de Marseille, d’entendre les
électeurs de ce secteur très popu
laire lui parler « sécurité », « pro
preté » et « embouteillages ».
L’éclaircie n’a duré qu’un instant,
mais l’équipe d’Yvon Berland, le
candidat soutenu par La Républi
que en marche (LRM) dans la
course à la succession du maire
Les Républicains (LR), JeanClaude
Gaudin, y a vu un « signe positif ».
Désigné en décembre, l’ancien
président d’AixMarseille Univer
sité (AMU) tente de surnager dans
une campagne difficile, affectée à
la fois par le contexte national an
tiMacron, son propre manque de
notoriété et une poignée d’erreurs
personnelles. Et chaque visite de
soutien d’un membre du gouver
nement constitue un bol d’air
pour ce néphrologue de 69 ans,
qui « ne lâche rien », mais se de
mande s’il fera mieux que les 8 %
des voix dont le dernier sondage
Ipsos réalisé sur Marseille mijan
vier le crédite.
Remous brutaux
Les premières semaines du candi
dat Berland ont été rudes. La com
mission d’investiture de LRM a
d’abord mis plusieurs mois à
l’adouber. Son âge, sa raideur, une
popularité limitée à certains cer
cles médicaux ou universitaires
ne collaient pas à ce dont le mou
vement présidentiel rêvait pour la
deuxième ville de France. « Un re
tard que je ne comprends toujours
pas et que je paye encore », souffle
l’intéressé. Enfin lancé, Yvon Ber
land a failli tout perdre le 11 février
lorsque le site d’informations
Marsactu a révélé la série de textos
menaçants adressés à un journa
liste des Echos, auteur d’un article
critique. « Je pensais m’adresser à
un ami », s’est maladroitement jus
tifié le candidat, forçant le délégué
général de LRM, Stanislas Guérini,
à formuler des excuses.
M. Berland a également vu la dé
putée Alexandra Louis refuser de
soutenir sa campagne, et l’avocat
Gérard Blanc, « marcheur » histori
que, l’accuser dans un long mes
sage diffusé sur les boucles inter
nes du mouvement de faire des
choix « assurant directement la
réélection du sénateur Rassemble
ment national, Stéphane Ravier »
dans le 7e secteur de la ville.
Face à ces remous brutaux, le
candidat Berland n’a pas chaviré,
réussissant même quelques jolis
coups comme les ralliements de
l’exLR Caroline Pozmentier, ad
jointe à la sécurité de JeanClaude
Gaudin et viceprésidente du con
seil régional ; de la MoDem Marie
Florence BulteauRambaud ou du
conseiller personnel du président
de la région PACA Renaud Muse
lier, PierreLouis Cros. Alors que le
MoDem soutenait officiellement
son adversaire LR Martine Vassal,
des accords avec l’UDI et le mouve
ment Les Ecologistes l’ont aidé à
compléter ses listes. Des listes
dont le candidat LRM souligne
avec fierté « qu’elles sont celles qui
représentent le plus la diversité de
la population de Marseille ».
Jeudi soir, après son passage
éclair dans le 3e arrondissement,
Laurent Nunez a parfaitement
tenu son rôle d’invité d’honneur
du dernier grand meeting de cam
pagne avant le premier tour. Un
discours devant près de 600 sym
pathisants pour dire combien il
trouvait Yvon Berland « coura
geux », louer son « autorité » et sa
« volonté » et saluer un pro
gramme taillé, selon lui, « pour re
coudre Marseille » et ses inégalités
sociales. Le secrétaire d’Etat, qui a
un temps imaginé être luimême
candidat dans la ville, n’a toutefois
pas eu le temps d’entendre son
protégé décliner ses propositions.
Il a quitté en catimini la scène du
Palais des congrès avant même
l’arrivée de M. Berland. « Je ne suis
pas venu pour relancer la campa
gne d’Yvon, mais pour soutenir
nos listes, comme je le fais dans
toute la France. J’ai aidé à son choix.
