Les Echos Vendredi 21 et samedi 22 février 2020 PATRIMOINE// 39
Marie-Christine Sonkin
@mcsonkin
Alerte sur l’or blanc! Certaines sta-
tions sont obligées d’interrompre
leurs activités hivernales. « Il n’y a
plus de neige à Bagnères-de-Lu-
chon », signalait l’AFP le 4 février
dernier. La station de ski de
moyenne altitude (entre 1.350 et
1.860 mètres) du Mourtis, dans les
Pyrénées centrales, a annoncé sur
sa page Facebook que les « condi-
tions d’enneigement ne permettent
pas d’ouvrir le domaine skiable dans
de bonnes c onditions et en toute s écu-
rité » entraînant la fermeture du
domaine skiable « pour une durée
encore indéterminée ».
Selon l’Observatoire pyrénéen
du changement climatique (OPCC),
l’épaisseur de neige pourrait dimi-
nuer de moitié dans ce massif et les
températures maximales moyen-
nes augmenter de 1,4 à 3,3 degrés
d’ici à 2050. Mais il y a pire : la sta-
tion des Hautes-Navières au Valtin
dans l es Vosges a dû fermer d éfiniti-
vement.
Projections incertaines
S’il y a de quoi s’alarmer, les prévi-
sions ne sont pas aussi catastrophi-
ques pour tous les massifs. Selon
Météo-France/Drias, les modèles
climatiques prévoient tous une
augmentation progressive au cours
du XXIe siècle de la température
moyenne de l’air sur l’ensemble du
globe. En France, cette augmenta-
tion se situerait à l’horizon 210 0
entre +1 °C et +5 °C par rapport à la
moyenne 1976- 2005. Cette très
large fourchette est due aux diffé-
rences entre les résultats de chaque
modèle de climat, mais aussi à
l’incertitude sur les quantités d e gaz
à effet de serre que l’humanité
émettra au cours du siècle... et à des
différences régionales.
Pour la chambre professionnelle
Domaines Skiables de France
(DSF), concernée au premier chef
par les questions d’enneigement,
« il pourrait y avoir, à côté de bons
hivers, des hivers normaux et des
hivers peu enneigés. Lentement, les
bons hivers pourraient se raréfier et
les hivers moins favorables devenir
plus fréquents, tandis que l’enneige-
Les constats de Méteo-France
L’enneigement de début février 2020 pré-
sentait une physionomie différente selon
le massif et l’altitude : ainsi, dans les Alpes,
il est dans l’ensemble très satisfaisant,
mais il reste déficitaire en dessous de
1.600 mètres environ, s’améliorant rapide-
ment avec l’altitude, pour devenir excéden-
taire au-dessus de 1.800 à 2.000 mètres.
En Corse, le manque de neige persiste,
il faut monter vers 1 .700 mètres pour
en trouver un peu ; dans les Pyrénées, il est
nettement déficitaire dans les deux tiers
ouest de la chaîne, sauf à haute altitude,
au-dessus de 2.200 mètres environ ;
quant aux massifs de moyenne montagne,
l’enneigement y est toujours maigre.
la matière première qui attire
vacanciers et investisseurs fait
désormais défaut.n
ment moyen pourrait baisser pro-
gressivement ».
Actuellement les professionnels
travaillent à réduire la vulnérabilité
des stations au changement clima-
tique « Neige de culture, damage et
travaux d’aménagement des pistes
ont permis de diviser par trois l’expo-
sition des stations à cet aléa depuis
vingt-cinq ans », affirme DSF. Les
efforts ont payé car, dans l’immé-
diat, l’activité ski n’est pas menacée.
Dans les Alpes du Nord, proba-
blement pas, mais dans d’autre
massifs, même les techniques
modernes ne suffisent pas à pallier
le manque de précipitations et sur-
tout le réchauffement, très sensible
cette année.
A Montclar, dans les Alpes-de-
Haute-Provence, à 1.350 mètres
d’altitude, au-dessus du lac de Ser-
re-Ponçon, très bien pourvue en
canons à neige, la station n’a toute-
fois pas réussi à ouvrir pour Noël.
L’or blanc manquait sur une por-
tion de piste indispensable, malgré
tous les efforts déployés pour le
transporter depuis les sommets.
La limite pluie-neige ne cesse de
s’élever. Passée de 1.200 mètres
autrefois à environ à 1.500 mètres
aujourd’hui, elle pourrait atteindre
1.700 mètres d’ici à 2050. Les nou-
velles activités développées par les
stations de moyenne montagne et
les atouts mis en avant pendant les
périodes d’été ne suffiront proba-
blement pas pour maintenir leur
attractivité.
Un triste constat qui pourrait
encore accentuer le différentiel de
prix entre les stations de haute
montagne les plus huppées où
s’envole l’immobilier de luxe et les
villages plus proches de la vallée où
L’ immobilier est un inves-
tissement de long terme.
Or, à l’horizon 2050, nom-
bre de massifs sont mena-
cés par le réchauffement.
Ce qu’il faut savoir pour
s’engager en toute connais-
sance de cause.
L’enneigement suscite
de plus en plus d’inquiétudes
«
Lentement,
les bons
hivers pourraient
se raréfier
et les hivers moins
favorables devenir
plus fréquents,
tandis que
l’enneigement
moyen pourrait
baisser
progressivement.
DOMAINES SKIABLES
DE FRANCE
Le recours à l’hélicoptère
« n’est pas une voie possible »
A Luchon-Superbagnères, dans les Pyrénées, le Conseil
départemental de Haute-Garonne a décidé de faire livrer
de la neige par hélicoptère. Les 14 et 15 février dernier,
50 tonnes ont été transportées en deux heures et demie.
Une solution extrême désapprouvée par Elisabeth
Borne. « Enneiger les stations de ski par hélicoptère,
ce n’est pas une voie possible », a déclaré le ministre
de la Transition écologique.