Les Echos - 21.02.2020

(vip2019) #1
LES ECHOS WEEK-END – 33

VIE DE CHIEN, VIE DEPACHA


VIE DECHIEN


VIE DEPACHA


unettes de soleilposées sur la truffe et crête
violette sur la tête, Derbyagite la queue sur
une plage noire de mondeàPacifica, au sud
de SanFrancisco.Sonmaître arbore lui aussi
une mohawket desverresdeprotection.Unlook
assorti qui viseàsedistinguer des 44 autres
binômes–unhumain et un chien–inscrits
àcette compétition de surf.Gilet de sauvetage
sur le dos, le goldendoodle aupoil beige grimpe
àl’arrière de la planche. Après une première
tentativeinfructueuse, il finit par prendre
le creux de lavague. Les photographes jouent
des coudespour obtenir le meilleur cliché
au milieu de la centaine de famillesvenues
au spectacle.«Derby mevoyait surfer et ilvoulait
clairementvenir avec moi dans l’eau »,fait valoir
KentuckyGallahue, un maçon de San Diego qui a
déjàinscrit son chienàtroisautrescompétitions.
«J’ai un dalmatien, j’espèrequ’onva aussi
réussiràlemettreausurf »,rigole sa compagne
en distribuant des cartes @derbycalifornia,
le compte Instagram du mélangecaniche-golden
retriever aux quelque5000 abonnés.
Après lesavions, les cinémas et les
restaurants, la compétition sportive, organisée
chaque été depuis 2016, est le dernierexemple
de l’extension du territoire des animaux
de compagnie. En 2018, près de 70% des foyers
américains vivaientavecunanimal, une hausse
de 12points en deux décennies. Leurs maîtres
les traitent deplusenplus comme des humains :
«Les animaux de compagnie ont gagné
une nouvelle place dans les cœurs, les maisons
et les porte-monnaie de leurspropriétaires.
Sur une période de temps assez courte, les États-
Unis se sont transformés en un territoiredeyoga
pourchiens, d’acupuncturepourchats et de
programmes de fidélité pour les animaux prenant

fréquemment l’avion. Une société où l’incapacité
àtrouver un pet-sitter est devenue une excuse
acceptable pourrefuser une invitationàdîner,
où les candidats aux élections lèchent les bottes
des propriétaires d’animaux et où leschampions
de compétitions canines sont célébrés comme
les vainqueursdes Oscars »,s’amuse le journaliste
MichaelSchaffer dans son livreOneNation
Under Dog–unjeu de mots soulignant le statut
quasi divin qu’ont acquis cesbêtes.

UN DES RARES SUJETS QUI RASSEMBLENT
Car au royaume des animaux, les chiens
sont rois. De 36% du total en 2006, ils forment
désormais près de la moitié du contingent
aujourd’hui, suivis de 38% de chats et de 10%
de poissons.Tous les annonceurs leur courent
après:onentrouvedans les publicités
des bières Budweiser,del’assureur santé Sutter
Health, dans les logos des jeux vidéosZynga,
les paquets de thé de la marqueTeapigs...
«C’est l’un desraressujets non clivants capables
de rassembler tous les Américains dans un pays
divisé »,estime Christina Lopes, ancienne
directrice d’un fonds de private equityaccoudée
àune table d’un espace de coworking dePalo
Alto, au cœur de la SiliconValley.Ilya
quatre ans, cette propriétaire d’un caniche et
d’un chihuahuaacofondé One Health Company,
start-up qui viseàallonger la durée de vie
des chiens grâceàdes traitements depointe
contre le cancer conçuspour les humains.
Sonconstat:lecanidé«a évoluéd’un animal
utilitaire, notamment pour le travailàlaferme,
àuncompagnon avec qui on partagesa
nourritureetmême son lit et qui endosse lerôle
de meilleur ami ».Pourcette entrepreneuse,
la bascules’estfaite au début du millénaire,

Les Américains nourrissent


une passion pour leurs canidés,


devenus de vrais membres


de la famille. Loin de l’animal


qui dormait dehors dans


sa niche, le chien est désormais


traité comme un roi,


avec garderie, nourriture bio,


huile relaxante au cannabis...


Un voyage en leur royaume


qui, attention, peut donner


le vertige.


Par Anaïs Moutot
Photographe:Cayce Clifford ÀSan Francisco, ilyadésormais plus de chiens que d’enfants.

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