Il fait une bonne campagne, a
un programme très complet qui
donne la priorité à l’école, au loge
ment... Il est crédible », a juste eu le
temps de glisser le secrétaire d’Etat
déjà en route vers l’aéroport.
« Ni bien ni mal »
« Laurent Nunez n’est pas n’importe
quel membre du gouvernement.
Sa présence est un signe fort », se
satisfait la tête de liste LRM dans le
2 e secteur, Maliza Saïd Soilihi,
transfuge de la majorité Gaudin.
« Et cela nous permet aussi de mon
trer qu’on travaillera avec l’Etat
après l’élection », glisse cette avo
cate, spécialiste des fonds euro
péens. Dans une ville financière
ment exsangue, le candidat Ber
land fait de son lien privilégié avec
le gouvernement un de ses argu
ments de campagne. Mais cette
proximité est aussi l’une des cau
ses de ses difficultés sur le terrain.
Jeudi, devant son meeting, quel
ques dizaines de manifestants affi
chaient leur mécontentement
contre l’utilisation du 49.3 dans le
A Angers, deux militants communistes écartés de la campagne
La direction nationale du PCF avait demandé la mise à l’écart des deux colistiers mis en cause dans des agressions sexuelles présumées
angers correspondant
L
es communistes angevins
vivent des jours doulou
reux. Deux candidats PCF
sur la liste d’union menée par un
écologiste (ainsi que Génération.s
et Nouvel Elan, un microparti
de centre gauche macroncom
patible) ont été écartés de la
campagne après des accusations
d’agressions sexuelles. Mardi
3 mars, Le Courrier de l’Ouest révé
lait qu’un militant communiste
de 23 ans, figurant en 15e position
sur la liste d’union, était visé
par ces accusations. Mercredi, un
autre colistier était mis en cause
pour des faits similaires.
La tête de liste, le Vert Yves Auré
gan, un chercheur en acoustique
très peu rompu aux joutes électo
rales, balayait alors ces accusa
tions émanant d’anciens mili
tants de l’UNEF et des Jeunesses
communistes, non étayées par des
plaintes en justice. « Pour nous, ex
pliquaitil lundi, la solution la plus
facile, c’était de le virer. Mais c’est
contraire à notre éthique, c’est la
porte ouverte à toutes les dénoncia
tions. Ça sentait la rancœur poli
tique ou le règlement de comptes
entre jeunes de factions rivales. »
La contradiction n’a pas tardé à
venir au sein de sa propre al
liance. La direction nationale du
PCF se chargeant de porter le fer
dans la plaie en rappelant que le
cas du jeune homme en question
avait été tranché en 2019 par la
commission « Stop violences »,
créée en toute hâte après les scan
dales sexuels qui ont secoué le
Mouvement des jeunes commu
nistes de France.
Cette commission avait notam
ment auditionné une victime du
militant communiste angevin et
conclut son enquête par une dé
cision sans appel : « Les éléments
présentés par le témoignage sont
suffisamment précis pour empor
ter la conviction que “S.” a porté
atteinte, par son comportement,
aux valeurs fondamentales du
Parti communiste. En l’absence de
dépôt de plainte, le dispositif pré
conise sa mise à l’écart de toutes
responsabilités. »
Cette décision n’a pourtant pas
été entendue au niveau local. Lors
de la constitution de la liste com
mune pour les élections munici
pales, le secrétaire départemental,
Alain Pagano, a ainsi proposé le
nom de « S. » à une place éligible.
Mis face à cette incohérence,
M. Pagano a d’abord affirmé lundi
qu’il n’avait pas eu connaissance
de l’avis de cette commission
même s’il siège au bureau national
du PCF, avant de reconnaître le
lendemain qu’il en avait bien été
avisé « mais oralement » et l’avait
tout simplement oubliée.
