Les Echos - 21.02.2020

(vip2019) #1
24 –LES ECHOS WEEK-END

BUSINESS STORY


finiravecla pollutionnucléaire causée par sa
flotteàl’abandon en mer deBarents »,rappelle
Camille Escudé,chercheuseàSciences Po.
Dès ledépart,l’environnement est le trait
d’unionentre ces pays.Une notedebasdepage
de la déclaration d’Ottawa,son actede
naissance, précise d’ailleursexpressémentque
le Conseil del’Arctiquenepeut être«saisi
des questionsintéressantlasécuritémilitaire ».
«Cet exceptionnalismearctique était la
condition sine qua non pour quela coopération
reste pacifique entredeux puissances aussi
rivalesquelaRussieet lesÉtats-Unis »,poursuit
CamilleEscudé.Maiselle estpeut-être
aujourd’huisontalond’Achille.
«LeConseil de l’Arctique n’est ni une
organisation internationale ni un organe
de régulation mais un forum de coopération,
ce qui ne l’empêche pas d’avoir un impact sur
la gouvernance de larégion »,répond Einar
Gunnarsson, dans unepetite salle du secrétariat
permanent du Conseil logé dans le bâtiment à
l’architecture très scandinave duFram Center
(dunom de la première goélette quiaréalisé
la dérivetranspolaire)àTromsø. Preuveque
le Conseilpeut avoir une influence,
l’ambassadeur islandais évoque les trois
accords contraignants adoptés depuis 2011 sur
le secours en mer,lalutte contre lapollution
et la coopération scientifique. Il donne aussi
l’exemple du moratoire sur lapêche dans les
eaux internationales de l’océan Arctique signé
en 2018 par tous les Étatsayant des flottes de
pêche. Enfin, Einar Gunnarsson mentionne
l’élargissementà38paysetorganisations du
statut d’observateur (laFranceyest depuis
2000).«LeConseilafrappé un grand coup en
2013 en s’ouvrantàdes paysasiatiques comme la
Chine et le Japon. Cela leurapermis de déclarer
que plus de 50% de la population mondiale était
représentée au sein du conseil et defairetaire
certaines critiques »,pointe AlexandreTaithe.

L’ENJEU DUPASSAGE DU NORD-EST
Malgré tout,leConseilde l’Arctiquen’évolue
pas assezauxyeux de l’Unioneuropéenne
–dont lacandidatureaété plusieursfois
retoquéedu fait de son interdiction dela
chasse aux phoquespuisdes sanctions contre
la Russie–etdes pays observateurs quin’ont
pas dedroitdevoteetuntemps deparole
limité auxréunionsministérielles.Seuls les
huitmembres fondateurs prennent les
décisions,àl’unanimité, les organisations
représentatives despeuples autochtones
(Inuits,Samis,Gwich’in,etc.)n’ayant elles-
mêmesqu’unavis consultatif.«Aufur et à
mesuredelapolitisation des enjeux avec le
réchauffementclimatique,lagouvernancedu
Conseil de l’Arctiquese referme.Quand l’Union
européenne ou la Chineveulent intervenir,c’est
tout de suite le soupçon. Souvent d’ailleursà

Au-delà des ressourcesnaturelles,c’est
surtoutlaquestion desnouvellesroutes
maritimes,en particulier du passagedu
Nord-Est–plussujet auréchauffement
climatiquedufaitdu GulfStream que le
passageduNord-Ouest, quasiimpraticable –
quigénèreleplusdenervosité.«Les
Américains n’attendent pas derévolution
économique dansleurGrand Nord carbeaucoup
de licences d’exploration se sontrévélées
infructueuses en Alaska.Leplusimportantpour
eux, c’est lalibertéde navigationpartoutsur
le globe. Or l’arrivée de nouveaux joueursen
Arctique,enparticulierlaChine et son projet
de routedelasoiepolaire,change la donne »,
expliqueAlexandreTaithe. Après des années
de désengagement,lesÉtats-Unistententde
reprendre pied danslarégion. Mais la flotte
nord-Atlantiqueapeu demoyens.
ParaphrasantStaline,onpeut demander:la
Maison-Blanche, combiendebrise-glaces?
Alorsque la Russieenpossèdeplusd’une

raison, car lesmotivations ne sontpas toujours
seulement environnementales.Maisles
observateurs et lespopulations autochtones se
sententexclus. C’est unesourcedeconfusionet
de déception»,note Camille Escudé.C’est
pourquoi laPolognealancéleFormatde
Varsovie en 2010,qui réunitau moinsdeux fois
par an les pays observateurs,histoirede parler
d’une seulevoix au Conseil del’Arctique.
D’autresévénements comme ArcticFrontiers,
Artic Circle, Shanghai ArcticForum
permettentauxdécideurs du mondeentier
de se retrouver en dehorsduConseil.«C’est là
que ça se passe enréalité »,faitvaloir Camille
Escudé.Enfind’annéeTokyoorgansie une
conférence. Même les Émirats arabes unis ont
prévu un Artic Circle en 2021! Depuis des
années, les Chinoisont aussi tissé desrelations
bilatéralesavec touslespaysriverains,
notammentlaRussieàYamal, l’Islandedepuis
la crise de 2008etleGroenland, où ils ont
investi dans plusieurs sitesminiers.

Créé en 1996par les
pays de l’Arctique, ce
forum de coopération,
sans budget propre
ni pouvoir,aune
présidence qui change
tous lesdeux ans.
Sonsecrétariat
permanent(crééen
2013), d’une quinzaine
de personnes,
organise la conférence
ministérielle
bisannuelle, les
réunions semestrielles,
et coordonne les
groupes de travail.

8PAYSMEMBRES
(AVECDROIT DE VOTE) :
Russie, Norvège,
Danemark(via le
Groenland), États-Unis
(via l’Alaska), Canada,
Finlande, Suède et
Islande.

6PARTICIPANTS
PERMANENTS :
Aléoutes,Athabaska,
Gwich’in, Inuits,
peuplesautochtones
de Russie,Samis.

38 OBSERVATEURS :
13 pays non arctiques
(Allemagne,Pays-Bas,

LES CHIFFRES CLÉS DU CONSEIL Village de
Quaanaaq,extrait
de la série«North
Greenland and
climate change »
consacrée au
quotidien des
populations
locales.«Construit
dans lesannées
1950 ,cevillage
de 656habitants
se retrouve
menacépar
la fontedu
permafrost:lesol
se fragilise,
menaçant maisons
et routes »,
témoigne la
photographe.
Ci-dessous:table
ronde d’Arctic
Frontiersen
janvier dernier.

ALBERTOG

ROHO

VAZ

/ART

IC FRON

TIER

S2

020

Pologne,Royaume-Uni,
France,Espagne,
Italie, Chine,Corée
du Sud, Inde, Japon,
Singapour,Suisse),
13 organisations
gouvernementales
(l’Union européenne
esttoujourscandidate)
et 12 ONG.

6GROUPES DE TRAVAIL :
réduction de la
pollution, surveillance
et évaluation
de l’environnement,
conservation de la
faune et de la flore,
protection en cas de
pollution accidentelle,
protection de l’océan,
développement
durable.
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