Le Monde - 05.03.2020

(Tina Meador) #1
0123
JEUDI 5 MARS 2020 planète| 11

Union européenne : les ambiguïtés de la loi climat


La Commission annonce un objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 pour l’UE, et non pas pays par pays


bruxelles ­ bureau européen

U


rsula von der Leyen a
le sens de la mise en
scène. En invitant
Greta Thunberg à par­
ticiper à la réunion hebdoma­
daire de la Commission de
Bruxelles, mercredi 4 mars, elle
souhaite marquer les esprits.
Alors que l’exécutif européen
doit à cette occasion discuter de
la future loi climat, sa présidente
sait qu’elle joue une partie de sa
crédibilité. Car il s’agit là de l’arse­
nal juridique qui doit encadrer le
Green Deal, dont elle a fait sa
priorité numéro un.
Certes, le projet de loi sera
amendé par le Parlement euro­
péen et les Etats membres et, de
cela, Mme von der Leyen ne pourra
être tenue pour responsable. Mais
sa proposition législative reste un
marqueur de son ambition et de
l’environnement – politique et di­
plomatique – dans lequel elle es­
time pouvoir avancer ses pions.
Ce texte inscrit dans le marbre
l’objectif de neutralité carbone
pour 2050 sur lequel se sont en­
tendus tous les Etats membres de
l’Union européenne (UE), à l’ex­
ception de la Pologne, en décem­
bre 2019. Compte tenu du retard
que l’Europe a déjà pris dans la
mise en œuvre de l’accord de Pa­
ris, il prévoit que l’UE intensifie
ses efforts. Avec, à l’échéance de
2030, « un nouvel objectif consis­
tant à réduire les émissions [de
CO 2 ] de 50 % à 55 % par rapport à
1990 », quand il est aujourd’hui
prévu une baisse de 40 %.

Mme von der Leyen avait pris ces
engagements dès sa nomination,
en juillet 2019. A ce stade, la pro­
position législative de la Commis­
sion entretient certaines ambi­
guïtés. Ainsi, pour 2050, elle évo­
que un objectif pour l’UE, et non
pas pays par pays. Alors que cer­
tains Etats membres, comme
l’Autriche, la Finlande ou la Suède
ont déjà assuré qu’ils attein­
draient la neutralité climatique
avant 2050, d’autres pourraient
s’accorder un peu plus de temps.
En théorie, cette souplesse ne
devrait concerner que la Pologne,
puisqu’elle est le seul des Vingt­
Sept à avoir refusé de s’engager
sur 2050. La Commission espère
que Varsovie fera évoluer sa posi­
tion. D’autant que le fonds de
transition équitable, imaginé
pour accompagner les pays dont
les économies sont les plus dé­
pendantes du charbon, est parti­
culièrement généreux à son
égard : la Pologne devrait recevoir
2 milliards d’euros des 7,5 mil­
liards dont le fonds sera doté.
« La Pologne est un cas spécifi­
que, avec 80 % de son électricité
qui provient du charbon », plaide
Pascal Canfin, président de la
commission environnement au
Parlement européen. Certes, mais
rien ne garantit que d’autres pays
ne voudront pas, eux aussi, se voir
accorder un délai supplémen­
taire. « Il ne faudrait pas que ce soit
la porte ouverte à toutes les de­
mandes », poursuit l’eurodéputé.
Pour 2030, la Commission af­
firme attendre le résultat d’une
étude d’évaluation des deux scé­

narios (50 % et 55 %) pour arrêter
sa décision « d’ici à septembre ».
Une ambition insuffisante et une
échéance trop tardive, jugent les
ONG, à l’image de Greenpeace, et
une majorité de parlementaires.
Tout comme, d’ailleurs, une par­
tie des Etats membres.

Pas d’objectif intermédiaire
Dans une lettre envoyée mardi au
vice­président exécutif de la Com­
mission, Frans Timmermans,
douze ministres de l’environne­
ment – autrichien, danois, espa­
gnol, finlandais, français, italien,
letton, luxembourgeois, néerlan­
dais, portugais, slovène, et suédois


  • demandent à Bruxelles de fixer
    un objectif pour 2030 en juin au
    plus tard. Ces pays invoquent l’ar­
    gument du temps qui presse si
    l’UE ne veut pas rater l’occasion
    d’arrimer Pékin à sa lutte contre le
    réchauffement climatique lors du
    sommet UE­Chine, en septembre,
    et arriver les mains vides à la
    COP26 de Glasgow, en novembre.


