Marie-Josée Cougard
@CougardMarie
A peine rentré du sommet euro-
péen sur le prochain budget de
l’UE, Emmanuel Macron devrait se
rendre porte de Versailles, à Paris,
pour l’inauguration du Salon de
l’agriculture, samedi matin. Ce
sera p our le chef de l’Etat l’o ccasion
d’annoncer le lancement d’une
vaste consultation des Français sur
l’utilisation des aides accordées
par l’Europe aux agriculteurs.
En France, première puissance
agricole de l’UE, elles s’élèvent à
9 milliards d’euros par an, sans les-
quels un agriculteur sur cinq
n’aurait aucun revenu.
Réforme de la PAC
L’initiative, dont on perçoit bien la
raison politique, risque néanmoins
de n’être pas très bien p erçue par un
monde agricole de plus en plus cha-
huté, davantage en quête de réassu-
rance que de nouvelles mises en
cause. Cette consultation sera éten-
due à l’ensemble des territoires et
durera jusqu’à l’été.
Les conclusions viendront enri-
chir « le plan stratégique » natio-
nal que la Commission euro-
péenne attend de chaque pays
ALIMENTATION
Où en est le revenu des agricul-
teurs? A la veille de l’ouverture du
Salon de l’agriculture Porte de Ver-
sailles, les agriculteurs dressent un
premier bilan de la loi pour l’équili-
bre des relations commerciales
dans le secteur agricole et une ali-
mentation saine et durable (Ega-
lim) promise par le chef de l’Etat
comme l’instrument qui ferait
remonter la valeur ajoutée dans
leur direction.
La spirale à la baisse
des prix stoppée
Au bout de seize mois, une partie
du chemin annoncé a été parcou-
rue. La spirale à la baisse des prix
alimentaires, qui semblait irré-
médiablement installée depuis
cinq ans a été stoppée au profit
d’une légère inflation de +0,3 %.
« On a cessé de détruire de la valeur
et on est bien loin de la flambée de
10 % des prix dont Michel-Edouard
Leclerc menaçait les consomma-
teurs », se félicite Patrick Bénézit,
secrétaire général adjoint de la
Fédération nationale des syndi-
cats d’exploitants agricoles
(FNSEA), chargé de ce dossier. Le
renforcement des contrôles de la
DGCCRF et le poids des amendes
aux distributeurs ont joué à plein.
En revanche à ce stade, les effets
ne sont pas vraiment sensibles sur
le revenu agricole. « Si les relations
commerciales semblent apaisées, le
retour de valeur dans les cours de
ferme est loin d’être acquis »,
regrettent unanimement les Jeu-
nes Agriculteurs et la FNSEA. Le
Modef souligne, lui, que « les prix
payés aux paysans restent très fai-
bles ». La Confédération paysanne
déplore que « les hausses de prix
du lait sont loin de couvrir l es coûts.
Dans les autres secteurs c’est pire ».
Prise en compte des coûts
de production
Le secteur laitier semble le seul à
avoir un peu profité du nouveau
mode de fonctionnement. De
3,50 euros le litre, le prix du lait au
producteur a grimpé à 3,80 euros.
Un bénéfice découlant de la mise
en place de contrats entre agricul-
teurs et industriels et, surtout, de
la prise en compte par les entre-
prises des coûts de production des
éleveurs pour calculer leur rému-
nération. « Même Lactalis joue le
jeu », dit Christiane Lambert, la
présidente de la FNSEA. « Il y a
encore un an, ils ne voulaient même
pas en entendre parler. »
Cependant la générosité
des entreprises à l’égard des pro-
ducteurs a été très variable. Les
groupes Bel (La vache qui rit) et
Savencia (Caprice des Dieux) ont
consenti des hausses deux fois
supérieures à Sodiaal (Yoplait) et
Lactalis (Président). La différence
tiendrait au poids important des
marques de distributeur (MDD)
dans l’activité de ces deux der-
niers. Danone, qui a en outre
beaucoup diminué sa collecte,
vient très loin derrière avec la plus
faible des augmentations, s’inscri-
vant en retrait de 12 à 50 % par rap-
port aux moins-disants.
Des engagements
très limités
Poussée par le gouvernement, la
contractualisation s’est dévelop-
pée. « On est passé de contrats
anecdotiques à une contractualisa-
tion portant sur 10 à 15 % des volu-
mes de lait avec la distribution »,
estime Patrick Bénézit. C’est insuf-
fisant. « Aucune enseigne ne joue le
jeu sur toute la production. » La
FNSEA souhaite que la revalorisa-
tion des tarifs p orte sur l’ensemble
des volumes, y compris ceux qui
sont vendus s ous MDD, qui échap-
pent au champ de la loi Egalim.
Sur les viandes, « les engagements
sont très faibles ». Du côté des
fruits et légumes, ce n’est pas
mieux. Le secteur, très atomisé,
peine toujours à fournir des indi-
cateurs de coûts de production.