Ce qui a provoqué une réaction
cinglante de la direction du Parti
communiste mardi soir : « Le dis
positif national du PCF de lutte
contre les violences sexuelles a
rendu un avis en juin 2019 qui n’a
pas été pris en compte par les direc
tions locales, à Angers. La direction
nationale du PCF conteste ce choix
local inadmissible et réaffirme son
soutien aux victimes. »
Ramer à contre-courant
M. Pagano n’en avait pas fini avec
les ennuis, et avec lui la liste
d’union conduite par les écologis
tes. Mercredi, une deuxième af
faire leur tombait dessus quand
des témoignages de victimes met
taient au jour la présence d’un
autre agresseur présumé sur la
même liste, « M. », lui aussi issu des
jeunes communistes et calé en
35 e position, et visé cette fois par
une accusation de viol.
Plus question de tergiverser, cet
étudiant de 22 ans a été immédia
tement écarté, deux heures après
que le premier colistier visé a été
luimême prié de se tenir à l’écart
de la campagne et de s’engager à
démissionner si jamais il devait
être élu. Ni l’un ni l’autre ne peu
vent néanmoins être rayés, les lis
tes étant officiellement figées
depuis le 27 février. Tous les deux
nient d’ailleurs les accusations
dont ils font l’objet.
Pour Alain Pagano, conseiller
municipal sortant (il faisait équipe
avec les socialistes en 2014 avant
de se rallier aux écologistes), per
siste à penser qu’il s’agit là d’une
revanche politique d’une « liste
qui instrumentalise cette affaire ».
Après le second cas révélé mardi,
le secrétaire départemental du
PCF se faisait plus discret : « Face à
ces accusations très graves, nous
sommes des victimes collatérales. Il
n’y avait rien qui laissait penser que
ces militants soient soupçonnables
de quoi que ce soit quand on les a
présentés sur la liste. »
Pour ses partenaires, le mal est
fait. Il faut maintenant ramer à
contrecourant. « Plus que ja
mais, nous réaffirmons l’impor
tance que nous accordons à la pa
role des victimes de violences et
agressions sexuelles et sexistes et
le soutien que nous leur appor
tons », écrivaientils mercredi
dans un communiqué.
A un peu plus d’une semaine
du premier tour des municipa
les, cette crise tombe au plus mal.
La liste d’union EELVPCF pen
sait, en effet, tenir sa revanche
sur les socialistes, qui ont long
temps régné sur la vie de la cité.
Isolé, le PS est dans un état de
faiblesse inédit. Face au maire
sortant, Christophe Béchu (exLR
et soutien d’Emmanuel Macron,
élu en 2014), la gauche ne nour
rissait pourtant aucun espoir sé
rieux, sinon d’incarner la future
opposition.
yves trécadurand
Le candidat LRM à Marseille,
Yvon Berland, lors
d’un meeting, le 5 mars.
FRANCE KEYSER POUR « LE MONDE »
Le candidat
Berland fait
de son lien
privilégié avec
le gouvernement
un de ses
arguments
de campagne
cadre de la réforme des retraites.
Le 22 février, 150 « gilets jaunes »
ont bloqué l’inauguration de sa
permanence du 2e secteur. « C’est
un déni de démocratie et il faut
avoir le courage de le dire », a réagi
Laurent Nunez.
« Tout cela ne nous fait ni bien ni
mal, relativise le député LRM Saïd
Ahamada, porteparole d’Yvon
Berland et candidat dans le 8e sec
teur. La situation de Marseille est
si critique que les sujets nationaux
n’entrent pas en ligne de compte
dans ces municipales. Il faut se ren
dre compte que nous sommes au
XXIe siècle, dans la deuxième ville
de France et qu’ici, les électeurs de
mandent des logements dignes et
des écoles décentes. » A la tribune,
le candidat Berland a appelé ses
troupes à se mobiliser dans la der
nière ligne droite : « On n’a qu’une
ville. Reprenonsla en main! »
gilles rof