« Il n’y a pas de majorité au Con­
seil [qui réunit les Etats mem­
bres], les résistances d’hier n’ont
pas disparu, c’est pour ça que la
Commission essaie de gagner du
temps », commente Philippe Lam­
berts, coprésident du groupe des
Verts au Parlement européen.
Certains pays – notamment
d’Europe de l’Est, mais aussi la
Grèce, Chypre ou Malte – sont en
effet très opposés à une baisse des
émissions de CO 2 en 2030 plus
forte que prévue. L’Allemagne el­
le­même, qui doit prendre la pré­
sidence de l’UE au 1er juillet et qui
est jusqu’ici restée silencieuse sur

le sujet, n’apparaît pas très al­
lante. « Soit Angela Merkel aura le
pied sur le frein, soit elle aura à
cœur de laisser une trace forte de
son passage à la chancellerie
avant les prochaines élections.
Pour l’instant, on ne peut pas sa­
voir », juge Pascal Canfin.
D’ici à 2030, la Commission ne
prévoit pas d’objectif intermé­
diaire en matière de réduction
des émissions. En juin 2021, l’exé­
cutif communautaire arrêtera
l’ampleur des efforts que devra
consentir chaque Etat membre et
présentera ses projets de réforme
en matière de taxation de l’éner­
gie (notamment dans les trans­
ports aérien et maritime), du sys­
tème communautaire d’échanges
de quotas d’émissions, du méca­
nisme d’ajustement carbone aux
frontières ou encore des émis­
sions des véhicules.
Pour le reste, il évaluera l’impact
carbone de toutes les nouvelles
lois que Bruxelles pourrait initier.
Et fera des recommandations aux

Etats membres, dès 2023, afin de
les inciter à faire le nécessaire
pour respecter le futur objec­
tif 2030. « Si un Etat membre n’[en]
tient pas compte, il devra s’en ex­
pliquer auprès de la Commission »,
peut­on lire dans le projet de loi.
Entre 2030 et 2050, la Commis­
sion prévoit d’adopter des actes
délégués – une procédure qui lui
donne la main et lui permet d’évi­
ter des négociations souvent ar­
dues avec les Etats membres et le
Parlement européen – pour défi­
nir « la trajectoire » carbone de
l’UE, laquelle pourra être révisée
tous les cinq ans. Mai il est peu
probable que le Parlement de
Strasbourg et les Etats membres
laissent faire. « C’est bien essayé de
la part de la Commission, mais je
ne vois pas comment ça peut pas­
ser. Les actes délégués sont réservés
aux éléments non essentiels et je ne
pense pas qu’un objectif de réduc­
tion des émissions carbone en soit
un », s’insurge un diplomate.
virginie malingre