Autre mesure phare de la loi,
l’encadrement des promotions,
lui aussi destiné à stopper la des-
truction d e valeur, est très diverse-
ment apprécié. Il a été perçu
comme dépresseur de l’activité
des produits festifs (foie gras et
saumon fumé), dont les ventes ont
plongé de 10 % de ce fait, selon la
profession. —M.-J. C.
La loi Egalim a enrayé la déflation des prix alimentaires
Seize mois après le vote
de la loi Egalim, censée
améliorer le revenu
des agriculteurs, les acteurs
de la filière font le point.
Si la déflation des prix
alimentaires, qui durait
depuis cinq ans, a été
enrayée, c’est sans effet,
à ce stade, dans les comptes
des exploitations agricoles.
membre, à la rentrée, pour
préparer la nouvelle politique
agricole commune (PAC). Le gou-
vernement français a dit son h osti-
lité à toute baisse du budget, mais
ne précise pas, à ce stade, sa posi-
tion sur la répartition des crédits
entre les aides à la production
(baptisées « premier pilier » de la
PAC) et les aides écolo-rurales
(« deuxième pilier »).
« Le président a toujours souhaité
accompagner les agriculteurs,
mieux rémunérer les services ren-
dus à l’environnement tout en main-
tenant un revenu suffisant », indi-
que un de ses conseillers.
Le chef de l’Etat n’a pas prévu
d’allocution p articulière ni
d’annonce spécifique dans le cadre
du Salon. En revanche, plusieurs
rendez-vous sont planifiés.
Taxes sur les vins
Emmanuel Macron rencontrera
des agriculteurs malmenés par des
événements extérieurs à leur pro-
fession. Parmi ceux-ci, les viticul-
teurs affectés par l e conflit e ntre l es
Etats-Unis et l’UE sur le cas Airbus,
qui leur vaut, depuis le 18 octobre
une surtaxation de 25 % des vins
français à l’entrée sur le marché
américain. Une mesure de repré-
sailles commerciales. « Le prési-
dent échangera sur les compensa-
tions au conflit Airbus déjà
transmises à la Commission euro-
péenne. Il faut en déterminer très
finement l es mécanismes », précise-
t-on dans son entourage. Il verra
également les pêcheurs, très
inquiets de l’issue du Brexit, dont
dépend leur accès aux eaux sous
juridiction britannique et leur ave-
nir professionnel.
Pesticides
La question des distances à respec-
ter avec les habitations lors de la
pulvérisation des pesticides sera
sans nul doute un des sujets les plus
hautement sensibles abordés par
Emmanuel Macron au Salon. Les
agriculteurs demandent des com-
pensations pour ces zones de non-
traitement, qui leur ont été impo-
sées par décret le 27 décembre.
« Nous nous sommes brusquement
trouvés entourés par toutes sortes de
voisins et interdits de production sur
une masse d’hectares », déplore Eric
Thirouin chargé du dossier à la
Fédération nationale des syndicats
d’exploitants agricoles (FNSEA).
Dans la Marne, l’interdiction
d’épandage frappe 4.000 hectares.
« En Champagne, 800 hectares sont
sortis de la production. Qui paie? »,
interroge Christiane Lambert, pré-
sidente de la FNSEA.
Incontournable aussi, la loi sur
l’alimentation voulue par Emma-
nuel Macron et dont c’est la pre-
mière année d’application. Le gou-
vernement estime qu’« elle a
apporté quelques améliorations,
mais on n’est pas au bout du che-
min », concède un conseiller du
Président. Parmi les sources de
satisfaction, la mise au point
d’indicateurs de production, qui
donnent des bases tangibles pour
une rémunération plus juste des
agriculteurs, ainsi que le regrou-
pement de ceux-ci en organisa-
tions de producteurs. Ce qui doit
les placer en meilleure position
pour négocier les prix.
(
L’éditorial de
Jean-Marc Vittori
Page 14
lLe Salon de l’agriculture sera l’occasion pour le chef de l’Etat de lancer une
vaste consultation sur l’utilisation des aides européennes aux agriculteurs.
lLa démarche, qui sera déclinée dans les territoires, durera jusqu’à l’été.
lLes conclusions enrichiront le plan stratégique que la France doit
transmettre à la Commission européenne dans le cadre des discussions
sur la prochaine politique agricole commune.
Aides agricoles : Macron
lance une grande
consultation des Français
« Le président
a toujours souhaité
accompagner
les agriculteurs,
mieux rémunérer
les services rendus
à l’environnement
en maintenant un
revenu suffisant. »
UN CONSEILLER
DU CHEF DE L’ÉTAT
Le président de la Republique (ici en 2019)
inaugurera le Salon de l’Agriculture,
à Paris, samedi matin à son retour
du sommet européen sur le Budget de l’UE.
Photo Hamilton/RÉA
ENTREPRISES
Vendredi 21 et samedi 22 février 2020Les Echos