La Pologne
est le seul
des Vingt-Sept
à avoir refusé
de s’engager
sur 2050

A compter du jeudi 5 mars,


la France a une dette climatique


I


l y avait déjà le jour du dépassement, la date à laquelle l’hu­
manité a consommé l’ensemble des ressources que la Terre
peut régénérer en un an – le 29 juillet en 2019. Il y a désor­
mais le jour du dérèglement : jeudi 5 mars, en à peine plus de
deux mois, la France aura émis tous les gaz à effet de serre
qu’elle pourrait rejeter en une année si elle respectait
aujourd’hui l’objectif de neutralité carbone qu’elle s’est fixé
pour 2050. Un objectif que le pays n’atteindra au rythme actuel
des émissions qu’en... 2085.
Voilà le calcul réalisé par le cabinet de conseil Carbone 4 pour
les quatre associations de l’« affaire du siècle » (Notre affaire à
tous, Greenpeace France, Oxfam France et la Fondation Nicolas
Hulot pour la nature et l’homme), engagées dans un recours ju­
ridique contre l’Etat pour inaction climatique et soutenues par
2,3 millions de signataires d’une pétition en ligne.
Pour parvenir à ce résultat, Carbone 4 s’est appuyé sur les chif­
fres contenus dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC),
l’outil de pilotage de la politique climatique du pays. Pour être
neutre en carbone d’ici au milieu du siècle, la France ne devra
pas dépasser un plafond annuel d’émissions de 80 millions de
tonnes équivalent CO 2 – des rejets
considérés comme incompressibles
(dans l’agriculture notamment), qui
seront compensés par des puits de
carbone naturels (forêts, prairies,
etc.) ou par des techniques de sé­
questration. Or, les émissions fran­
çaises devraient atteindre cette an­
née autour de 450 millions de ton­
nes équivalent CO 2 – selon une pro­
jection réalisée par Carbone 4 –, soit
plus de cinq fois plus.
« On savait que la France n’était pas
sur les rails, mais pas qu’il y avait
autant de chemin à parcourir. Il ne
reste qu’une génération – trente ans –
pour faire reculer le jour du dérèglement de 300 jours, jusqu’au
31 décembre, prévient Célia Gautier, responsable climat­énergie
à la FNH. Chaque jour où l’on procrastine vient creuser notre
dette climatique. Or, on ne voit aucune redirection du gouverne­
ment par rapport au retard accumulé. »
Ce jour du dérèglement illustre d’une nouvelle façon un retard
que le Haut Conseil pour le climat avait déjà souligné dans son
rapport de juin 2019. L’instance indépendante avait montré que
le rythme de baisse des émissions (de 1,1 % par an sur la période
2015­2018) est nettement insuffisant pour atteindre la neutralité
carbone, en raison essentiellement de blocages dans les trans­
ports et le bâtiment. Le gouvernement, dans le rouge, a révisé la
SNBC pour augmenter les budgets carbone – c’est­à­dire les pla­
fonds d’émissions – prévus entre 2019 et 2023. Autrement dit, la
France s’autorise à rejeter dans l’atmosphère davantage de gaz à
effet de serre à court terme, un retard qui l’obligera à redoubler
d’efforts sur le long terme – sauf à manquer son objectif.
audrey garric

« IL NE RESTE 


QU’UNE GÉNÉRATION 


– TRENTE ANS – 


POUR FAIRE RECULER 


LE JOUR 


DU DÉRÈGLEMENT 


DE 300  JOURS », 


SELON CÉLIA GAUTIER


PUBLICITÉ


APL :


CHRONIQUE D’UNECASSE PROGRAMMÉE?


La Fédération nationale des Offices Publics del’Habitat est signataire duPacte du pouvoir de vivre.

ACTE 3 – Un nouveaucoup porté aux APL avecle revenu


universel d’activité (RUA)?


Marcel ROGEMONT,
Président de la Fédération
nationale des Offices Publics
de l’Habitat.

Àbudget


constant,avec


desminima


sociauxmal


financés,avec


unnombreplus


importantde


bénéficiaires,


leséconomies


seferontsur


lesAPL.


Une nouvelle menace se profile avecle risque d’intégration des APL au RUA. Ce dernier
projette deregrouper des aides sociales pour plus de simplicité et d’inciter à lareprise
d’une activité. La Fédération nationale des Offices Publics del’Habitat soutientcet objectif.
Cependant, intégrerles APL au RUA est incompréhensible et dangereux.


  • Incompréhensiblecar les APLconcernent aussi bien desretraités, des étudiants que des
    salariés en activité. Elles sont une aide à la personne pour seloger décemment
    et à un prix abordable. Les APL ne peuvent donc être liées à lareprise d’une activité.

  • Dangereux au vu de la politique que mènele gouvernement depuis 2017contre les APL.
    Elles pourraient être lavariable d’ajustement du futur RUA. Il devrait en effetconcerner
    plus de personnes, à budgetconstant. Il y a aura doncforcément des perdants :
    les ménagestouchantles APL.


Arrêtons lacasse des APL.
Exigeons la sortie des APL du RUA.

http://www.foph.fr


  • 229Offices Publics de l’Habitat adhérents

    • 2,4 millionsde logements sociaux

    • Près de5 millions de locataires




LA FÉDÉRATION DES OPH C’EST :
Free download pdf